« Nous envisageons que dans un certain nombre d’entreprises publiques où le taux de participation de l’Etat est très important nous puissions en dégager une partie pour financer de l’investissement. Pas pour boucher les trous du budget ». Si l’on s’en tient à ces propos tenus par le Premier ministre sur le plateau du 20h de TF1 le dimanche 5 mai 2013, nous arrivons à un tournant de la stratégie de l’Etat dans l’économie. En effet, l’Etat est actionnaire d’entreprises publiques ou privées à hauteur de 100 milliards d’euros dont 62.5 milliards dans des sociétés cotées. Cette manne financière démontre le poids prépondérant de l’Etat français dans les grandes entreprises françaises, réparties dans les secteurs clés de l’économie. Le montant de ces actions témoigne du rôle important que joue l’Etat dans les stratégies de ces grandes entreprises mais aussi dans l’économie en général.
Il conviendra de rappeler l’évolution du rôle stratégique de l’Etat dans l’économie française d’un point de vue historique avant d’appréhender l’évolution actuelle de ce rôle afin d’en déterminer l’impact sur l’économie française.
I. Un modèle de gestion étatique historiquement malaisé quant au contrôle d’entreprise
Le rôle de l’Etat dans l’économie a connu une première évolution dans l’après Seconde Guerre Mondiale. Au moment même où l’Etat providence se met en place, l’Etat exerce encore une tutelle sur les entreprises publiques. Ce fait trouve une explication historique puisque ce modèle prévalait dès l’apparition des entreprises publiques au sortir de la première guerre mondiale, la tutelle administrative sur les établissements publics et les collectivités locales étant le seul modèle de contrôle d’organismes publics autonomes.
Si une telle tutelle s’est imposée, c’est avant tout parce que l’Etat n’avait pas, par le passé, acquis l’expérience nécessaire pour gérer des entreprises. Par conséquent, pour garder un contrôle important sur lesdites entreprises, la tutelle administrative fut préconisée par prudence, afin que l’économie reste sous le contrôle voire la planification de l’Etat. Ce phénomène s’explique par des raisons historiques liées à la reconstruction de la France mais aussi politiques avec la domination du Parlement français par le parti communiste.
Rapidement, cette tutelle a posé des problèmes et ses limites quant à l’efficacité économique se sont révélées. La première difficulté qui s’est posée est la disparité des pouvoirs de tutelle selon les entreprises publiques. En l’occurrence, on a pu constater, à de nombreuses reprises, des interventions publiques, permises par les pouvoirs de tutelle, néfastes afin d’orienter les activités économiques et lourdes de conséquence pour les entreprises. Ces moyens d’action furent doublés par des interventions directes dans la gestion, souvent pour des raisons de politique conjoncturelle (blocages de tarifs), qui n’empêchèrent pas, et parfois provoquèrent, des déficits croissants. Il a donc fallu adapter le contrôle de l’Etat sur l’économie par une nouvelle action envers les entreprises publiques.
Pour remédier à cette difficulté de gestion qui s’avérait contre-productive sur le plan économique, le Premier ministre de l’époque, Jacques Chaban-Delmas, suivant les recommandations de la Cour des Comptes, présenta les objectifs d’une «nouvelle société». Il affirmait alors qu’il fallait « faire des entreprises publiques de vraies entreprises, en leur restituant la maîtrise de leurs décisions » et qu’à cet effet « la contractualisation des rapports entre l’État et les entreprises publiques serait progressivement généralisée ». Elle prit effectivement la forme de « contrats de programme » négociés entre les ministres de tutelle et les présidents de certaines entreprises publiques.
Celui de la SNCF, de juillet 1969, fut suivi par celui d’EDF en décembre 1970, puis de plusieurs autres. L’objectif de cette tutelle que l’on a qualifié de «contractualisée» était bel et bien de trouver un équilibre entre les soucis d’orientation stratégique et de contrôle de l’État avec la nécessaire indépendance de gestion de l’entreprise. L’arrivée au pouvoir de la gauche en 1981 finit d’entériner le choix de cette tutelle contractualisée à travers les «contrats de plan» dans un objectif assumé de planification. Au fil de cette pratique « contractualisée », le contrôle de l’Etat sur toutes les caractéristiques des entreprises publiques s’est estompé (salaires, marchés, opérations immobilières, investissements).
Si la tutelle contractualisée a permis de remédier au caractère distant et froid de la tutelle administrative, la pratique contractuelle comportait elle-même des faiblesses intrinsèques. Surtout, elle exigeait une nouvelle « gouvernance » au sein des entreprises comme au sein de l’État.
