“Les pays développés n’attendent pas de réciprocité pour les engagements, pris par eux au cours de négociations commerciales, de réduire ou d’éliminer les droits de douane et autres obstacles au commerce des pays en voie de développement.” Selon cet article 5 de la décision du 28 novembre 1979 applicable à l’Organisation Mondiale du Commerce, il n’y a par principe pas de réciprocité d’engagements entre les pays développés et les pays en développement.
En effet, le terme “réciprocité” est aujourd’hui en droit international économique constamment présent. Il est devenu un des principes phares qui permettent (ou non) le bon fonctionnement des échanges, l’égalité et surtout l’équité entre ses acteurs. Il est nécessaire ici de définir les termes utilisés. D’après le dictionnaire français Larousse, c’est le “caractère de ce qui est réciproque”. C’est à dire, une fois de plus selon le Larousse “ce qui marque un échange équivalent entre deux personnes, deux groupes”.
Parlons un peu Histoire pour comprendre la source de ce principe afin de comprendre toute sa teneur: Les relations entre la Communauté européenne, aujourd’hui Union Européenne (UE) et nombre des États d’Afrique des Caraïbes et du Pacifique (ACP) ne datent pas d’aujourd’hui. En effet, dès la fin de la Seconde Guerre Mondiale et prenant conscience de sa responsabilité dans la colonisation et du décalage économique croissant entre le Nord et le Sud, l’Europe en construction s’est attelée, dès le Traité de Rome en 1957 à faire évoluer les choses dans sa politique économique extérieure. En effet, la première Convention qui a vraiment entamé le processus d’un futur partenariat que nous connaissons de nos jours est Yaoundé élaborée en 1963, elle fut la première à créer une association entre les États africains et Madagascar associés et les États membres de la Communauté Economique Européenne (CEE). Cette convention octroyait des avantages commerciaux et une aide financière aux anciennes colonies africaines et c’est d’ailleurs la première à consacrer la réciprocité dans les rapports entre la Communauté Européenne et ses colonies.
Ensuite est signée en 1975 la convention de Lomé I qui expose les principes et les objectifs de la coopération de l’Union européenne (à l’époque encore appelée Communauté européenne) avec les pays ACP. Ce texte élaboré dans le contexte d’un “Nouvel ordre économique international”, a pour la première fois comme caractéristiques principales de reposer sur le principe du partenariat, de consacrer la nature contractuelle des relations et de combiner différents éléments relevant de l’aide, du commerce et de la politique.
Qu’est-ce que le partenariat? D’après le dictionnaire, Le Petit Robert, le concept de partenariat vient du mot anglais « partnership » qui signifie une « association d’entreprises, d’institutions en vue de mener une action commune ». En clair c’est une association de deux ou plusieurs membres pour mener une mission commune.
L’une des nombreuses caractéristiques principales des accords de Lomé sont des préférences non-réciproques accordées à la plupart des exportations des pays ACP vers la CEE. Chose totalement différente aujourd’hui.
Néanmoins; malgré des succès incontestables, le cadre de coopération depuis 1963 a atteint ses limites ; il est en effet resté sans effet notoire sur le rattrapage économique et social de ces pays par rapport au monde développé, ce qui était l’objectif principal des Conventions de Yaoundé et de Lomé. En effet, c’est avec l’accord de Cotonou signé le 23 juin 2000 que l’UE a la volonté de repartir sur de bon acquis tout en les améliorant. Ses idées sont regroupées dans un certain “Livre Vert” composé d’une synthèse des principaux thèmes de discussion. Il a pour but de nourrir les réflexions pour corriger les erreurs du passé, améliorer le présent et envisager le futur des relations économiques entre les Etats ACP et l’UE. L’accord de Cotonou établi un véritable tournant, une innovation dans ce partenariat. Cette innovation est due (pas seulement) à un changement adopté autour de la notion de réciprocité. Cette notion est en effet très importante puisqu’elle influence de fait considérablement les échanges commerciaux entre partenaires. Les effets sur l’économie de deux partenaires commerçant avec réciprocité ne sera pas du tout la même que si aucune réciprocité existe. Elle constituerait presque une “clé de voûte” dans la relation ACP-UE.
