Le législateur français s’est efforcé depuis la mise en place du premier dispositif relatif au traitement du surendettement des particuliers, de perfectionner l’ensemble du dispositif. L’amélioration de la situation du débiteur au regard de l’évolution des lois sur le surendettement apparait comme l’un des soucis majeurs du législateur. Cependant, cette situation ne pouvait pas être sans influence sur l’explosion en nombre des procédures de traitement du surendettement des particuliers.
En effet, L’essor qu’a connu l’application des procédures de surendettement, a fait surgir précocement des lacunes procédurales ou institutionnelles ayant conduit le législateur à intervenir à maintes reprises [1], pour y remédier et perfectionner des procédures qui étaient jusqu’à lors lacunaires. Ces interventions n’ont pas uniquement affiné le fonctionnement de ce dispositif et son efficience, mais elles ont très vraisemblablement contribué à l’augmentation croissante des demandes de procédures de surendettement et de la banalisation de l’ensemble du dispositif [2].
L’évolution législative en la matière peut être perçue comme un facteur ayant très plausiblement concouru au recours massif des particuliers aux procédures de surendettement, une succession de lois qui constitue peut-être un facteur d’attractivité à l’égard du débiteur qui en demande à chaque fois davantage, et qui fait valoir les droits que lui confère le législateur à chaque fois qu’une réforme intervient pour assouplir les conditions d’ouverture et de mise en œuvre des procédures de surendettement.
Dans le même ordre d’idée, et dans le but d’établir le rapprochement entre l’évolution en nombre des procédures de surendettement, et l’évolution législative en la matière, on ne peut que mettre la lumière sur l’accroissement remarquable qu’ont connu les procédures de surendettement depuis leur entrée en vigueur. En effet, les procédures de surendettement ont connu une tendance fluctuante entre la hausse et la baisse, dominée toutefois par une hausse considérable, jusqu’à 1998, année qui était marquée par l’application de la loi du 29 juillet 1998, qui permettait pour la première fois à la commission de mettre en œuvre des mesures telle que la suppression des dettes. Une réforme qui a concouru sans aucun doute à l’explosion des procédures de surendettement, tant sur le plan du nombre de dossiers déposés que de celui des dossiers recevables. A ce propos, les commissions ont vu combien le volume des dossiers de surendettement s’est accentué depuis la mise en place de ce dispositif de surendettement, avec un nombre de dossiers moyen pendant la première année de l’application de la loi [3], qui s’est vite établi à son plus haut niveau après dix années d’application de la loi sur le surendettement. Pour illustration, les dossiers déposés ont connu une augmentation supérieure à 64% [4], soit une hausse annuelle moyenne dépassant 6%.
Postérieurement à l’année 2000, ces chiffres ont suivi la même tendance haussière avec des chiffres plus importants, pour atteindre finalement un nombre colossal en 2011 [5],représentant une hausse de 56% comparativement à l’année 2000, et surtout une hausse de 257% depuis l’entrée en vigueur de la loi de surendettement.
Quant à la recevabilité des dossiers de surendettement, elle n’était pas à son tour épargnée par cette hausse, avec une augmentation de 315% 1990 jusqu’à 2011, démontrant l’attractivité de la procédure et son assouplissement.
Relativement au taux de recevabilité des dossiers en comparaison avec le nombre des dossiers déposés, il demeure assez élevé, (hormis la première année de l’application de la loi où ce taux de recevabilité a atteint seulement 71,32%) franchissant généralement le seuil des 80% par rapport au nombre de dossiers déposés, et atteignant jusqu’à 88,49% de recevabilité. Il convient de souligner par ailleurs que les dossiers recevables ont connu une augmentation de 315% entre 1990 et 2011.
Par voie de conséquence, l’accroissement exponentiel des dossiers de surendettement des particuliers est incontestable. Sans aucun doute, si les conditions d’éligibilité et de bénéfice d’une procédure de surendettement se sont assouplies grâce à la succession de lois relatives au surendettement, et à la jurisprudence qui s’est efforcée depuis la mise en place du dispositif de traduire scrupuleusement l’esprit humaniste du législateur, ce même facteur s’est imposé pour combler les lacunes des lois précédentes dans la perspective d’assouplir constamment et quand le besoin le justifie, les conditions de mise en œuvre de la procédure et de les simplifier toujours en faveur d’un débiteur appelé « malheureux ».
A cet égard, et compte tenu du caractère capital et prompt que revêt un dossier de surendettement, on peut constater comment le délai d’instruction et d’orientation des dossiers de surendettement s’est écourté, passant à 3 mois à compter de son dépôt, au lieu de 6 mois. Désormais, Deux décisions distinctes doivent être prises par la commission sur la recevabilité et l’orientation du dossier de surendettement, susceptible de recours à l’évidence par les intéressés, entrainant des conséquences sur le dénouement et la mise en œuvre de la procédure.