II. Une prise de conscience majeure : l’Etat actionnaire comme outil stratégique de l’économie
Il a donc fallu repenser l’action étatique de manière différente. Le point de départ de ce changement prend sa source dans le rapport annuel remis au Parlement par le Ministère des Finances et de l’Economie de 2001: «l’Etat actionnaire et gouvernance des entreprises publiques». Ce titre était doublement audacieux : premièrement, parce que le rapport concernait aussi bien des sociétés que des établissements publics industriels et commerciaux dont l’État était propriétaire et non actionnaire et, deuxièmement, parce que l’idée d’une mission spécifique d’actionnaire de l’État n’avait pas encore été clairement dégagée.
Si à ce moment-là, le terme pouvait étonner, il prend aujourd’hui tout son sens. D’une part, l’Etat ainsi que les observateurs du secteur public ont pris conscience que ce rôle spécifique d’Etat actionnaire permet la création d’une valeur économique. D’autre part, cette mission se distingue des prérogatives de puissance publique que ce soit en matière de stratégie ou de régulation des activités économiques.
S’il faut s’intéresser à l’action de l’Etat dans une perspective économique, c’est également parce que, au gré des privatisations et autres raisons, l’Etat est devenu actionnaire de sociétés de droit privé dès leur création (DCNS) ou à la suite de la transformation des anciens Etablissements Publics en sociétés (EDF, France TELECOM). De plus, l’activité de l’Etat se confond de plus en plus à celle d’un actionnaire traditionnel : il s’agit pour l’Etat de recourir aux mécanismes de l’actionnariat pour prendre ou garder le contrôle exclusif ou conjoint d’une société, au sens du droit des sociétés.
Enfin, le fait d’être actionnaire permet à l’Etat de participer activement à la direction de la société. Pour illustrer ce propos, on peut prendre comme exemple la société des chantiers de Saint Nazaire, détenue majoritairement par STX Europe (66%) et l’Etat (33%) et par d’autres actionnaires à hauteur de 1%. En l’occurrence, STX (le groupe mondial) est en proie à des difficultés financières dues à l’arrivée à échéance d’une dette. Or il est raisonnable d’avancer, même sans lire dans le marc de café, que si l’Etat français n’était pas actionnaire de cette société et n’exerçait donc pas les droits que garantissent cette position, les chantiers de Saint Nazaire seraient faces à un futur plus qu’incertain.
Cet exemple illustre bien le contrôle que peut exercer l’Etat sur une activité économique porteuse d’emplois d’autant plus en période de crise économique. Si les responsables du groupe sud-coréen expriment leurs frustrations à l’encontre de la vigilance de l’Etat actionnaire, c’est aussi parce l’Etat a su pleinement jouer son rôle d’actionnaire. Si l’Etat français n’avait pas été actionnaire de cette société, les difficultés économiques de STX auraient sans doute poussé l’entreprise sud-coréenne à envisager de se séparer de ce site français.
Le statut d’actionnaire permet en effet d’exercer sur la société, au sein de laquelle l’Etat possède du capital, une influence suffisante. C’est le cas notamment quand un pacte passé entre l’État et d’autres actionnaires leur assure une majorité relative, ou lorsque les autres actionnaires sont minoritaires et dispersés, et remettent des pouvoirs en blanc aux dirigeants en place. Le rôle d’actionnaire de l’Etat est d’autant plus prépondérant qu’il ne s’agit plus de contrôler seulement les entreprises du secteur public selon la summa divisio de la majorité du capital détenu, mais aussi les entreprises du secteur privé.
En effet, si le fait de posséder la majorité du capital demeure le critère de distinction entre entreprises du secteur public et entreprises du secteur privé, la notion d’influence due à la qualité d’actionnaire d’une société doit donc l’emporter dans les autres matières. D’ailleurs, le critère de l’influence «prépondérante » est devenu, dès 1976, un des critères de compétence de la Cour des comptes et, en 2004, celui d’influence « notable » (20% au moins des droits de vote ou présence dans un organe significatif de l’entité) le critère de compétence de l’Agence des participations de l’État et de mention dans le rapport annuel sur l’État actionnaire.
