Mails, Fax, SMS, documents Word, banque de données d’images, historique internet…lors d’une procédure en justice, le juge dispose de nos jours d’une multitude de moyens de preuve.
Les nouvelles technologies, et plus précisément les documents électroniques, continuent de poser problème. Ils s’insèrent aujourd’hui dans tous les domaines, tant dans les relations professionnelles que sociales, mais aussi dans la vie personnelle. Or, ils génèrent un flux d’informations immense qu’il convient de canaliser : le monde virtuel ne doit pas constituer une zone de non-droit, d’autant plus qu’il peut se révéler être une arme puissante. Quelle force probante ont les documents électroniques ? Quelles doivent être alors leurs caractéristiques ? Ces questions reposent donc d’une part sur leur intégrité, et d’autre part sur leur authenticité.
La preuve par l’électronique
Le droit français connaît deux systèmes de preuve : le système de preuve libre et le système de preuve légal. Le 1er admet tout moyen de preuve, sauf contrariété à l’ordre public. Le 2nd impose aux parties 5 modes de preuve énoncés à l’article 1315-1 du Code civil, notamment la preuve littérale (articles 1316 et suivants du Code civil). Les documents électroniques ayant pour partie remplacés les « documents papier », peuvent-ils eux aussi être qualifiés de preuve littérale ? Le droit français s’est saisi de la question avec la loi du 13 Mars 2000 qui a modifié les articles 1316 et suivants du Code Civil relatifs à la preuve, en consacrant la valeur probante de l’écrit sous forme électronique, et en introduisant la signature électronique dans notre droit.
L’écrit englobe aujourd’hui, selon l’article 1316 du Code civil, le support papier mais aussi le support électronique. Or tous les supports électroniques ne présentent pas tous les mêmes garanties de sécurité. L’article 1316-1 du Code civil exige alors que l’écrit électronique soit dûment identifié pour qu’il soit utilisé comme preuve au même titre qu’un écrit sous forme papier. Or, le législateur n’a pas précisé la portée des termes « dûment identifiés » et « intégrité ». La jurisprudence a donc pour mission de déterminer dans quelle mesure les documents électroniques peuvent servir de preuve littérale en droit.
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Une jurisprudence prétorienne
Le travail de la jurisprudence en la matière fut très important. Ainsi, dans le cadre de divorces, la Cour Européenne des Droits de l’Homme a énoncé en 2007 que l’installation par un conjoint d’outils pour surveiller l’autre conjoint est attentatoire à la vie privée. Dans un arrêt du 23 Mai 2007, la chambre sociale de la Cour de cassation a admis l’utilisation d’un SMS comme mode de preuve. Dans cette affaire, il était question de prouver l’existence d’un cas de harcèlement dans une entreprise. La Haute cour a considéré qu’il s’agissait d’un procédé loyal recevable car l’émetteur ne peut ignorer que les messages sont enregistrés par l’appareil récepteur.
Plusieurs arrêts autorisent également le juge aux affaires familiales à accepter comme preuve des traces enregistrées sur un ordinateur (pages visitées, documents téléchargés…).
En la matière, le droit du travail démontre l’implication des juges à encadrer le régime des preuves électroniques. Ainsi, l’employeur peut, en l’absence du salarié, accéder à ses documents, dossiers et fichiers sauf s’ils sont marqués « privés » ou « personnels » (Cour de cassation 18 octobre 2006). Ce droit a été étendu par l’arrêt de la chambre sociale du 9 juillet 2008 aux connexions sur des sites internet.
Si la vie privée semble être protégée activement, les juges n’hésiteront jamais à utiliser l’électronique comme nouvelle arme processuelle en matière de preuve.
Eugénie Néau