L’introduction de la réciprocité dans le partenariat ACP-UE constitue-t-elle un véritable changement notable?
Oui, cette introduction est une innovation majeure dans les rapports entre ACP et Union Européenne. Nous en voyons actuellement (et encore pendant les quelques années à venir) les côtés positifs mais aussi malheureusement (l’un ne va jamais sans l’autre) les côtés négatifs…
Tout d’abord, nous verrons dans un premier temps l’introduction de la réciprocité comme nouvelle démarche partenariale entre Etats ACP et UE. Puis enfin, nous verrons dans un second temps les conséquences de cette introduction de réciprocité dans ce partenariat.
L’introduction de la réciprocité comme nouvelle démarche partenariale entre États ACP et Union Européenne.
En effet, cette introduction de réciprocité dans les rapports ACP-UE permet un partenariat renforcé, néanmoins, cette réciprocité reste différenciée.
Un partenariat renforcé par l’introduction de la réciprocité
C’est dans l’accord de Cotonou signé le 23 juin 2000 que cette réciprocité est en premier lieu introduite. C’est en effet l’article 36.1 de l’accord qui stipule qu’eu l’égard aux objectifs et aux principes exposés ci-dessus, les parties conviennent de conclure de nouveaux accords commerciaux compatibles avec les règles de l’OMC; en supprimant progressivement les entraves aux échanges entre elles et en renforçant la coopération dans tous les domaines en rapport avec le commerce”.
Cette introduction de la réciprocité est particulièrement consacrée par le fait que les parties doivent supprimer réciproquement les entraves aux échanges entre elles. Ceci représente d’ailleurs un tournant dans les rapports ACP-UE puisque jusqu’alors, les ACP bénéficiaient de la part de l’UE d’une franchise des droits de douane sur la grande majorité de leurs produits à l’exportation. On parlait alors de préférences accordées par l’UE aux ACP.
Néanmoins, comme le prévoit l’accord de Cotonou, la coopération commerciale est appelée à une transformation radicale afin de préparer une intégration progressive des économies des Etats ACP dans l’économie mondiale et d’assurer une mise en conformité avec les règles de l’OMC (Organisation mondiale du commerce).
Une seconde idée ressort de cet article: c’est le souhait de renforcer véritablement la coopération dans les domaines du commerce. Il y a ici un véritable désir de partenariat que les parties contractantes se doivent de mener à bien.
Enfin, une troisième et dernière idée est consacrée grâce à cette réciprocité, c’est la mise en conformité avec les principes et buts de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC). En effet, comme le prévoit l’accord de Cotonou, la coopération commerciale est appelée à une transformation radicale afin de préparer une intégration progressive des économies des Etats ACP dans l’économie mondiale et d’assurer une mise en conformité avec les règles de l’OMC.
Les ACP s’étant octroyé des préférences tarifaires pendant plusieurs décennies avec notamment les accords de Lomé, ceci allait à l’encontre des principes fondamentaux de l’OMC comme par exemple la clause de la nation la plus favorisée ou encore de la non-discrimination dans les rapports commerciaux. D’ailleurs, ces préférences octroyées aux pays en développement (PED) mais plus particulièrement aux ACP a favorisé le mécontentement sur la scène internationale et de certains de ces PED (Amérique du Sud notamment). C’est d’ailleurs dans une célèbre affaire de la Banane que ce mécontentement et que cette discrimination commerciale a été mise en avant. L’Organe de règlement des différends a été dans le sens des demandeurs le 22 mai 1997 confirmé par l’organe d’appel le 9 décembre 1997.
De même, une affaire suivante est venue apporter des précisions sur ce principe de non-discrimination dans un rapport de l’Organe d’appel du 7 avril 2004 Communauté européennes conditions d’octroi des préférences tarifaires aux PED. C’est par cette absence de réciprocité que ces discriminations peuvent apparaître, il était donc nécessaire d’adapter les relations commerciales aux principes et buts de l’Organisation Mondiale du Commerce donc ces États étaient membres.
