L’actualité juridique internationale de ces derniers mois a été extrêmement riche sur le thème de la reconnaissance d’Etats et de gouvernements. En effet, il suffit de mentionner quelques exemples pour s’en apercevoir : le cas palestinien, les révolutions arabes (Egypte, Libye, Syrie…) ou encore le Sud-Soudan.
D’autres exemples comme la question du Kosovo, du Timor oriental ou celui du Tibet nous montrent que la question de la reconnaissance internationale est au cœur des débats internationaux de façon permanente et que cette question est un enjeu fondamental pour celui qui en revendique ses trois éléments constitutifs : un territoire, un peuple et un gouvernement.
De nombreux « Etats », se proclamant en tant que tel, ne sont pourtant pas reconnus de façon unanime par la communauté internationale comme la République du Haut-Karabagh, la République moldave du Dniestr ou encore la République du Somaliland.
Certaines entités politiques contemporaines existent ainsi seulement de facto sans être reconnues de jure à cause de multiples raisons diplomatiques (absence de concertation internationale, conflit entre Etats, etc.). La difficulté tient à l’aboutiss ement d’une conciliation entre de multiples intérêts.
Sans vouloir être exhaustif, nous nous pencherons plus en détails sur certains cas afin de mieux d’en mesurer tant la dimension juridique, que les implications politiques et diplomatiques, toutes ces notions étant consubstantielles à la reconnaissance internationale.
I. La Palestine, nouveau membre de la communauté des Etats?
Historique de la question palestinienne depuis 1947
Le 29 novembre 1947, L’Assemblée générale des Nations Unies adopte par sa résolution 181 (II), le plan de partage de la Palestine mandataire créant deux Etats, l’un juif, l’autre arabe, avec un statut international pour Jérusalem. Il est accepté par la partie juive, qui proclame le 14 mai 1948 la création de l’Etat d’Israël. Ceci entraîne immédiatement la réaction des nations arabes : la première guerre israélo-arabe éclate, et Israël en sort vainqueur, gagnant même de nouveaux territoires. Le reste des territoires palestiniens sont occupés par l’Egypte dans la bande de Gaza et la Jordanie pour la Cisjordanie. Mais en 1967, une nouvelle guerre israélo-arabe éclate, et Israël entre en possession de l’ensemble des territoires palestiniens.
L’Organisation pour la Libération de la Palestine (O.L.P.) voit le jour en 1964, et se veut le représentant du peuple palestinien. Elle acquiert en 1974 le statut de membre observateur aux Nations Unies. En 1987 à lieu la première Intifada contre la politique d’occupation d’Israël. L’O.L.P. déclare le 15 novembre 1988 l’Etat de Palestine, qui est reconnu par plus d’une centaine de pays, mais par aucune des grandes puissances de l’époque, à l’exception de l’Union soviétique.
Suite à ces évènements, le Processus d’Oslo se met en place à partir de 1993, avec pour objectif de construire un cadre de négociation pour la conclusion d’un statut définitif de la Palestine. Par ailleurs, Israël reconnait l’O.L.P. comme le représentant du peuple palestinien. Cet accord prévoit la mise en place d’un régime d’autonomie intérimaire exercé par l’Autorité palestinienne sur trois zones avec des degrés différents de compétence.
Cependant, les années 2000 marquent l’échec du processus et un retour de la violence avec la deuxième Intifada. L’armée israélienne réinvestit la Cisjordanie et construit le mur de sécurité. Les leaders palestiniens changent aussi, Mahmoud Abbas remplace Yasser Arafat à la présidence de l’OLP ainsi qu’à celle de l’Autorité palestinienne, mais le Hamas gagne les élections législatives de 2006, et à la suite de nombreuses tensions et affrontements, le territoire palestinien est divisé en deux parties avec le Hamas dans la bande de Gaza (qu’Israël a entretemps évacué en 2005) et le Fatah en la Cisjordanie.
