L’influence du concept de RSE sur les sociétés transnationales : vers une responsabilité civile délictuelle des sociétés-mères pour les faits commis par les sociétés liées

Dans le contexte actuel de mondialisation des affaires et d’interconnexion des économies, les sociétés transnationales tendent à développer des activités qui ne se cantonnent plus à leur Etat d’origine, afin de maximiser les profits, et minimiser les coûts. C’est en fonction de cette logique qu’est articulée leur chaîne de production. Cependant, une telle dispersion des fonctions peut parfois conduire les sociétés, respectivement donneuses d’ordres ou sociétés-mère, à confier certaines tâches à des sous-traitants ou filiales peu soucieux de l’environnement ou des préoccupations sociales, et dont les activités provoquent des catastrophes environnementales et sociales majeures. Des tristement célèbres marées noires provoquées par les naufrages des navires pétroliers Erika et Exxon Valdez ayant respectivement souillé les côtes françaises et d’Alaska en 1989 et 1999, en passant par l’accident de la centrale de Fukushima en 2011 et la catastrophe de Bhopal de 1984, à plus récemment l’émoi provoqué par le drame du RanaPlaza au Bangladesh en 2013, dans lequel plus d’un millier de travailleurs avaient trouvé la mort, à la mise en cause en 2015 de la société transnationale Vinci pour des pratiques de travail assimilées à de l’esclavage au Qatar sur le site de la Coupe du Monde 2022, les exemples sont légion et rythment la vie économique depuis la Révolution Industrielle.

Face à l’indignation croissante de l’opinion publique confrontée à tels phénomènes, les préoccupations des sociétés transnationales ne peuvent plus se cantonner à la simple production de richesse: celle-ci doit se combiner en harmonie avec un certain nombre de principes éthiques ayant fait leur apparition au sein du monde des affaires. C’est dans ce contexte qu’a émergé en droit français la notion de responsabilité sociale et environnementale (littéralement traduite de l’expression anglo-saxonne « Corporate Social Responsability » née aux États-Unis au cours des années soixante-dix, et communément désignée par l’acronyme RSE). Ainsi, la RSE est une déclinaison microéconomique du concept macroéconomique de développement durable. La démarche RSE consiste, pour les entreprises, à prendre en compte les impacts sociaux et environnementaux de leurs activités pour adopter les meilleures pratiques possibles et contribuer ainsi à l’amélioration de la société et à la protection de l’environnement. La Commission européenne la définit, dans sa communication du 2 juillet 2002 concernant la « RSE : une contribution des entreprises au développement durable » comme « l’intégration volontaire par les entreprises de préoccupations sociales et environnementales à leurs activités commerciales et leurs relations avec leurs parties prenantes ».

La problématique de la RSE se pose avec acuité s’agissant des entreprises transnationales, qui adoptent des chaînes d’approvisionnement complexes, en raison de la disparité des systèmes juridiques en matière de protection de l’environnement et des droits de l’Homme. En outre, les lois nationales ne sont en principe, pas d’application extraterritoriale, ce qui permet aux entreprises transnationales d’échapper à toute responsabilité devant le juge du siège social pour un dommage extraterritorial, c’est-à-dire un dommage commis à l’étranger par des sociétés de droit étranger et autonome juridiquement de la société mère et dont les victimes sont à l’étranger.

Cependant, alors qu’une telle prise en compte reposait initialement sur une démarche volontaire, laissée au bon vouloir des entreprises, la nouvelle définition de la RSE proposée par la Résolution du Parlement Européen du 29 septembre 2011 soit « La responsabilité des entreprises vis-à-vis des effets qu’elles exercent sur la société », témoigne d’un changement notable de perspective. Il faut en effet noter la disparition du terme « volontaire », remplacé par la notion de « responsabilité ». Ainsi, le droit s’oriente d’une démarche volontaire, à une obligation normative, source de responsabilité i. Cette question relève en droit français d’une actualité brûlante, puisque la proposition de loi visant à consacrer une responsabilité civile délictuelle des sociétés-mères pour les dommages causés par leurs filiales, fournisseurs et sous-traitants a été définitivement adoptée en Lecture définitive par l’Assemblée nationale le 21 février 2017ii. Cet article sera donc l’occasion de rappeler l’évolution du droit en matière de RSE ayant conduit à l’adoption d’une telle loi, et d’en étudier son contenu et son opportunité.

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L’influence du concept de RSE sur les sociétés transnationales : vers une responsabilité civile délictuelle des sociétés-mères pour les faits commis par les sociétés liées

Ellena BRUNETTI
MASTER OFIS 2017 DE LA SORBONE

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