Une réciprocité néanmoins différenciée
En effet, la réciprocité accordée aux ACP reste différenciée. Il y a bien une réciprocité prévue entre les ACP et l’UE mais elle est différente, ce n’est pas une réciprocité uniforme qui elle, pourrait être trop rude pour tenir compte de toutes les différences entre les économies des pays ACP en termes d’intégration régionale, des besoins de développement et de capacités de négociation avec l’UE.
En effet, tout d’abord, pour comprendre ce qu’est cette réciprocité différenciée, il faut comprendre ce qu’est la double intégration régionale qui fait office de véritable pilier commercial entre les ACP et l’UE.
Cette double intégration économique régionale consiste à créer un espace économique unifié entre les pays d’une même zone du monde, ici les ACP et l’UE mais aussi au sein des ACP eux-mêmes. Il y a d’une part une zone de libre-échange entre les ACP et l’UE mais aussi des accords de partenariat au sein des États ACP. En fait, les pays ACP vont entreprendre des négociations pour conclure des accords de libre-échange, ou « accords de partenariat économique » (APE), plus conformes à la réglementation commerciale internationale, qui ont été mis en place en 2008 jusqu’à 2020.
Selon l’Union Européenne, cette double intégration régionale permettrait un meilleur commerce entre, non seulement les ACP entre eux mais également entre les ACP et l’UE ce qui, normalement, profiterait à chacun. Selon elle, cette solution présente l’avantage d’être conforme aux règles de l’OMC, tout en tenant compte de la spécificité de chaque État ACP. En effet, chaque État ACP ne présente pas les même avancés économiques ou les mêmes besoins. Cette solution est d’ailleurs consacrée dans l’article 34.4 et 35.3 de l’accord de Cotonou qui disposent que “la coopération économique et commerciale tient compte des différents besoins et niveaux de développement des pays et régions ACP”. L’objectif de cette intégration économique est d’assurer une plus grande prospérité aux pays membres. Il y aurait donc une réciprocité entre ces ACP et l’UE mais différente selon leurs besoins, leur poids économique ou leur niveau de développement. Ainsi, comme le souhaite l’UE, cette réciprocité, fondement de l’Organisation Mondiale du Commerce est respectée. Il s’agit comme d’un juste milieu entre une réciprocité rigide et une non-réciprocité. Mais en tout cas, il n’est pas sûr que ce mécanisme fonctionne à l’avenir car le projet a déjà pris du retard. Les États ACP n’ayant pas l’habitude de conclure des accords commerciaux et les délais imposés pour mettre en place des mesures (ces abaissements doivent se faire entre 2008 et 2020) s’imposant subitement, il se peut que ce mécanisme prenne du temps à fonctionner ou tout simplement qu’il échoue.
A l’égard des pays les moins avancés (PMA) au sein des ACP il faut juste préciser brièvement que cette réciprocité est assortie d’une condition. Il y a en effet un traitement spécial différencié qui leur est attribué. Ils bénéficient de ce que l’on appelle le régime « Tout sauf les armes », c’est-à-dire que la grande majorité de leurs produits (quasiment tous) à l’exportation bénéficient de la franchise de droits de douanes, sauf les armes comme le nom l’indique. Néanmoins, ces Etats ont évidemment une liberté: soit ces Etats décident de rester sous le régime “tout sauf les armes” leur permettant de continuer de bénéficier de franchises de douanes (mais ne verrons pas de grandes évolutions dans leur économie), soit, ils décident de signer un APE, et dans ce cas, le régime de réciprocité précédemment vu s’appliquera pour eux à leur risques et périls. Ce régime pouvant d’ailleurs très bien s’avérer efficace.
Cependant, cette introduction de réciprocité dans le partenariat ACP-UE a des conséquences importantes. L’accord de Cotonou étant en vigueur jusqu’en 2020, il n’est pas possible de connaître la totale ampleur des conséquences (qu’elles soient positives ou négatives), néanmoins, au regard d’aujourd’hui, il est possible dans exposer un certain nombre.
