Lorsqu’un travailleur souhaite obtenir sa pension de retraite de base, il doit obtenir la liquidation de ses droits. Pour cela, il s’adresse à la caisse de retraite du régime dont il dépend selon sa catégorie socio-professionnelle.
Par exemple, les salariés relèvent du régime général et doivent ainsi s’adresser à la caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAVTS)[1], tandis que les salariés et non-salariés agricoles relèvent de la Mutualité sociale agricole (MSA)[2]. Les artisans, commerçants et industriels relèvent quant à eux du Régime social des indépendants (RSI)[3]. La caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL) est compétente pour verser la retraite de base des professions libérales[4], avec une particularité pour les avocats qui, salariés ou non, relèvent de la caisse nationale du barreau français (CNBF)[5]. Les agents publics de la fonction territoriale et hospitalière relèvent de la caisse nationale de retraite des agents des collectivités territoriales (CNRACL)[6] etc..
Au cours de sa carrière, un travailleur est susceptible de changer de catégorie-socioprofessionnelle. Ce changement a pour effet de modifier l’affiliation du travailleur aux régimes de retraite. Au moment de son départ à la retraite, un travailleur qui percevra des pensions servies par au moins deux régimes de retraite de base sera alors considéré comme « polypensionné » : il devait liquider ses droits à la retraite de base dans chacune des deux caisses.
Ainsi, si un travailleur a été salarié et commerçant durant sa carrière, celui-ci est considéré polypensionné et il devait s’adresser à la fois à la CNAVTS et au RSI.
Selon le Conseil d’orientation des retraites, près de 40% des hommes et 30% des femmes des générations dernièrement parties en retraite sont des assurés polypensionnés[7].
En vue de simplifier les démarches des polypensionnés lors de leur départ à la retraite, la liquidation unique des régimes alignés (LURA) a été instituée par la loi « garantissant l’avenir et la justice du système de retraite » de 2014[8]. Face à ce constat, l’objectif de la loi instituant la LURA est de mettre en place un calcul et un versement unique des pensions pour les polypensionnés. Cette règle leur permet de ne s’adresser qu’à une seule caisse pour liquider leurs droits à la retraite de base au moment de leur départ à la retraite. La LURA est entrée en vigueur le 1er juillet 2017[9] et s’applique aux assurés nés après le 1er janvier 1953[10].
Une circulaire CNAV n°2017-27 du 21 juillet 2017[11] précise les règles de compétence des caisses de retraite pour les polypensionnés ayant relevé successivement, alternativement ou simultanément d’au moins deux des trois régimes, dits « régimes alignés » : le régime des salariés (CNAV), le régime des salariés agricoles (MSA) et le régime social des indépendants (RSI).
Les autres régimes de retraite ne sont pas concernés par ce système de liquidation unique.
La loi de 2014 prévoit qu’en principe, la caisse qui procède à la liquidation du régime de base est la dernière caisse d’affiliation. Cette règle s’applique quel que soit le montant des cotisations et même si le dernier revenu n’a pas permis de valider un trimestre dans le régime[12] [13].
Dès lors, le travailleur qui a été salarié (CNAVTS) puis commerçant (RSI) au cours de sa carrière devra s’adresser au RSI pour liquider ses droits à la retraite s’il s’agit de sa dernière caisse d’affiliation.
Toutefois, la circulaire CNAV du 21 juillet 2017 détermine la caisse compétente lorsque le travailleur est affilié à plusieurs régimes alignés en fin de carrière (1). Puis, elle indique la caisse compétente lorsque le travailleur relève en dernier lieu d’un régime non visé par la LURA (2). Enfin, des dérogations à la compétence de la dernière caisse d’affiliation sont prévues en faveur de certains régimes alignés (3).
1) L’ordre de priorité en cas d’affiliation simultanée à deux régimes alignés en fin de carrière
La circulaire détermine la caisse compétente lorsque l’assuré est affilié simultanément à deux régimes alignés en fin de carrière.