En mai 2011, un accord est trouvé entre le Fatah et le Hamas avec pour objectif de réunifier l’Autorité palestinienne, et cela quelques mois seulement avant une offensive diplomatique en vue d’affirmer l’existence de l’Etat palestinien et d’obtenir son admission au sein des Nations Unies et d’autres organisations internationales. Mais une controverse anime la doctrine internationale sur la qualification de la Palestine en tant qu’Etat.
Les éléments constitutifs de l’Etat
Selon la conception classique de l’Etat en droit international, une entité ne peut être qualifiée d’« Etat » que si elle réunit trois éléments constitutifs : un territoire, une population et un gouvernement. L’existence de l’Etat est donc tirée d’une simple constatation de fait, et non d’une quelconque procédure formelle organisée par le droit international.
Le territoire joue un rôle essentiel dans l’existence de l’Etat, car c’est l’assise spatiale sur laquelle celui-ci exerce sa souveraineté. Peu importe la dimension du territoire, du moment qu’il est identifiable : se côtoient ainsi des Etats tels que Monaco (et ses deux cent hectares de terre) et la République Populaire de Chine. Le caractère disputé des frontières n’est pas en soi un obstacle insurmontable pour le respect du critère territorial. De même, le morcellement de l’Etat en plusieurs territoires séparés, à l’instar du Pakistan de part et d’autre de l’Inde jusqu’en 1971, ne pose pas de difficultés particulières.
Il faut d’autre part pouvoir identifier une population sur ce territoire, sans que le droit international exige qu’elle soit stable ou particulièrement homogène.
Enfin, un gouvernement doit exercer une autorité effective sur cette population et dans le cadre spatial de ce territoire. La forme du gouvernement est en principe indifférente, du fait d’un principe de neutralité idéologique fondé sur le « droit inaliénable [de tout Etat] de choisir son système politique, économique, social et culturel, sans aucune forme d’ingérence de la part d’un autre Etat » (Résolution 2625 (XXV) de l’Assemblée générale des Nations Unies, 1970).
La reconnaissance de l’Etat en droit international
Outre les trois éléments déjà mentionnés, il est parfois affirmé que l’existence de l’Etat est conditionnée à la reconnaissance de cette qualité par les autres Etats, c’est-à-dire à un acte unilatéral par lequel un Etat atteste qu’une entité remplit bien, selon lui, les conditions d’existence de l’Etat évoquées plus haut. Cette thèse, attribuant un caractère constitutif à la reconnaissance, est rejetée par la majorité de la doctrine internationaliste, qui ne voit dans la reconnaissance qu’une portée déclarative.
La démarche de reconnaître ou non est en principe laissée à la discrétion de chaque Etat, et dépend en partie d’un contexte politique par définition variable. Il arrive ainsi que des entités qui ne sont vraisemblablement pas (encore) formées en tant qu’Etats soient reconnues, comme ce fut parfois le cas dans le contexte de la décolonisation, ou qu’à l’inverse, des Etats remplissant manifestant les trois conditions de fait ne soient pas reconnus — à l’instar de Taïwan, du fait de la « politique des deux Chines ».
Il reste qu’une telle reconnaissance semble essentielle à l’établissement de relations diplomatiques entre le « nouvel » Etat et les Etats tiers, et surtout à l’opposabilité de la qualité d’Etat à ces derniers. Elle peut également jouer un rôle consolidateur lorsque la réunion des trois éléments constitutifs n’est pas établie avec fermeté.
L’application délicate des critères constitutifs au cas palestinien
Si les éléments constitutifs mentionnés ci-dessus semblent clairs et précis, leur application est en réalité bien plus complexe en ce qui concerne la Palestine. Ainsi, il faut voir quelle relation entretiennent les différents critères entre eux. En l’occurrence, c’est dans l’existence d’un gouvernement effectif que réside la controverse. En effet, lors de la déclaration de 1988, l’OLP n’exerçait aucun pouvoir effectif sur le territoire palestinien.