Les conséquences de l’introduction de la réciprocité dans le partenariat ACP-Union Européenne
Nous verrons dans un premier temps le bien-fondé de la réciprocité dans le partenariat ACP-UE puis le passage du partenariat à la concurrence seront traités dans cette partie.
Le bien fondé de la réciprocité dans le partenariat ACP-UE
Si cette réciprocité est consacrée dans l’Accord de Cotonou, c’est pour des raisons précises propres aux membres du partenariat. D’après l’Union Européenne, l’introduction de la réciprocité dans son partenariat avec les États ACP permet dans un premier temps l’abaissement plus ou moins rapide de leurs barrières tarifaires. Elle permet ensuite l’ouverture de ces ACP aux marché international et donc en parallèle au but principal de l’accord de Cotonou prévu dans son premier article: “le partenariat est centré sur l’objectif de réduction et, à terme, d’éradication de la pauvreté, en cohérence avec les objectifs du développement durable et d’une intégration progressive des pays ACP dans l’économie mondiale.”
En effet, la réciprocité a pour but d’établir des échanges commerciaux de manière égale être les ACP et l’Union Européenne. Ils disposent d’un délai de transition plus ou moins long de cet abaissement car on peut comprendre que ce n’est pas évident. Il faut du temps pour arriver à un abaissement des barrières tarifaire à l’échelle de l’Union Européenne. Ils disposent donc d’un délai de dix ans pour les baisser et alors seulement un bon commerce pour s’établir.
De plus, cet abaissement progressif des barrières tarifaires pourra permettre aux ACP de s’ouvrir au marché international. S’ils ne baissent pas leurs barrières, les États ACP risquent de se trouver enfermés et marginalisés par le reste de la communauté internationale. Il est donc nécessaire qu’ils s’ouvrent au monde. En effet, il y aura dès lors une concurrence entre les produits ACP et les produits au sein de l’UE, ce qui permettra une meilleure compétitivité au sein du marché pour les ACP, clé d’un meilleure rendement et d’un rehaussement de leur situation économique.
D’après l’article 28 a, la coopération doit viser à encourager l’intégration graduelle des États ACP dans l’économie mondiale; et d’après l’article 29 d, e et f de l’accord de Cotonou, “la coopération vise à libéraliser les échanges et les paiements; stimuler les investissements transfrontaliers, tant étrangers que nationaux (…)” Dès lors, l’objectif principal de l’accord de Cotonou peut être accompli. En effet, d’après l’article 1er de l’accord, “Le partenariat est centré sur l’objectif de réduction et, à terme, d’éradication de la pauvreté, en cohérence avec les objectifs du développement durable et d’une intégration progressive des pays ACP dans l’économie mondiale”
Par rapport au phénomène d’érosion des préférences des produits ACP (les avantages deviennent moindres à cause de l’abaissement considérable des barrières tarifaires au sein de l’Union), on peut très bien se dire que cette réciprocité permet de pallier à ce désavantage grandissant. Mais rien n’est sûr.
Cependant, le monde étant ce qu’il est, cette réciprocité n’a pas que des bons côtés comme il semble paraître et comme il faudrait.
L’introduction de la réciprocité: du partenariat à la concurrence entre les États ACP et l’UE
Cette réciprocité a-t-elle que des avantages pour les Etats ACP? On pourrait avancer l’hypothèse que non. Tout d’abord, cette réciprocité dans les rapports commerciaux entre l’Union Européenne et les ACP qui les mettent sur un véritable pied d’égalité pourrait faire naître une véritable concurrence entre les deux acteurs. En effet, les petits États ACP, éparpillés et diffus, faibles économiquement, socialement, politiquement’ n’ayant quasiment aucune cohésion entre eux (clés d’une économie florissante) se retrouvent face à un géant économique maîtrisant l’économie interne et externe, ayant le stade d’intégration économique le plus poussé au monde et étant mieux organisé politiquement et socialement. Il y a alors une choquante inégalité ici qui apparaît, le petit contre le grand, le faible contre le fort. Il ne s’agit pas de David et Goliath, il paraît compliqué que ces petits Etats puissent faire le poids devant un tel marché. Par exemple, certains pays dont l’économie est principalement basée sur l’agriculture pourraient voir cette filière autrefois rentable se détruire et aboutir à un appauvrissement conséquent des producteurs et des populations rurales. C’est le cas par exemple pour la Jamaïque. La politique agricole de l’Union ou la politique agricole commune (la PAC) est pour ces petits pays un vrai mur qui, certes, bénéficie aux membres de l’Union Européenne (de moins en moins il est vrai), mais faisant office de barrière à la principale ressource économique des ACP.