Dans ce cas, le régime chargé de la liquidation est celui prenant en charge les frais de santé. Sauf option contraire pour un autre régime, il s’agit du régime dont relevait le travailleur avec le cumul de régime de retraite[14]. L’assuré doit, lors de sa demande de retraite auprès de sa dernière caisse d’affiliation, indiquer cette information dans le formulaire[15].
A titre d’exemple, un travailleur est uniquement salarié entre 1980 et 2010. A ce titre, il relève du régime général (CNAV). Entre 2010 et 2017, il décide de développer sa propre activité de mosaïste et devient artisan. Toutefois, il conserve son activité de salarié. Au titre de son activité d’artisan, il relève du RSI et en tant que salarié, il relève du régime général (CNAV). S’il souhaite liquider ses droits à retraite de base, il se trouve dans une situation de cumul de régime. Dans notre exemple, le salarié relevait du régime général avant le cumul, c’est donc ce régime qui lui versait les frais de santé. La caisse du régime général, c’est-à-dire la caisse d’assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT), sera par conséquent compétente pour la liquidation de ses droits à la retraite de base.
2) La situation du travailleur relevant en dernier lieu d’un régime non visé par la LURA
La circulaire traite de la situation dans laquelle l’assuré est affilié en dernier lieu à un régime qui n’est pas visé par la LURA.
S’il a auparavant été affilié à l’un des trois régime alignés (CNATVS, MSA ou RSI), celui-ci sera compétent pour liquider les droits à la retraite de base[16].
À titre d’illustration, un travailleur a d’abord travaillé en qualité de commerçant (RSI). Puis, il a exercé une activité d’expert-comptable et cotise à ce titre à la Caisse d’assurance vieillesse des experts-comptables et des commissaires aux comptes (CAVEC), qui est une section de la CNAVPL. Il doit s’adresser au RSI pour liquider ses droits à la retraite de base, même si la CNAVPL est sa dernière caisse d’affiliation.
3) Des dérogations à la compétence de la dernière caisse d’affiliation en faveur de certains régimes alignés
La circulaire prévoit également des dérogations à la compétence de la dernière caisse d’affiliation pour liquider la retraite de base des polypensionnés en faveur du RSI, de la CNAV et de la MSA.
D’une part, la liquidation unique connaît plusieurs exceptions en faveur du RSI. Lorsque l’assuré a exercé avant 1973 une activité relevant du RSI, la caisse demeure compétente. Cette solution a été retenue en raison du fonctionnement en point du régime de retraite du RSI avant cette date. Pour des raisons de spécificités du régime, le RSI est également compétent lorsque l’assuré demande une retraite progressive ou lorsqu’il peut prétendre à une retraite pour inaptitude de travail substituée à une pension d’invalidité en vertu de ce régime[17].
D’autre part, le RSI n’attribue pas, comme le régime général, de retraite pour compenser l’incapacité permanente[18]. Par conséquent, lorsque l’assuré peut prétendre à une retraite pour compensation de l’incapacité permanente en vertu de la CNAV[19] ou de la MSA[20], c’est le régime en vertu duquel la retraite pour compensation de l’incapacité permanente est due qui procède à la liquidation[21].
Enfin, il existe une dérogation en faveur du régime agricole. Celle-ci vise à préserver le guichet unique agricole, puisqu’au-delà de gérer la retraite des salariés et non-salariés agricoles, la MSA gère également l’ensemble de leur protection sociale agricole obligatoire. Comme 75% des salariés agricoles ne relèvent plus de la MSA lors de la liquidation de leurs droits à la retraite, un rapport de l’Assemblée nationale avait préconisé que la MSA reste la caisse compétente afin qu’elle ne perde pas son activité[22]. La circulaire du 21 juillet 2017 tient compte de ces préconisations, en prévoyant que si l’assuré a relevé du régime social agricole et au moins d’un autre régime visé par la LURA (CNAV ou RSI), la MSA est compétente pour liquider les droits à retraite de base[23].
A titre d’exemple, le travailleur qui a d’abord travaillé en qualité d’exploitant agricole (MSA) et qui a ensuite exercé en tant que commerçant (RSI) relève de la MSA pour la liquidation de ses droits à retraite de base.