Or, depuis les Accords d’Oslo, l’Autorité palestinienne exerce des compétences qui pourraient remplir ce critère de contrôle effectif du gouvernement sur le territoire. Ce contrôle ne s’exerce qu’à des degrés divers sur les territoires palestiniens, et Israël continue d’y exercer un contrôle général, surtout en matière de sécurité, et possède parfois l’exclusivité de certains de ces territoires, et cela pour des raisons sécuritaires et stratégiques (notamment en ce qui concerne les colonies en Cisjordanie).
Pour ces raisons, certains ont estimé qu’il n’y avait pas de contrôle effectif du gouvernement palestinien sur l’ensemble de son territoire. Il faut noter que la Palestine étant dans une situation d’occupation, la puissance occupante, Israël, exerce logiquement son autorité sur le territoire en question, et cela conformément au droit de l’occupation. Néanmoins, ce raisonnement peut poser problème car l’occupation d’un Etat n’est pas une annexion (Israël a d’ailleurs été critiqué pour avoir tenté d’annexer la partie palestinienne de Jérusalem, afin d’en faire une municipalité unifiée israélienne). Contrairement au cas d’une annexion, le statut d’Etat n’est pas perdu du simple fait de l’occupation, malgré l’incapacité de l’Etat occupé à exercer de manière effective ses pouvoirs souverains. L’Etat palestinien n’a pour autant pas pu être formellement établi, et cela pour des raisons multiples (refus en premier lieu du plan de partition de la Palestine par la partie arabe, occupation des territoires palestiniens par les Etats arabes voisins, puis par Israël à partir de 1967).
Il n’en demeure pas moins que la création d’un Etat palestinien est un objectif fixé de longue date, en raison du droit du peuple palestinien à disposer de lui-même (reconnu dans les résolutions 2535 B et 2649 de l’Assemblée générale). Or, la pratique montre que dans les cas où un peuple dispose du droit à l’autodétermination, mais que le critère de l’effectivité de son gouvernement fait défaut, la communauté internationale peut malgré tout procéder à la reconnaissance de l’Etat, et cela afin de faciliter son accession au statut d’Etat. L’absence de contrôle effectif de l’Autorité palestinienne sur l’ensemble de son territoire n’est donc pas en soi un élément insurmontable, car la reconnaissance par l’Assemblée générale de la Palestine en tant qu’Etat (à défaut de l’admission de cette dernière à l’ONU, du fait du probable véto américain) peut avoir un effet consolidateur de la qualité d’Etat.
Néanmoins, certaines questions restent à résoudre. La Palestine relève de deux institutions : la première, l’OLP, l’unique organisation représentant le peuple palestinien, est la seule institution compétente pour agir au niveau international, alors que l’Autorité palestinienne, qui exerce la fonction de gouvernement dans le territoire palestinien, est incompétente au niveau international. L’Autorité palestinienne ne représente que la population palestinienne habitant dans les territoires occupés. Cette dualité institutionnelle est source de confusion, d’autant plus que la seconde prend le pas sur la première, comme en atteste la création il y a peu d’un ministère des affaires étrangères. De plus, la réunification de la bande de Gaza avec la Cisjordanie n’a pas encore réellement commencé, et en pratique, il y a toujours deux gouvernements palestiniens.
Les démarches des autorités palestiniennes
Les autorités palestiniennes cherchent désormais à asseoir la large reconnaissance acquise depuis 1988 par une admission de la Palestine en tant qu’Etat membre de plusieurs organisations internationales. Aucune organisation internationale n’est habilitée per se à reconnaître un Etat, cette démarche ne pouvant émaner que des Etats eux-mêmes. En revanche, l’admission d’une entité en tant qu’ « Etat membre » d’une organisation internationale implique indirectement que les Etats votant en faveur de l’admission reconnaissent à cette entité la qualité d’Etat.