De plus, il y a quelque chose d’injuste dans cette introduction de réciprocité. L’Union Européenne (institution composée, il faut le rappeler, de pays à forte économie et à grand potentiel) a mis une cinquantaine d’années à baisser ses barrières tarifaires de manière quasi-totale. Elle exige alors aux ACP de les baisser dans un délai de dix ans. Elle voudrait donc que des Etats vingt fois moins riches baissent cinq fois plus rapidement leurs barrières. Pourquoi cet empressement de baisse de barrières? L’économie étant liée à la politique, on pourrait se dire que l’Union Européenne cherche à forcer l’abaissement des barrières des ACP dans son intérêt propre et non pas dans leurs intérêts mutuels. Cela permettrait peut-être d’élargir plus l’Europe au marché des ACP que le contraire, ce qui bien sûr serait d’une mauvaise foi de la part de l’Union.
Ensuite, par rapport au mécanisme de double intégration régionale, on peut se demander si ce mécanisme est réellement un bien pour les relations entre les Etats ACP d’une part et pour les relations entre ACP et UE d’autre part. A cause de ce mécanisme, il y aurait une réciprocité à géométrie variable. En effet, les ACP ne faisant pas partie de ces groupements régionaux pourraient se retrouver négligés ou affaiblis dans leurs rapports avec les autre pays ACP mais aussi avec l’Union Européenne comparé aux ACP faisant partie de ces accords de partenariat économiques. Ce fut par exemple le cas du Kenya, important exportateur floral (représentant à lui seul 38% des exportations de fleurs vers l’UE) se retrouvant face à ces concurrents signataires d’APE tels que le Rwanda, la Colombie ou encore la Tanzanie etc… De plus, on pourrait se dire que ces différentes zones régionales créées au sein des Etats ACP pourraient les faire entrer en concurrence (ce qui selon l’UE est bon pour leur économie), néanmoins, ces États étant diffus, répartis dans le monde et économiquement faibles, ils auraient a priori plus besoin d’une unité que d’une division en zones régionales.
Enfin, depuis la fin de la guerre froide, le monde change et il change encore plus vite depuis une décennie. Les intérêts des États changent, les accords évoluent, d’autres sont créés et le commerce international s’adapte plus ou moins. En effet, aujourd’hui, les barrières tarifaires au sein de l’UE ont quasiment disparu. Nous sommes passés de 40% de taxes à l’importation à 2-3%. Les ACP exportant leurs produits sur le sol européen n’ont absolument plus aucuns avantages dus à leurs préférences comparés aux autres États. Ce phénomène d’érosion des préférences affaiblit alors encore plus ces petits États qui ne disposent que d’un ou deux principaux produits d’exportation.
Attardons nous un instant sur ce qui a déjà été fait pour juger et avoir une appréciation plus concrète de la situation actuelle.
Voici le point sur les APE entre l’UE et les Etats ACP au 4 mai 2016 présent sur le site officiel du International Centre for Trade and Sustainable Development:
Les questions d’échanges commerciaux ont été au centre des discussions lors de la 103e session du Conseil des ministres de l’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP), qui a eu lieu le 25-29 Avril à Dakar, Sénégal. Les ministres ont discuté des perspectives en ce qui concerne les accords de partenariat économique (APE) en cours de négociation avec l’Union européenne, ainsi que les questions liées au commerce de divers produits, tels que les produits de la pêche et de sucre, entre autres.
