Depuis le 4 mars 2016, date de publication de la décision du Conseil constitutionnel[1], tout salarié licencié pour faute lourde est en droit de prétendre à une indemnité compensatrice de congés payés.
Pour rappel, cette indemnité vise à compenser les congés payés acquis, mais non pris du fait de la rupture du contrat de travail. Jusqu’à lors, la faute lourde à l’origine du licenciement avait pour effet de priver le salarié de cette indemnité. Cette disposition était prévue par l’alinéa 2 de l’article L. 3141-26 du Code du travail, ainsi rédigé : « L’indemnité est due dès lors que la rupture du contrat de travail n’a pas été provoquée par la faute lourde du salarié que cette rupture résulte du fait du salarié ou du fait de l’employeur. »
À l’origine de cette décision, se trouve un salarié qui, bien que licencié pour faute lourde, sollicitait le versement de l’indemnité compensatrice de congés payés. Considérant que cette disposition portait atteinte au droit au repos et au droit à la protection de la santé, il a formulé une Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC) devant la Cour de cassation, laquelle l’a transmise, le 2 décembre 2015, au Conseil constitutionnel[2].
Le requérant soulevait l’existence d’une contrariété entre l’alinéa 2 de l’article L. 3141-26 du Code du travail et l’article 11 du préambule de la Constitution de 1946 disposant que : « La Nation garantit à tous, notamment à l’enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs ».
Par décision du 2 mars 2016, le Conseil constitutionnel a déclaré inconstitutionnelle cette disposition. Cependant, pour arriver à ce résultat, le Conseil a suivi un autre raisonnement.
Usant de la possibilité prévue à l’article 7 du règlement du 4 février 2010, le Conseil a relevé d’office le grief selon lequel la disposition litigieuse porterait atteinte au principe d’égalité devant la loi, garanti par l’article 6 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen (DDHC).
Le Conseil a rappelé que ce principe ne s’oppose, ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l’objet de la loi qui l’établit.
Le Conseil constitutionnel a pris en compte la situation des salariés travaillant pour un employeur tenu de s’affilier à une caisse de congés payés, en raison du caractère discontinu de sa profession. C’est le cas par exemple des entreprises du Bâtiment et de Travaux Publics.
Le Code du travail prévoit, en effet, des dispositions[3] qui permettent à ces seuls salariés de conserver le bénéfice de l’indemnité compensatrice de congés payés, bien qu’ils soient licenciés pour faute lourde.
Alors que tous les salariés sont placés dans la même situation au regard du droit à congé, puisqu’ils n’ont pas encore bénéficié de l’ensemble des droits à congé acquis lorsqu’ils sont licenciés, ce texte crée une différence de traitement entre tous les salariés licenciés pour faute lourde.
Le Conseil Constitutionnel a précisé que cette différence de traitement était sans rapport tant avec l’objet de la législation relative aux caisses de congés, visant à garantir l’effectivité du droit à congé, qu’avec celui de la législation relative à la privation de l’indemnité compensatrice de congés payés, visant à prendre en compte la gravité de la faute.
Ces éléments l’ont donc conduit à déclarer inconstitutionnels les mots suivants : « dès lors que la rupture du contrat de travail n’a pas été provoquée par la faute lourde du salarié ».
Depuis le 4 mars 2016, l’alinéa 2 de l’article L. 3141-26 du Code du travail est donc ainsi rédigé : « L’indemnité est due, que cette rupture résulte du fait du salarié ou du fait de l’employeur ».
Les conséquences pratiques de cette décision sont que désormais l’employeur doit verser à tout salarié licencié pour faute lourde une indemnité compensatrice de congés payés d’une part, et que tout salarié licencié pour faute lourde peut invoquer le bénéfice de cette indemnité dans toutes les instances qui ont été introduites et ne sont pas jugées définitivement d’autre part.
Aurélia Douteaux
[1] Décision n° 2015-523 QPC du 2 mars 2016, publiée au JORF n°0054 du 4 mars 2016
[2] Cour de Cassation, chambre sociale, 2 décembre 2015 n°15-19.597
[3] Articles L. 3141-28 et L. 3141-30 du Code du travail