Une première étape a été franchie le 31 octobre par l’admission de la Palestine à l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) par 107 votes en faveur, 14 contre (dont les Etats-Unis) et 52 abstentions. Bien que des démarches similaires soient désormais envisagées dans d’autres institutions spécialisées du système des Nations Unies, dont l’Organisation mondiale de la santé (OMS), l’objectif principal demeure l’admission de la Palestine à l’ONU.
La candidature déposée le 21 septembre par Mahmoud Abbas auprès du Secrétaire général Ban Ki-moon, tendant à l’admission de la Palestine en tant qu’Etat membre de l’ONU, revêt une importance considérable, étant donné le caractère (quasi-) universel de la composition de l’Organisation. La Palestine n’est pour l’instant reconnue que comme une entité ayant qualité d’ « observateur aux sessions et aux travaux de l’Assemblée générale », ce qui lui permet de disposer d’une Mission permanente auprès de l’ONU.
La démarche initiée le 21 septembre est donc plus ambitieuse, mais aussi plus « acrobatique » d’un point de vue juridique, car elle a contraint la Palestine à affirmer qu’elle est déjà un Etat (condition d’admission établie à l’article 4 §1 de la Charte des Nations Unies), alors que sa demande d’admission vise principalement à affermir son statut d’Etat sur la scène internationale.
Surtout, l’admission en tant qu’Etat membre de l’ONU impose le respect d’une procédure lourde : Le Conseil de Sécurité doit recommander l’admission du candidat par un vote de 9 des 15 membres du Conseil de Sécurité, dont celui de l’ensemble de ses cinq membres permanents ; en cas de vote favorable du Conseil, l’Assemblée générale doit ensuite voter par une majorité des deux tiers pour admettre un nouvel État membre dans l’Organisation. Le rejet de la candidature de la Palestine est donc très probable : il suffirait du veto des Etats-Unis pour bloquer cette candidature dès le début de son examen. En cas d’échec, Mahmoud Abbas a d’ores et déjà annoncé qu’il demanderait l’admission de la Palestine en tant qu’Etat non membre — à l’instar du Saint-Siège. La procédure est alors plus souple, car elle ne requiert qu’un vote favorable de l’Assemblée générale à la majorité simple.
La reconnaissance d’un Etat palestinien par la société des Etats constituerait une avancée politique autant qu’un bouleversement juridique : la Palestine pourrait s’engager dans des relations juridiques bilatérales et multilatérales avec les Etats tiers, et notamment ratifier le Statut de la Cour pénale internationale. Elle tirerait de cette qualité des droits, mais aussi des obligations internationales non négligeables.
Jonathan Bourguignon
Elias Geoffroy
II. La prise en compte grandissante des minorités dans la théorie de l’Etat – le cas particulier du Tibet
Du cas palestinien qui vient d’être évoqué, au Kosovo, aux révolutions arabes, au Timor oriental ou encore au Sud-Soudan, on constate depuis plusieurs décennies une prise en compte grandissante des minorités et des droits de l’homme dans la théorie de l’Etat.
Cette théorie trouve sa source dans la Convention de Montevideo concernant les droits et obligations des Etats adoptée le 26 décembre 1933. Son article 1er expose en effet les quatre conditions nécessaires à l’existence en droit international d’un Etat : une population permanente, un territoire déterminé, un gouvernement, une capacité d’entrer en relation avec d’autres Etats.
Mais, de plus en plus, ces critères changent, et en particulier celui de l’intégrité du territoire. Selon ce principe, les frontières établies sont inviolables. Pourtant, la prise en compte des minorités nationales et des droits de l’homme peut bousculer cette inviolabilité, si bien que le respect des minorités nationales devient un critère à part entière que doivent respecter les entités étatiques en formation si elles veulent parvenir au statut d’Etat et si elles veulent conserver leur intégrité territoriale.
Ainsi, si les entités parvenues à la qualité d’Etat viennent à contrevenir aux droits des minorités nationales ou aux droits de l’homme, les exemples récents montrent qu’elles peuvent perdre tout ou partie de leur souveraineté et laisser place à de nouvelles entités.
