Réalisé par Enis M’Rabet M2 Droit Economique Université Aix-Marseille »,
_____________________________________________________________________________________________
Jean de La Fontaine, dans sa fable La chauve-souris, le buisson et le canard, décrit les heurs et malheurs d’une entreprise commune, telle que se la représente l’imaginaire collectif, qui, après avoir connu la fortune, est confrontée à des difficultés telles qu’elle ne peut éviter la faillite.
Au début il y a un chef d’entreprise, une entreprise et une histoire
entrepreneuriale imaginée par un ou plusieurs hommes. Faisant bourse commune, ils décidèrent de se lancer à l’aventure et d’exposer leur patrimoine aux risques inhérents à ce périple. Au début, ils acquirent des outils pour exploiter leur activité. Dans le même sens, ils s’endettèrent auprès de créanciers leur accordant des crédits. Forts de l’énergie procurée par l’audace et l’insouciance, ils se lancèrent dans la vente des biens qu’ils produisaient ainsi que dans la commercialisation des services qu’ils rendaient. L’entreprise florissait, les entrepreneurs jubilaient.
Et puis vint un jour où ils durent céder leur place à des investisseurs afin que leur joyau prenne une autre dimension. Chemin faisant, au prêteur de proximité se substitua le financier professionnel. La complexité de l’ingénierie juridique et financière limitant les risques et maximisant les profits pris le pas sur la simplicité de la mécanique artisanale jusque là utilisée. Les délices de l’improvisation et du risque s’effacèrent au profit de la plate froideur déshumanisée de la certitude et du pragmatisme.
La stratégie fiscale et financière ouvre la voie au génie juridique des praticiens- concepteurs de montages juridiques en tout genre (structurels ou financiers) dont le but premier est d’optimiser l’activité de l’entreprise en considération des différents régimes juridiques en vigueur, internes à la France ou hors frontières, voire de réduire les risques financiers que subissent les créanciers.
L’entreprise se retrouve alors exploitée par le truchement d’une foule de structures sociétaires aux patrimoines distincts, afin de subdiviser les risques liés à l’activité et de réduire les charges (y compris fiscales). Le tout chapeauté par une société holding chargée de conduire les opérations, elle-même détenue par des structures (ex : fonds de pension) étrangères logées quelque part au soleil à l’abri de la tempête fiscale.
Les crédits-bails et autres clauses de réserve de propriété servent à rassurer les créanciers et à acquérir des biens. Les créances de l’entreprise nées de l’interaction avec ses clients se transforment en instruments de sûretés dans le cadre de cessions « Dailly ». Pour faire simple, les dettes sont financées par d’autres dettes selon le schéma vicieux du « serpent se mordant la queue ».
Alors lorsque la fuite en avant ne peut plus continuer, lorsque le climat et les considérations macro-économiques ne sont plus propices aux « affaires », le temps est venu de « plier bagage » et de battre en retraite. L’entreprise, sur le point de s’écrouler sous le poids des factures, des crédits et inévitablement de la crise économique, est délaissée. Ne subsiste alors qu’une ribambelle de questions, face auxquelles, se retrouve confronté le droit des entreprises en difficulté.
Qui et où est le débiteur? Idem s’agissant des propriétaires des biens de l’entreprise ou de ses créanciers ? Qu’adviendra t-il des salariés et de l’AGS censée couvrir les créances salariales ?
Sans prétendre à l’exhaustivité, nous tenterons de décrire et d’analyser l’impact des montages juridiques sur le droit des entreprises en difficulté.
L’idée de confronter les montages, communément utilisés dans la vie des affaires, au droit des procédures collectives, nous est venue à la suite de la découverte des actes d’un colloque organisé par le CRDP de Caen sur le thème des « montages à l’épreuve et au service du droit des entreprises en difficulté » le 12 avril 2013. L’intérêt tant pratique que théorique joint à la grande actualité de ce sujet nous ont alors incité à approfondir et enrichir les thèmes exposés par les éminents intervenants.