Les ministres ont également exprimé leur détermination et leur enthousiasme à l’avance du prochain Sommet des chefs d’Etat et de gouvernement des pays ACP, qui aura lieu en Papouasie-Nouvelle-Guinée, du 10 mai au 1 Juin. Les espoirs que la réunion fournira le mandat politique nécessaire pour rajeunir l’organisation, ainsi que d’une fondation sur laquelle bâtir un engagement productif en ce qui concerne l’avenir des relations entre l’UE et le Groupe ACP est bien présent. La réunion des ministres ACP a été suivie d’une session du Conseil conjoint ACP-UE des ministres, qui a réuni les ministres des pays ACP et de leurs homologues de l’Union européenne.
Un appel à la flexibilité sur les accords de partenariat économique Lors de la réunion du conseil, les ministres du Groupe ACP d’accord sur une résolution concernant les accords de partenariat économique entre les différentes régions ACP et l’UE. Les APE sont réciproques – bien asymétrique – accords commerciaux entre l’UE et sept régions ACP, à savoir l’Afrique centrale, Afrique orientale et australe, la Communauté d’Afrique de l’Est, la Communauté de développement de l’Afrique australe, Afrique de l’Ouest, des Caraïbes et du Pacifique. À ce jour, seule la région des Caraïbes a signé et ratifié un accord régional complet avec l’UE, qui est actuellement mis en œuvre. Trois autres groupements régionaux – Afrique de l’Ouest, la Communauté d’Afrique de l’Est, et de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) – ont également conclu leurs négociations avec l’UE, mais ces APE sont toujours en attente de signature et de ratification. Dans la résolution adoptée la semaine dernière, les ministres ACP ont renouvelé leur appel à la flexibilité de la part de l’UE, « afin que les négociations en suspens puissent être conclus pour un bénéfice mutuel», déclare un communiqué de presse par le groupe ACP. Ils ont également demandé à l’UE de reprendre les négociations avec l’Afrique centrale, Afrique orientale et australe (ESA) et le Pacifique au niveau ministériel. Un autre élément important, selon les ministres ACP, réside dans le soutien que les Etats ACP seront en mesure d’obtenir, afin de mettre les APE en vigueur une fois ratifiés. Ils ont souligné ainsi la nécessité d’une assistance technique et financière prévisible supplémentaire et adéquat afin d’assurer une bonne mise en œuvre des accords. Dans sa stratégie commerciale présentée en Octobre 2015, la Commission européenne a également souligné l’importance cruciale de la mise en œuvre des APE. « La Commission travaillera avec les partenaires africains pour assurer l’application effective des APE en mettant en place des institutions fortes, des structures et des mécanismes qui contribuent également à l’amélioration de la règle des réformes du droit et la bonne gouvernance», affirme le document.
D’autres questions liées au commerce ont été abordées: Au cours de cette 103e session du Conseil, les ministres ont appelé tous les Etats membres ACP à participer à la 14e Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement, qui aura lieu le 17-22 Juillet à Nairobi. Ils ont exprimé leur volonté de renforcer leurs relations avec la CNUCED, afin de mieux tirer parti du potentiel du commerce en tant que vecteur de croissance et de développement durable. Le conseil a également discuté de la question importante de la pêche, sur laquelle il a fait une résolution spécifique. Le document demande au secrétariat du Groupe ACP, pour soutenir les pays ACP dans leurs efforts de négocier de meilleurs accords bilatéraux de partenariat de pêche durable avec l’UE. Il demande également au secrétariat de continuer à travailler en collaboration avec les organisations et institutions régionales de pêche. Les ministres ont également évoqué les travaux menés à l’Organisation mondiale du commerce. « Les questions concernant les subventions aux pêcheries et le traitement différentiel spécial doivent être poursuivis dans le programme de travail post-Nairobi de l’Organisation mondiale du commerce », indique le communiqué de presse par le groupe ACP. Patrick Gomes, le Secrétaire général du Groupe ACP, aurait affirmé que seule une première étape a été faite à la 10e conférence