Selon l’article L. 411-1 du Code de la sécurité sociale, « Est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d’entreprise ».
Par un arrêt du 6 juillet 2017 [1], la deuxième chambre civile de la Cour de cassation s’est prononcée sur la reconnaissance d’un accident du travail. En l’espèce, un salarié était décédé alors qu’il se trouvait dans la salle d’attente du médecin du travail dans le cadre d’une visite médicale. L’employeur a, conformément à son obligation légale [2], déclaré cet accident à la caisse primaire d’assurance maladie. Celle-ci l’a ensuite pris en charge au titre de la législation des accidents du travail. L’employeur a toutefois contesté cette décision en saisissant une juridiction de sécurité sociale. Les juges du fond ont fait droit à sa demande mais la Cour de cassation a, par la suite, considéré que le décès devait bien être reconnu comme un accident du travail au sens de l’article précité.
L’article L. 411-1 du Code de la sécurité sociale pose une présomption d’accident du travail dont la Cour de cassation en a étendu les contours (I). Les conditions pour bénéficier de celle-ci sont aujourd’hui constantes et rappelées par l’arrêt présenté (II).
I – La présomption d’accident du travail au sens de l’article L. 411-1 du Code de la Sécurité sociale
L’article L. 411-1 du Code de la sécurité sociale institue une présomption d’imputabilité de l’accident « survenu par le fait ou à l’occasion du travail » [5] qui facilite la charge de la preuve. En effet, le salarié ne devra plus prouver le caractère professionnel de l’accident, mais n’aura plus qu’à rapporter la preuve de la matérialité des faits de l’accident [3]. Toutefois, l’employeur peut renverser la présomption en rapportant la preuve contraire
Comme le montre la thèse de Mme Morane Keim-Bagot, « L’exigence d’un accident au temps et au lieu du travail peine à appréhender des accidents pourtant manifestement en lien avec le travail. La Cour de cassation, pour pallier ces lacunes, va d’abord recourir à certains artifices puis, ne va pas hésiter à substituer à l’occasion du travail le critère d’autorité » [7].
Ainsi, la Cour de cassation considère depuis longtemps que constitue « un accident du travail, tout accident survenu à un travailleur alors qu’il est soumis à l’autorité ou à la surveillance de son employeur » [8]. On comprend ainsi que, en s’appuyant sur le critère de l’autorité de l’employeur, la Cour de cassation retient une vision extensive de la présomption d’accident du travail, afin de ne pas borner l’accident du travail aux seuls lieu et temps de travail.
II – Une solution conforme à la jurisprudence constante
En l’espèce, l’accident s’était produit un jour de repos du salarié, donc hors des jours de travail. Les juges du fond ont, par ailleurs, retenu que le salarié ne travaillait pas ce jour là au sein de l’entreprise. La Cour d’appel de Toulouse a donc jugé que l’accident n’était pas survenu ni au temps, ni sur le lieu de travail et par conséquent, que la présomption d’accident du travail ne pouvait s’appliquer.
La Cour de cassation a toutefois rejeté ce raisonnement. Elle a rappelé dans un attendu de principe que “le salarié est au temps et au lieu de son travail tant qu’il est soumis à l’autorité et à la surveillance de son employeur”. En ce sens, “le salarié avait été victime d’un malaise quand il se trouvait dans les locaux des services de la médecine du travail en l’attente d’un examen périodique inhérent à l’exécution de son contrat de travail, de sorte qu’il devait bénéficier de la présomption d’imputabilité”.
L’examen médical périodique en cause était obligatoire. Il a été mis en place par la loi [9], afin de veiller à la santé des travailleurs et de contrôler leur aptitude au travail. Or, le non-respect de cette obligation est sanctionné tant du côté de l’employeur s’il n’organise pas la visite [10], que du côté du salarié s’il ne s’y rend pas [11]. Dans les deux cas, il constitue un manquement contractuel.
Le salarié qui se rend à un examen médical périodique est donc, nécessairement sous “l’autorité et la surveillance” de l’employeur. La présomption d’accident du travail a ainsi, vocation à s’appliquer alors même que le salarié se livrerait à une activité sans lien direct avec son travail.
L’arrêt rendu est conforme à la jurisprudence antérieure de la Cour de cassation. Cette dernière a, en effet, déjà considéré que l’accident d’un salarié se rendant à une collecte de sang dans les locaux de l’entreprise devait être considéré comme un accident du travail dès lors que la participation à cette collecte avait été décidée par l’employeur [12].
En revanche, si, dans notre affaire, la visite médicale n’était pas obligatoire et qu’elle procédait de l’initiative du salarié, la solution n’aurait certainement pas été la même. Ainsi, il a été jugé que lorsque la participation à une collecte de sang n’est pas décidée par l’employeur mais autorisée par lui, la présomption d’accident du travail ne peut pas jouer faute d’autorité et de surveillance de l’employeur exercées vis-à-vis du salarié dans ces circonstances [13].
Alexandra You
Etudiante en Master Droit de la protection sociale d’entreprise à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Apprentie à la SNCF
Héline Huaulmé
Etudiante en Master Droit de la protection sociale d’entreprise à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
pprentie chez l’APGIS
[1] Cass. civ. 2ème, 6 juill. 2017, n° 16-20.119
[2] CSS, L. 441-2 et R. 441-3
[3] V. en ce sens : Cass. civ 2ème, 15 mars 2012, n° 10-27.320
[4] Cass. soc., 23 mai 2002, n° 00-14.154: lorsque l’accident a une cause totalement étrangère au travail
[5] CSS, L. 411-1
[6] Cass. soc., 11 avr. 1996, n° 94-12.208
[7] KEIM-BAGOT M., De l’accident du travail à la maladie professionnelle : la métamorphose du risque professionnel, Thèse Droit social, Strasbourg, Ecole doctorale Droit, science politique et histoire de Strasbourg, 2013.
[8] Jurisprudence constante depuis Cass. ch. réun., 28 juin 1962, n° 59-50.495 : « la Société Mayfer n’avait, ni en droit, ni en fait, aucune autorité sur la détenue et que, dès lors, l’accident dont celle-ci avait été victime n’était pas survenu à l’occasion du travail ». V. aussi : Cass. soc., 22 nov. 1978, n° 77-15.309 ; Cass. Ass. plén., 3 juill. 1987, n° 86-14.914.
[9] C. trav., L. 4624-1 et suiv. et R. 4624-10
[10] Cass. soc., 5 oct. 2010, n° 09-40.913
[11] Cass. soc., 17 oct. 2000, n° 97-45.286
[12] Cass. soc., 11 juill. 1991, n° 89-18.330
[13] Cass. soc., 28 sept. 1983, n° 82-13.703