La minorité tibétaine, essentiellement bouddhiste, est éclatée entre la région autonome chinoise du Tibet, le Qinghai, le Sichuan, le Gansu et le Yunnan. Depuis le 7 octobre 1950, date de l’arrivée de l’Armée populaire de libération chinoise au Tibet et quelques années après la signature de l’accord en 17 points de mai 1951, les droits de l’homme ont été bafoué [1] et la culture tibétaine a été marginalisée et continue de l’être [2] sans que le Tibet n’acquière le statut d’Etat.
En effet, pour que les nouvelles entités issues du combat de minorités nationales acquièrent la qualité d’Etat, il faut aussi qu’elles bénéficient d’un soutien de la part des grandes puissances (notamment par le biais de la reconnaissance) [3].
Milena Sterio explique ainsi la situation actuelle du Tibet qui n’a pas su persuader les grandes puissances de la nécessité de l’admettre au rang d’Etat (la Chine comprise) [4].
Le Sénat, dans un rapport établi en 2007 sur le Tibet, expose que « dans sa dimension historique, le discours officiel chinois repose sur une affirmation et sur une négation. L’affirmation, c’est celle de l’ancienneté de l’appartenance du Tibet à la Chine, qui se fonde sur le lien personnel établi de longue date entre le Dalaï-Lama et l’Empereur, mais qui fut dénoncé par le premier au début du XXème siècle. La négation, c’est celle des violences commises à l’occasion de la « libération pacifique » du Tibet après 1950, puis de sa « réforme démocratique » à partir de 1959, ainsi que de la légitimité du mouvement populaire de résistance qui s’en est suivi » [5].
La Chine estime ainsi que c’est la Grande-Bretagne qui, après la guerre de l’Opium en 1840, a recruté des sécessionnistes pro-impérialistes parmi les dirigeants du Tibet en vue de séparer la nation chinoise et de transformer le Tibet en une région coloniale qu’ils contrôleraient [6].
L’on voit ainsi que les enjeux sont particulièrement complexes. Si les revendications des minorités nationales semblent pouvoir conduire à la création d’un Etat, il faut aussi que ces revendications aient un écho suffisamment important auprès des grandes puissances et des organisations internationales, sans pour autant porter une atteinte substantielle à l’intérêt des Etats et des populations locales.
III. Le cas du Sud Soudan
Le cas du Sud-Soudan s’inscrit aussi dans l’actualité relative à la reconnaissance d’Etats.
Après la proclamation officielle de son indépendance le 9 juillet 2011, en présence du Secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, et du président de l’Assemblée générale de l’ONU, Joseph Deiss [7], le Sud-Soudan s’est vu admis au sein des Nations unies le 14 juillet 2011 par les 192 Etats membres.
La République du Soudan du Sud est ainsi devenue le 193e Etat membre de l’ONU. La procédure d’admission à l’ONU a comporté quatre étapes.
D’abord, le Président du Sud-Soudan, Salva Kiir, a transmis sa candidature à l’ONU, le jour où cette nouvelle nation a proclamé son indépendance et sa sécession du Soudan.
Le président du Conseil de Sécurité de l’ONU a alors soumis cette candidature au comité du Conseil sur l’admission de nouveaux membres. Toute recommandation pour l’admission d’un nouvel Etat membre doit recevoir neuf votes favorables sur les 15 membres du Conseil de sécurité. Il faut également qu’aucun des membres permanents (la Chine, les Etats-Unis, la France, le Royaume Uni et la Russie) ne vote contre.
Ensuite, le Conseil de sécurité a examiné favorablement cette requête dans sa session du 13 juillet 2011, et a adopté sans vote la résolution 1999 (2011) [8].
Enfin, la requête a été transmise le jour même, sous forme de recommandation du conseil, à l’Assemblée générale, dont les 192 membres ont validés cette admission, au cours de sa 66e session qui s’est tenue le 14 juillet.