ministérielle de l’OMC (MC10), qui a eu lieu Décembre dernier à Nairobi, sur la question des subventions à la pêche. À MC10, en dépit des négociations substantielles sur le sujet, aucun résultat significatif n’a été obtenu dans ce domaine. Le sujet de la pêche a également été évoqué au début de l’année au cours d’une visite de Roberto Azevêdo, Directeur général de l’OMC, à Dakar, Sénégal. Soulignant l’absence de progrès significatifs sur les subventions à la pêche, le ministre du Commerce sénégalais, Alioune Sarr, a indiqué que les membres de l’OMC ne doivent pas abandonner leurs efforts pour faire des progrès sur cette question importante. Le conseil a adopté une autre résolution sur la question du sucre, dans laquelle les ministres ACP accueillent certains des développements récents dans les négociations avec l’UE. Ceux-ci incluent des garanties qu’il n’y aura pas d’application automatique du mécanisme de sauvegarde de l’UE et que cette dernière ne saurait imposer des exigences relatives à l’étiquetage du pays d’origine (COOL) pour le sucre. Les ministres ont également discuté de l’exportation de noix de cajou, que le Groupe ACP souhaite développer. Gomes aurait souligné que ce produit a été très réussi, avec des moyens de création de valeur ajoutée pour le traitement et l’emploi, en particulier pour les femmes dans l’agro-transformation et dans le conditionnement. « Donc, le long de ces lignes, nous sommes en train de négocier fermement et en regardant conditions dans lesquelles nos produits peuvent aller avec plus de valeur ajoutée vers le marché européen », a déclaré le Secrétaire général ACP.
Conseil conjoint ACP-UE des ministres: Le conseil des ministres ACP a été suivi d’une réunion du conseil paritaire ACP-UE des ministres. Pendant l’événement, les deux co-présidents du corps ont exprimé leur volonté d’aligner le cadre de la coopération entre le Groupe ACP et l’UE avec les objectifs de développement durable des Nations Unies (ODD), qui ont été adoptées Septembre dernier dans le cadre de l’Agenda 2030 pour le développement durable Développement. « Depuis plus de 40 ans, le Groupe ACP et l’UE partagent la même vision d’un partenariat fructueux, et permet d’orienter notre coopération vers l’Agenda 2030 pour le développement durable, lequel apportera une valeur ajoutée aux efforts mondiaux. Nous nous réjouissons de prendre des mesures concrètes en vue d’harmoniser nos positions à cet égard », a déclaré Raphaël Mokoko, ministre de la planification et de l’intégration de la République du Congo et l’un des co-présidents du conseil conjoint. La réunion a également abordé des questions telles que le financement du développement, la coopération commerciale, le développement du secteur privé, et de la stratégie globale de l’UE sur la politique étrangère et de sécurité. Les participants ont également discuté de l’avenir du partenariat ACP-UE et la forme qu’elle pourrait prendre après 2020.
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Comme il a été signalé, les abaissements conséquents de barrières tarifaires devaient se faire en dix ans, soit en 2010. Nous sommes en 2016 et seulement un APE a été signé et ratifié. Ceci démontre donc une fois de plus le besoin de temps et de flexibilité des Etats ACP (éléments demandés à l’UE depuis les premières années qui suivirent l’accord de Cotonou).
Désormais, espérons que cette dernière rencontre ayant eu lieu le 4 mai 2016 ne soit pas un ensemble de simples discours “œcuméniques” ventant les partenariats et l’espoir mais véritablement un pas de plus vers une amélioration effective et concrète du partenariat entre ACP et UE.
L’accord de Cotonou est en vigueur jusqu’en 2020, c’est donc à cette date qu’il sera possible d’établir un vrai bilan.
Mais le monde étant ce qu’il est, le contexte actuel évoluant comme il évolue, il est fort probable -en espérant me tromper- que ce bilan soit plus ou moins décevant (plus pour les États ACP que pour le reste du monde d’ailleurs).
Il ne reste dès lors qu’à espérer qu’il ne s’agisse que d’un retard au programme et que ces États ressentiront les bienfaits de cet accord dans un futur plus ou moins proche.
Après tout, “tout vient à point à qui sait attendre”.
Erwan Rondeau