L’actionnariat étatique révèle plusieurs intérêts, le premier étant la participation de l’Etat français aux décisions économiques de grande portée et l’acquisition de compétences et de comportements correspondants. On peut prendre comme exemple de l’utilisation d’un des outils de la palette actionnariale, le cas Alstom. Début 2004 l’Etat procède à la quasi-nationalisation provisoire de cette entreprise comportant des investissements publics, en prenant des risques comme on doit le faire en économie d’entreprise et en faisant lors de sa revente une considérable plus value de 1,3 milliard. La fusion de Gaz de France et Suez en 2007 obtenue par l’implication importante de l’Etat français permet de marquer d’autant plus l’achèvement du vieil Etat tuteur au profit d’un véritable Etat actionnaire et stratège économique.
Il est important de souligner le rôle crucial de l’Etat en tant qu’actionnaire au regard des spécificités de l’économie française. En effet, la France possède, comme peu d’autres Etats, un secteur public économique auquel elle doit une grande partie de sa force productive. Or si l’Etat français veut faire office de rempart contre les désordres économiques, il faut qu’existe une gouvernance forte d’un secteur économique public prolixe. Pour ce faire, les droits octroyés par le statut d’actionnaire dans n’importe quel type de société de droit privé ne doivent pas être écartés par idéologie mais exploités par des critères de pragmatisme. On peut par exemple répondre aux syndicats de France Telecom qui reprochaient à l’Etat d’avoir bénéficié de 4.5 milliards de dividendes en 2012, que les dividendes retirés par l’Etat peuvent être exploités dans un objectif d’intérêt général au profit de l’emploi ou pour les salariés.
L’intérêt général n’est pas forcément antinomique des intérêts d’actionnaire de bonne rentabilité. Au contraire, l’intérêt général peut se voir respecté et même renforcé par les objectifs de performance fixés par le statut d’actionnaire. En ces temps de crise, les dividendes peuvent ainsi être une solution complémentaire de financement du budget de l’Etat.
D’autre part, l’Etat peut jouer de son influence au sein des organes de direction des entreprises dans lesquelles il est actionnaire pour éviter le licenciement d’un certain nombre de salariés (pour Air France) ou du moins en limiter le nombre. L’action de l’actuel ministre du Redressement Productif pour augmenter la production d’automobiles en France dans le cadre de Renault (l’Etat étant actionnaire à 15% dans cette société) a abouti à un certain maintien de la production en France. L’annonce de la fermeture de l’usine d’Aulnay-sous-Bois doit cependant être un signal démontrant les limites de l’Etat actionnaire.
La présence de l’Etat dans le capital de sociétés doit aussi permettre de protéger les industries de pointe des prises de contrôle hostiles, un tel objectif revêtant un intérêt particulier dans le domaine de l’aéronautique et de la Défense (EADS, Thalès). En ce sens, la décision de la cession d’une partie des actions de l’Etat dans EADS le 17 avril ne semble pas aller dans le bon sens. Par accord, EADS lui a racheté hors marché 1,56 % de son propre capital, pour 482,7 millions d’euros. Paris s’est engagé à céder au total près de 3 % du capital qu’il détenait pour ramener sa participation à 12 %, en vertu d’un accord signé en décembre entre les principaux actionnaires.
Dans le secteur de la défense, la stratégie a été décrite comme plus faible et à renforcer alors même que ce sont des industries de pointe essentielles pour la France. Pour ne citer qu’un exemple, on peut prendre celui d’EADS, leader mondial dans la fabrication d’avions (airbus) qui a permis d’établir le chiffre d’affaires de la société à 12.4 milliards d’euros pour le 1er trimestre de l’année 2013.
Une participation forte ou majoritaire dans certains secteurs permet également de disposer du pouvoir de définir une véritable politique au sein desdits secteurs (énergie, défense, postes, ferroviaire). Dans certains domaines comme l’énergie et plus particulièrement le nucléaire, il serait ainsi dangereux d’avoir une société comme EDF sans que l’Etat en soit actionnaire. En effet, l’énergie nucléaire nécessite un contrôle technique peu compatible avec une entreprise privée classique dont le seul intérêt est le profit monétaire et financier. Ainsi, l’absence de l’Etat au capital des sociétés privées d’exploitation du nucléaire au Japon a participé à la gestion catastrophique du site de Fukushima après le tsunami.
III. « L’Etat stratège » ou comment continuer à utiliser l’outil efficace de l’actionnariat dans un contexte de récession économique
Ces vertus recouvrent une conception de l’Etat que l’on peut qualifier de stratège. Cependant pour reprendre les propres mots de l’actuel Ministre de l’Economie et des Finances : « [c]’est une gestion fine du capital de l’Etat, en conservant son rôle d’Etat stratège. Ce qui est crucial aujourd’hui, c’est la relance de notre économie, la croissance, la création d’emplois, et pour cela il faut tout faire pour investir et le faire sans creuser les déficits ».
