L’article 14 de la loi de finances rectificative pour 2017 n° 2017-1775 met fin à la possibilité de déduire extra-comptablement une retenue à la source, et impose expressément l’imputation d’un crédit d’impôt égal au montant de l’imposition susévoquée lorsqu’une convention fiscale internationale a été conclue par la France.
Les dividendes, intérêts et redevances versés par une société basée dans un pays étranger à une société localisée en France peuvent être imposés lors du versement par le pays étranger. C’est ce que l’on appelle une retenue à la source. Le problème réside dans le fait que les dividendes, intérêts et redevances versés vont augmenter les bénéfices de la société française, et seront ainsi imposés au titre de l’impôt sur les sociétés français. Pour pallier cette double imposition, la France a signé pléthore de conventions fiscales internationales.
Selon la manière dont les clauses des conventions fiscales internationales signées par la France avaient été rédigées, une entreprise était soit obligée d’imputer un crédit d’impôt égal au montant de la retenue à la source, soit avait la possibilité de déduire cette dernière.
Le Conseil d’État affirma que lorsque la convention fiscale internationale l’exclut expressément, la déductibilité des retenues à la source est prohibée [1]. En ce cas, seul l’imputation d’un crédit d’impôt est possible, si la convention la prévoit. Pour exemple, la convention fiscale internationale franco-camerounaise stipule que « Dans ce cas, l’impôt camerounais n’est pas déductible de ces revenus, mais le bénéficiaire a droit à un crédit d’impôt imputable sur l’impôt français ».
En revanche, lorsque la convention fiscale internationale ne l’exclut pas expressément, l’entreprise a le choix entre la déductibilité ou l’imputation d’un crédit d’impôt [2]. Cela est conforme à l’article 39 du Code général des impôts, qui dispose que les entreprises peuvent déduire tous les impôts, droits ou taxes à leur charge dont la déduction n’est pas expressément interdite par la loi. Dans ce sens, la convention fiscale internationale franco-néo-zélandaise stipule que « L’impôt néo-zélandais perçu sur ces revenus ouvre droit au profit des résidents de France à un crédit d’impôt qui correspond au montant de l’impôt néo-zélandais perçu mais qui ne peut excéder le montant de l’impôt français afférent à ces revenus », et n’interdit nullement la déductibilité.
La possibilité de déduire les retenues à la source présente un intérêt certain lorsque l’entreprise est déficitaire. Effectivement, bien que déficitaire, elle pourra reporter la charge d’impôt sur les exercices suivants, celle-ci venant alors diminuer le résultat fiscal imposable. Parallèlement, si l’entreprise est déficitaire et qu’elle n’a droit qu’au crédit d’impôt, alors ce dernier est tout simplement perdu puisqu’il ne peut que s’imputer sur un bénéfice, et qu’il n’est pas reportable. Dans ce dernier cas, la double imposition est effective. Le Conseil constitutionnel a par ailleurs jugé l’impossibilité de reporter en avant ces crédits d’impôt conforme à la Constitution [3].
Le législateur est venu mettre fin à cette inégalité de traitement, en pénalisant l’ensemble des sociétés. À compter du 1er janvier 2018, l’article 39 du Code général des impôts interdit la déductibilité des retenues à la source, quand bien même la convention fiscale internationale ne l’exclurait pas expressément. Il convient néanmoins de préciser que l’article 39 modifié du Code général des impôts maintient la possibilité de déduire des retenues à la source lorsqu’aucune convention fiscale internationale n’est applicable.
Assurément, une telle mesure est à mettre en perspective avec la baisse progressive du taux de l’impôt sur les sociétés en France, et des limitations aux déductions fiscales pouvant l’accompagner.
Vincent LEPAUL
[1] CE, 12 mars 2014, n° 362528, Société Céline
[2] CE, 7 juin 2017, n° 386579, Société LVMH
[3] CC, 28 septembre 2017, n° 2017-654 QPC