La communauté internationale a ainsi reconnu rapidement ce nouvel Etat en appelant les deux voisins, Soudan du Nord et du Sud, à respecter la diversité culturelle, sociale et économique de chacun dans un esprit positif et pacifiste ainsi qu’un développement d’une société démocratique et équitable [9].
Pourtant, malgré la reconnaissance officielle du Sud-Soudan par le Soudan, les deux pays ne se sont toujours pas entendus sur le partage des ressources pétrolières, sachant que les trois quarts des champs pétroliers se trouvent au Sud-Soudan et que les oléoducs traversent le Soudan [10]. Des affrontements dans les régions du Kordofan du Sud et du Nil Bleu continuent malgré un accord de démilitarisation des zones conclu en juin 2011 [11] et les négociations sont bloquées, Djouba et Khartoum s’accusant mutuellement de soutenir des rebellions de ces Etats fédérés soudanais dont le sort n’a pas encore été décidé [12].
IV. Le cas de la Libye – La reconnaissance du Conseil National de Transition
Dès le 15 février 2011, des manifestations contre le régime du Colonel Kadhafi se déroulent à Benghazi et y sont violemment réprimées par l’armée.
Rapidement, les insurgés s’organisent et constituent un Conseil National de Transition (CNT) [13] qui va fusionner avec le gouvernement provisoire de l’ex-ministre de la justice, Moustafa Abdel Jalil. Officiellement instauré le 5 mars 2011, le CNT est présidé par Moustafa Abdel Jalil [14].
Le 17 mars 2011, l’ONU vote la résolution 1973 (2011) autorisant les interventions aériennes dans le but de protéger les civils.
Le CNT a rapidement été reconnu par d’autres Etats, et en premier lieu la France, qui est le premier Etat à recevoir les représentants du CNT [15]. Une reconnaissance officielle du CNT par la France a lieu le 7 juin 2011, le ministre des affaires étrangères Alain Juppé déclarant que le CNT est le seul titulaire des pouvoirs gouvernementaux dans les rapports avec la France [16].
Par la suite, le Quatar, les Emirats Arabes Unis, la Turquie, les Etats-Unis, le Royaume-Uni, la Russie et nombreux autres Etats ont reconnus le CNT alors que certains s’y sont opposés [17].
Le 16 septembre 2011, l’Assemblée générale des Nations Unies a accrédité les représentants du CNT libyen au sein des Nations Unies [18] ce qui a entraîné de nouvelles reconnaissances, et notamment celle, attendue, de l’Union Africaine qui est intervenue le 20 septembre 2011 [19].
Ainsi, les violations des droits de l’homme et des minorités suivies par des reconnaissances internationales d’un mouvement d’opposition ont entraîné la naissance d’un nouveau gouvernement Libyen. La mort du colonel Kadhafi le 20 octobre 2011 marque une fin historique de l’ancien régime, mais brutale et choquante de part son instrumentalisation.
Martin Binder
Laurent Bibaut
Notes [1] Existence de nombreux prisonniers politiques, comme l’explique un rapport de groupe interparlementaire d’amitié n° 77, 17 octobre 2007.
[2] Ibid. Ce rapport fait état d’un manque d’accès à l’éducation, des problèmes d’emploi du tibétain, ou encore du contrôle réel qu’exerce la Chine sur le culte tibétain.
[3] L’importance de ce soutien apparaît clairement dans le cas de Taïwan. Cette île est administrée par la République de Chine, qui s’y est replié suite à la proclamation de la République Populaire de Chine en octobre 1949. Le gouvernement de Taipei fût reconnu par l’ONU jusqu’au 25 octobre 1971, date à laquelle l’Assemblée générale de l’ONU adopta la résolution 2758, reconnaissant la République Populaire de Chine comme seule représentante de la Chine aux Nations-Unies. Taïwan a, depuis, tenté de demander à plusieurs reprises son admission comme membre de l’ONU, sans succès. Cette année, elle n’a plus procédé ainsi et semble vouloir changer de stratégie. Cf The Economist, 24 septembre 2009, « Taiwan and the United Nations, Not even asking »
[4] Sterio Milena, A Grotian moment : changes in the legal theory of statehood, Denver Journal of International Law and Policy, University of Denver, 2011, p.14.