Si la première phrase de son propos va dans le sens du présent article, il ne faudrait pas confondre Etat stratège et Etat sur le retrait. Comme le définit chaque rapport annuel de l’Agence de Participation de l’Etat : « [à] travers la valorisation de ses participations et la défense de ses intérêts patrimoniaux, l’État actionnaire s’attache à définir une stratégie de long terme ». Or, c’est ici que le bas blesse, tant cette annonce semble être une réponse à court terme des intérêts de l’Etat alors que, on l’a bien vu, les actions dont l’Etat est propriétaire possèdent des vertus pour l’économie française à long terme. Or cette vertu à long terme est le propre de l’Etat stratège, la stratégie économique de la France ne pouvant que se concevoir à long terme. Ainsi, l’option qui consisterait à se désengager de l’actionnariat limiterait nécessairement cette stratégie à moyen et long terme. Si un équilibre doit être trouvé entre le comportement traditionnel d’un actionnaire et l’intérêt général qui doit irradier l’action de l’Etat, l’équilibre est à trouver entre une politique économique de court terme nécessitant des liquidités et une politique économique de long terme qui permet à l’Etat d’orienter l’économie pour l’avenir. Le principe de réalité semble rappeler qu’au regard du contexte économique actuel, l’Etat réoriente une partie de ses titres vers d’autres investissements afin de retrouver une part de liquidité. Cependant il ne faudrait pas sacrifier des positions avantageuses pour des considérations de court terme.
Il faut d’autre part témoigner d’une stratégie gouvernementale claire à ce propos. En effet, au moment même où le Premier ministre déclare vouloir céder une part de ses titres détenus dans des sociétés, le Ministre du Redressement Productif refuse la cession majoritaire de DailyMotion à Yahoo. Si l’Etat doit garder ce levier qu’est le statut d’actionnaire, sa présence au capital de sociétés ne doit pas être synonyme de blocage et de frein au développement économique.
Or, même si DailyMotion selon les mots de Messieurs Montebourg et Moscovici est une « perle de l’Internet français », cette société n’en reste pas moins en difficulté face à son concurrent américain Youtube. Elle se doit d’être adossée à un grand groupe afin de pénétrer les marchés américains et asiatiques. Or, Orange, propriétaire à 100% de Dailymotion, n’est quasiment pas présent aux Etats-Unis, encore moins en Asie. Le risque ici est celui d’un contrôle trop grand sur la cession d’une société propriété d’une autre société (Orange) détenue à seulement 27% par l’Etat.
Ceci a néanmoins pour mérite de mettre fin au débat qui consiste à dire que l’Etat, quand il n’est pas majoritaire, tient un rôle limité dans les sociétés dans lesquelles il est actionnaire. En l’occurrence, l’action de l’Etat ne doit pas amener à être contraire aux intérêts d’une société française et finalement contraire aux intérêts d’une société qui compte dans le secteur numérique français. Du succès économique de DailyMotion découle une part du succès de l’économie numérique française.
Le refus de céder sans négociation sur la part à éventuellement céder peut s’apparenter à une erreur stratégique du point de vue de DailyMotion. En effet, si la cession de 75% des titres peut apparaître trop importante, maintenir un capital à hauteur de 35-40% aurait pu permettre à l’Etat de rester influent tout en augmentant considérablement les débouchés de la société DailyMotion.
IV. Remarques conclusives : quel Etat actionnaire pour demain ?
Après avoir fait état de ces décisions, quelques pistes d’amélioration de l’Etat actionnaire peuvent poindre. Il s’agit dans un premier temps de renforcer l’Agence de Participation de l’Etat comme outil de ce rôle stratégique de gestion du portefeuille étatique d’actions. Il s’agirait d’une prise de conscience du rôle stratégique de cette agence en termes de politique économique. Il peut simplement s’agir d’augmenter ses effectifs ou bien d’un rapprochement institutionnel entre l’APE et le CGI (Commissariat Général à l’Investissement). En effet, la stratégie d’actionnaire de l’Etat semble essentielle à sa stratégie d’investissement.