En outre, le créancier peut voir d’emblée la liberté de contrainte qu’il peut exercer à l’encontre du débiteur s’amenuiser ou plutôt s’encadrer [6], dès lors que la commission déclare recevable le dossier de surendettement. Cette décision entraîne systématiquement la suspension et l’interdiction des procédures d’exécution diligentées à l’encontre des biens du débiteur ainsi que la cessation des rémunérations consenties par celui-ci et portant sur les dettes autres qu’alimentaires, et ce jusqu’à validation de la décision relative à l’orientation de la procédure et pour une durée maximale d’un an après que de telles mesures ont été prises par le juge d’exécution[7]. Ou encore, dans le cas de la saisine du juge pour une procédure de rétablissement personnel, cela entraine une suspension générale des voies d’exécution, y compris les mesures d’expulsion du débiteur de son logement, et ce jusqu’au jugement d’ouverture, en l’espèce ces mesures ne concernent pas seulement les créanciers concernés comme c’était le cas dans l’ancien régime, mais elles produisent ces effets à l’égard de tous les créanciers qui aspirent à une exécution forcée pour recouvrer leurs créances.
En l’occurrence, il s’agit évidemment d’un nouvel avantage de la procédure de surendettement introduit par la réforme de 2010 au sens de la nouvelle rédaction de l’article L331-3-1, renforcé encore par un article plus récent, R331-10-1 inséré par le décret du 28 juin 2011 dans le code de la consommation en vertu duquel le recours formé contre la décision de recevabilité par un créancier ne suspend pas les effets de l’article L331-3-1 soulignés ci-haut, même si le créancier peut engager une action en justice contre son débiteur, mais seulement pour la délivrance d’un titre exécutoire [8].
Il convient d’indiquer que la commission peut par ailleurs saisir le juge d’instance [9] sur demande du débiteur ou en cas d’urgence avant même la décision de recevabilité à dessein du bénéfice des mesures suspensives d’exécution diligentées à l’encontre des biens du débiteur et en faveur de celui-ci.
Cette vocation d’assouplissement aussi bien des conditions d’ouverture que de la mise en œuvre des procédures de surendettement, a été confortée par la jurisprudence, qui a assoupli les éléments d’appréciation et de contrôle de la bonne foi du débiteur, Dans un contexte d’indulgence et de protection des personnes vulnérables, dont la mauvaise foi peut difficilement être caractérisée, même lorsque l’imprévoyance, l’imprudence sont associées à l’irresponsabilité, attestant ainsi de l’évolution de la situation du débiteur au sein de la procédure de surendettement.
Force est de constater que l’acquiescement à l’assouplissement des conditions d’ouverture et de mise en œuvre des procédures de surendettement est une évidence [10]. Corollairement, on ne peut qu’adhérer au constat, selon lequel l’explosion des procédures de surendettement résulte essentiellement de l’évolution législative en la matière [11], tel qu’il a été démontré [12].
On peut comprendre par ailleurs que la forte orientation vers les procédures de surendettement a certainement influencé le comportement du créancier et du débiteur, ce dernier ne trouve pas seulement dans les procédures de surendettement un moyen conféré par la loi pour se soustraire à son surendettement et à une éventuelle exclusion sociale que pourrait entrainer une situation de surendettement, mais une échappatoire face à toute pression exercée par le créancier visant à le contraindre à s’acquitter par la voie judiciaire. Il s’agit là d’un moyen de protection légal qui incite le débiteur à y recourir sans avoir à hésiter. Autant d’avantages conférés au débiteur au fur et à mesure, par les différentes modifications législatives mises en place et qui ont rendu ce dispositif plus efficace et plus homogène, permettant de prêter assistance à tous les débiteurs qui sont dans une situation de surendettement. Conscient des avantages de la procédure de surendettement, le débiteur peut trouver dans la saisine de la commission un moyen légal d’inexécution contractuelle.
En somme, les avantages consentis légalement au débiteur dans le cadre des procédures de surendettement à travers la succession des lois et des réformes, trouvent toujours place dans un contexte d’humanisation croissante à l’égard du débiteur surendetté [13], en lui procurant plus d’avantages. Cela peut être un facteur essentiel qui a contribué à changer l’attitude et la motivation du débiteur quant au possible recours de celui-ci à cette procédure.
Zakaria BOUABIDI
Docteur en droit
Faculté de droit de l’Université de Toulon
Membre du Centre de droit et politique comparés