[5] Op.Cit. note 1
[6] Gouvernement chinois, Cent questions sur le Tibet, question n° 4, 2001
[7] Centre d’actualités de l’ONU, Alors que le Sud-Soudan proclame son indépendance, l’ONU promet son soutien, 9 juillet 2011
[8] Centre d’actualités de l’ONU, Soudan du Sud : processus en cours pour devenir le 193e Etat membre de l’ONU, 11 juillet 2011
[9] Le Parisien, La communauté internationale a rapidement reconnu le Sud-Soudan, 9 juillet 2011
[10] BBC Mobile, Moins de pétrole produit au Sud-Soudan, 11 novembre 2011.
[11] Sudan Tribune, North and South Sudan agree to demilitarize Abyei, 20 juin 2011
[12] Rfi, Discussions bloquées entre les deux Soudans, 22 novembre 2011.
[13] Nicole Dupont et Bertrand Boucey, « Des opposants à Kadhafi forment un Conseil national libyen », dans l’Express, 27 février 2011
[14] « Libye: un ministre à la tête des insurgés », dans Le Figaro, 2 mars 2011.
[15] « France Becomes First Country to Recognize Libyan Rebels », dans le NY Times, 10 mars 2011.
[16] Conférence de presse d’Alain Juppé, 7 juin 2011.
[17] « Libye, ceux qui reconnaissent le CNT…et les autres », dans l’Express, 30 août 2011.
[18] « L’assemblée Générale de l’ONU reconnaît le CNT libyen », Le point, 16 septembre 2011.
[19] « L’Union Africaine reconnaît officiellement le CNT Libyen », RFI, 21 septembre 2011. |
Pour en savoir plus
Sur la Palestine
Yoffie (A.G.), « The Palestine Problem: The Search for Statehood and the Benefits of International Law« , Yale Journal of International Law, vol. 36, 2011, pp. 497 s.
« Palestine, le pari de l’indépendance« , Courrier International n° 1090 (dossier spécial) du 22 sept. 2011
« Tout savoir sur la demande de reconnaissance d’un Etat palestinien« , site Internet du Nouvel Observateur (dossier spécial), 20 sept. 2011
Decaux (E.), De Frouville (O.), Droit international public, Dalloz, 2010 Dupuy (P.-M.), Droit international public, Dalloz, 2010 Nguyen Quoc Dinh, P. Daillier, A. Pellet, Droit international public, L.G.D.J., 2009
Sur le Tibet
Sterio Milena, A Grotian moment : changes in the legal theory of statehood, Denver Journal of International Law and Policy, University of Denver, 2011
Rapport de groupe interparlementaire d’amitié n° 77, 17 octobre 2007 disponible sur le site du Sénat.
Sur le Sud-Soudan
D. Forestier, Un nouvel Etat dans la communauté internationale : le Sud-Soudan, Le Petit Juriste
Centre d’actualités de l’ONU, Alors que le Sud-Soudan proclame son indépendance, l’ONU promet son soutien, 9 juillet 2011
Centre d’actualités de l’ONU, Soudan du Sud : processus en cours pour devenir le 193e Etat membre de l’ONU, 11 juillet 2011
AFP, Le Sud-Soudan devient le 193e Etat membre de l’ONU, 14 juillet 2011
Communiqué de presse, N. 79/ 2011 de l’Union africaine, L’Union africaine accueille le Sud-Soudan en tant que 54eÉtat membre de l’Union, 27 juillet 2011
Le Parisien, La communauté internationale a rapidement reconnu le Sud-Soudan, 9 juillet 2011 |