Dans une période où la France est rentrée en récession, chaque euro dépensé par la puissance publique doit être pesé. Dans une perspective de politique économique de long terme, céder un certain nombre de parts dans des entreprises stratégiques semble être une façon de subir le contexte économique de court terme. La politique économique d’un pays se construit à moyen ou long terme. L
a France se doit d’investir dans l’industrie de demain. C’est ce qu’Anne Lauvergeon, ancienne dirigeante d’Areva et conseillère de François Mitterand à l’Elysée, a appelé «L’Etat stratège». Ainsi, la vision de l’actuel Premier ministre n’est pas forcément mauvaise, si comme il le dit la cession d’actions est utilisée afin d’investir dans de nouvelles industries porteuses d’emploi. Mais cette vision n’est pas incompatible avec le fait de rester ou d’entrer au capital de sociétés porteuses d’emplois. L’investissement doit donc majoritairement se faire vers des domaines stratégiques, en ce sens, une réorientation intelligente peut amener à une stratégie économique efficace.
A l’instar de son homologue britannique, l’Etat actionnaire français se doit de faire preuve de pragmatisme. En effet, au moment de la crise des subprimes qui ont mis les banques britanniques devant des difficultés financières, l’Etat britannique n’a pas hésité à nationaliser lesdites banques, même partiellement, en rachetant plus de 50% de leurs actions. Cette action, qui peut paraître étonnante dans un contexte libéral, a permis au Royaume-Uni d’avoir une stratégie économique forte. En 2008, le chancelier avait assuré que l’intérêt des contribuables avait été « protégé ». « Soyons clairs: en retour de tout cela, le contribuable doit en voir un certain avantage », avait-il dit, promettant que le gouvernement se verrait notamment attribuer des « dividendes » pour les actions qu’il possède dans les banques. Cette solution a permis dans un premier temps de réinjecter des liquidités dans les 8 banques britanniques concernées et donc éviter leur faillite.
Dans un second temps, cela a permis à l’Etat de réaliser des profits et d’obtenir des dividendes au moment où lesdites banques ont amélioré leur situation financière. RBS par exemple qui avait bénéficié d’un plan de sauvetage de l’ordre 45.5 milliards de livres sterlings en 2008, a réalisé en 2012 un bénéfice d’exploitation de 3.5 milliards de livres. Le Royaume-Uni envisage donc maintenant la reprivatisation de RBS.
Cependant cette nationalisation permet également au gouvernement de mettre sous pression les grandes banques britanniques renflouées afin qu’elles prêtent davantage aux ménages et aux petites entreprises pour aider à relancer l’économie chancelante du royaume. La nationalisation même partielle a donc eu l’avantage de permettre au gouvernement britannique un certain contrôle et une certaine influence sur l’orientation des banques renflouées. De plus, la nationalisation a abouti sur un bénéfice supérieur au moment de la revente des actions. L’option prise par la France pour renflouer les banques- l’option du prêt- a certes permis un profit mais dans une moindre mesure.
D’autre part, la logique de l’Etat actionnaire se rapproche de celle du secteur privé. En ce sens, cette expérience peut être une manière d’irradier l’action de l’Etat dans l’ensemble de l’économie et reprendre les exigences particulières de performance. Cette expérience doit pouvoir permettre une évolution de la gouvernance des entreprises sous influence publique.
La fin de l’Etat providence marque un tournant de l’action l’Etat dans l’économie. L’Etat se doit donc mesurer ses efforts et mettre le curseur là où c’est nécessaire et efficace dans un contexte de crise économique. Les nouvelles finalités de l’Etat sont de deux ordres : la stratégie et la régulation. Force est de constater que la gestion de la régulation confiée à des autorités indépendantes est bien en place. Il faut donc s’atteler maintenant à déterminer une stratégie efficace. Et l’Etat actionnaire est aujourd’hui plus que partie prenante de ce renouveau également alimenté par la création du Commissariat Général à l’Investissement. L’Etat ne doit donc pas se priver de ce levier majeur de sa politique économique de demain.
Erwann LAPERDRIX
Master 2 Droit public de l’Economie (Paris II)
Pour en savoir plus :
– http://www.economie.gouv.fr/agence-participations-etat/30-octobre-2012-rapport-letat-actionnaire le rapport de l’Etat actionnaire : 2012/APE.
– Loi organique n°2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances pour une vision renouvelée des finances publiques, passage de la vision juridique à une vision de performance.
– André Délion, conseiller-maitre honoraire à la Cour des comptes, De l’État tuteur à l’État actionnaire, Revue française d’administration publique 2007/4 (n° 124) : http://www.cairn.info/resume.php?ID_ARTICLE=RFAP_124_0537