L’inflexible "mariage pour tous"

La vague du « mariage pour tous » ne semble pas sur le point de déferler. L’arrêt du 28 janvier 2015, rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation, en est le récent témoignage. La Convention de 1981, liant la France au Maroc, est écartée au motif que le mariage homosexuel est d’ordre public international français.

Le respect de la pyramide kelsenienne 

C’est dans une situation délicate, opposant le respect par la France de ses engagements internationaux, à la liberté de se marier, que la Cour a fait primer le droit interne.

La Cour a rejeté le pourvoi formé par le Ministère public d’une manière surprenante.

En effet, elle a raisonné en interprétant la Convention. Son article 4 permet d’écarter l’une des lois applicables en cas d’incompatibilité manifeste avec « l’ordre public ». La Haute juridiction s’y est engouffrée, approuvant la cour d’appel d’avoir retenu que la loi marocaine est « manifestement incompatible avec l’ordre public  international » français, autorisant le mariage de personnes de même sexe. Le raisonnement est assez limpide. L’ordre public international français est brandi telle une exception.

Pourtant, le principe de supériorité des traités et conventions (art. 55 C) est bien enraciné.

Partant, la Haute juridiction a affronté la hiérarchie des normes, au sommet de laquelle trône la sphère juridique internationale. La conception kelsenienne de la hiérarchie des normes s’est trouvée bouleversée, et la primauté du droit international sur le droit interne, contrecarrée.

Le « mariage pour tous », liberté fondamentale guidant le juge 

Que penser du choix opéré par la première chambre civile ? D’un point de vue pragmatique, cette décision se justifie. La liberté de se marier est un droit fondamental garanti nationalement et internationalement. A cet égard, l’article 12 de la Convention européenne doit être cité. Si la cassation avait été requise, le droit au mariage se serait trouvé ébranlé. Ainsi une approche pragmatique est préférable : indifféremment des opinions de chacun sur le « mariage pour tous », pouvons-nous seulement concevoir que, après la loi du 17 mai 2013, l’on puisse empêcher des couples homosexuels de se marier en raison d’un conflit de loi ?

En l’espèce, le tour de force de la Cour de cassation confère au mariage entre personnes homosexuelles une dimension notable. D’une certaine manière, la Cour de cassation poursuit l’œuvre du législateur et l’amplifie. Elle présente la France comme un Etat de droit respectueux des libertés fondamentales, dont le mariage fait partie. A cet égard, l’arrêt du 28 janvier 2015 s’inscrit dans une continuité jurisprudentielle. Ainsi, par exemple, le Conseil d’Etat, par une ordonnance du 9 juillet 2014, avait affirmé que le mariage– en l’espèce, entre personnes homosexuelles- est une « liberté fondamentale ». Le refus de délivrer un visa à un étranger, souhaitant épouser un citoyen français, est donc entaché d’illégalité.

Par ailleurs, ce mouvement pour la protection du droit au mariage manifeste l’avance prise par la France en la matière. La CEDH n’a pas entendu obliger tous les Etats signataires de la Convention à autoriser le mariage homosexuel. L’arrêt Schalk et Kopf c/ Autriche, du 24 juin 2010, l’illustre.

Les futurs contentieux confirmeront sûrement cet élan de libéralisation.

Samantha DEVERSIN

Pour en savoir plus :

Site de la Cour de cassation jurisprudence première chambre civile  Arrêt du 28 janvier 2015 (13-50.059).

Site Dalloz   Recueil Dalloz →  Le « mariage pour tous » est d’ordre public en matière internationale – Fulchiron – D. 2015. 464

Site Dalloz Recueil Dalloz Mariage de personnes de même sexe : exception d’ordre public international- Gallmeister- D.2015. 464

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