La mise en place de la LURA a pour avantage de simplifier les démarches des polypensionnés en leur permettant de s’adresser à une caisse unique lors de leur départ à la retraite. Toutefois, de nombreuses dérogations persistent et l’harmonisation est incomplète puisqu’elle ne concerne que la CNAV, le RSI et la MSA.
Marie Morin
Etudiante en master DPSE, Ecole de droit de la Sorbonne, Université de Paris 1
Apprentie chez Gide Loyrette Nouel
Charles Lapierre
Etudiant en master DPSE, Ecole de droit de la Sorbonne, Université de Paris 1
Apprenti chez Flichy Grangé avocats
Pour en savoir plus :
« Liquidation unique des retraites dans les régimes alignés : la Cnav précise les règles de compétence », Liaisons sociales Quotidien, l’actualité, nº 17374, 26 juil. 2017.
Loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraites, JORF n°0017 du 21 janvier 2014, p. 1050, texte n° 1
https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000028493476&categorieLien=id
Décr. n° 2017-735 du 3 mai 2017 relatif à la mise en œuvre de la liquidation unique des pensions de retraite de base des pensionnés affiliés au régime général de sécurité sociale, au régime des salariés agricoles et au régime social des indépendants, JORF n°0106 du 5 mai 2017, texte n° 44
https://www.legifrance.gouv.fr/eli/decret/2017/5/3/AFSS1707772D/jo/texte
Décr. n° 2017-737 du 3 mai 2017 relatif à la mise en œuvre de la liquidation unique des pensions de retraite de base des pensionnés affiliés au régime général de sécurité sociale, au régime des salariés agricoles et au régime social des indépendants, JORF n°0106 du 5 mai 2017, texte n° 46
https://www.legifrance.gouv.fr/eli/decret/2017/5/3/AFSS1711558D/jo/texte
Circ. CNAV n°2017-27 du 21 juillet 2017 relatif à la liquidation unique des régimes alignés
http://www.legislation.cnav.fr/Documents/circulaire_cnav_2017_27_21072017.pdf
[1] Article L. 222-1 du Code de la sécurité sociale
[2] Article L. 723-2 du Code rurale et de la pêche maritime
[3] Article L. 611-4 du Code de la sécurité sociale
[4] Article L. 641-2 du Code de la sécurité sociale
[5] Article L. 723-1 du Code de la sécurité sociale
[6] Article 2, Décr. n° 2007-173 du 7 février 2007
[7] C. DEMONTES, Rapport n°95 (2013-2014) fait au nom de la commission des affaires sociales sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, garantissant l’avenir et la justice du système de retraites, 25 oct. 2013, article 28, I.
[8] Article 43, Loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014, JORF n°0017 du 21 janvier 2014, p. 1050
[9] LFSS n° 2016-1827 du 23 décembre 2016, JORF n°0299 du 24 décembre 2016
[10] LFSS n° 2015-1702 du 21 décembre 2015, JORF n°0296 du 22 décembre 2015, p. 23635
[11] Circ. CNAV n° 2017-27, 21 juillet 2017
[12] Article L. 173-1-2 al. 1 du Code de la sécurité sociale
[13] Circ. CNAV n° 2017-27, 21 juillet 2017, par. 2.2
[14] Article D. 160-15 du Code de la sécurité sociale.
[15] CERFA n°10916*08
[16] Circ. CNAV n° 2017-27, 21 juillet 2017, par. 2.4
[17] Circ. CNAV n° 2017-27, 21 juillet 2017, par. 2.3.1
[18] Circ. CNAV n° 2017-27, 21 juillet 2017, par. 2.3.2
[19] Article L. 351-1-4 du Code de la sécurité sociale
[20] Article L. 732-18-3 du Code de la sécurité sociale
[21] Article R. 173-3-1 du Code de la sécurité sociale
[22] M. ISSINDOU, Rapport fait au nom de la commision des affaires sociales sur le projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites, 2 oct. 2013, III, C, 3)
[23] Circ. CNAV n° 2017-27, 21 juillet 2017, par. 2.3.3