Lors de débats tendus le 4 juillet 2018, la commission paritaire sur le projet de loi dit « asile et immigration » n’a pas réussi à trouver un compromis sur cette loi considérée comme sensible[1], la renvoyant en nouvelle lecture à l’Assemblée.
La loi asile et immigration a pour but, selon Gérard Collomb, Ministre de l’Intérieur, d’accélérer la procédure de traitement des demandes d’asile. Il souhaite avec ce texte améliorer les conditions d’accueil des étrangers demandeurs d’asile, ainsi que leur intégration. Par ailleurs, Gérard Collomb cherche à renforcer la crédibilité et l’efficacité de la lutte contre l’immigration irrégulière. Largement décrié par les associations de défense des droits de l’Homme, ce texte ne fait pas non plus l’unanimité au sein de la majorité.
Tout d’abord, il est proposé d’accorder aux réfugiés et aux apatrides un titre de séjour d’une durée de 4 ans au lieu d’un an actuellement. L’objectif est de simplifier les démarches administratives et de permettre une meilleure stabilité juridique. De plus, les enfants bénéficiaires du droit d’asile pourront procéder à une « réunification familiale » qui s’étendra à leurs parents et à la fratrie. De plus, les pays condamnant l’homosexualité ne seront plus considérés comme des pays « sûrs » vers lesquels les personnes qui se sont vues refuser le droit d’asile pourront être renvoyées.
Le Ministère de l’Intérieur propose également de réduire le temps de traitement des demandes d’asile, de 11 à 6 mois. Ainsi, les demandes d’asile devront être examinées en 90 jours au lieu de 120 actuellement. En cas de rejet, les demandeurs verront la période pour déposer un dossier de recours réduite de 30 à 15 jours, la décision leur étant notifiée « par tous moyens ». De nombreuses critiques s’élèvent contre cette réduction qui fragiliserait des personnes déjà en situation très précaire. Le recours à la visioconférence pourra également être imposé, même sans l’accord du demandeur. De plus, le recours devant la Cour nationale du droit d’asile ne serait plus suspensif pour les personnes originaires de « pays sûrs », pouvant rendre l’expulsion possible même en cours de procédure.
Autre mesure polémique, le gouvernement souhaite augmenter le recours aux procédures d’expulsion ainsi que la durée maximale passée en centre de détention. L’enfermement des mineurs en centre de détention est également au centre des débats. Sur ce dernier point, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés appelle la France à mettre un terme à cette proposition, la privation de liberté ne pouvant « en aucun cas être considérée comme étant dans leur intérêt supérieur »[2], mesure qualifiée de « dangereuse » par l’UNICEF.
« Notre pays préfère la distinction à l’intégration, la concurrence à l’inclusion » écrivait Jacques Toubon, le Défenseur des droits en 2017. C’est finalement à la croisée de ces chemins que se trouvent les Parlementaires.
Matthieu Benoit-Cattin
[1] Rapport de la commission mixte paritaire en date du 4 juillet 2018[2] Note du HCR sur le projet de loi pour une immigration maîtrisée et un droit d’asile effectif en date du 5 mars 2018
Pour aller plus loin :
Dossier législatif Projet de loi pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie
Les sénateurs assument leur contre-projet de loi Immigration et asile, Dalloz Actualité, Christophe POULY, 28 juin 2018
Avis sur le projet de loi « pour une immigration maitrisée et un droit d’asile effectif », CNCDH, 2 mai 2018