Les échanges bilatéraux dans le cadre d’une négociation collective            

Le principe de loyauté encadre la conclusion de n’importe quel contrat. En matière de négociation collective, les contrats prennent la forme d’accord ou de convention collective en engageant les parties signataires.

Pour que ces conventions collectives puissent être valables, qu’elles produisent les effets recherchés par les partenaires sociaux et qu’elles ne puissent pas être contestées à l’avenir, il faut que les négociations se soient déroulées de manière loyale. A partir du moment où chacun y a participé et a eu la possibilité de débattre de chaque point de l’accord, ce dernier devra obligatoirement être respecté par ceux qui l’ont créé.

L’obligation de loyauté est mentionnée à l’article L 2222-3-1 du Code du Travail, il s’agit d’un accord de méthode, qui permet aux négociateurs de définir les modalités de la négociation à venir. Mais cette obligation n’est pas consacrée comme un principe général à part entière.

C’est à la jurisprudence que l’on doit la définition et la précision de la notion de loyauté. Si l’on se rend compte que la négociation n’a pas été menée de manière juste et loyale alors l’accord issu d’une telle négociation sera annulé. Ce principe est énoncé dans un arrêt de la Cour de Cassation du 10 octobre 2007. Cet arrêt énonce trois situations, qui sont alternatives et non pas cumulatives et qui mènent à la nullité de l’acte parfois longuement négocié.

Nous allons nous attarder sur l’une d’entre elles : le fait de mener des négociations séparées. Si tel est le cas, la négociation sera considérée comme déloyale et l’accord sera nul. En effet, il n’est pas possible de mener des négociations avec une partie des négociateurs seulement, il faut que les réunions de négociations soient communes à toutes les OS représentatives au niveau où l’accord est négocié.

 Dans une décision en date du 8 mars 2017, la Cour de Cassation nous a donné son interprétation  quant à savoir si des échanges bilatéraux constituaient des négociations séparées ou non. On pourrait croire, de prime abord, que des échanges bilatéraux s’apparentent à des négociations séparées mais la chambre sociale de la Cour de Cassation est venue éclaircir la situation.

Elle participe donc à établir une définition de la notion de loyauté dans les négociations collectives.

Une réunion en date du 20 mars 2014 était venue clôturer l’ensemble des négociations sur l’assurance chômage. Il est apparu que le jour suivant, le 21 mars 2014, une suspension de séance s’est tenue pendant laquelle des échanges bilatéraux ont eu lieu entre les organisations patronales et certaines organisations syndicales mais pas toutes. Un projet d’accord final a ensuite été soumis le 22 mars 2014 à l’ensemble des acteurs de la négociation, après la reprise de la séance.

En l’espèce, la CGT avait saisi le tribunal de grande instance pour que soit annulé l’accord et la convention en raison d’une déloyauté qui aurait caractérisé la tenue de ces négociations.

L’arrêt de la Cour d’appel contre lequel la CGT fait grief a considéré que la « négociation avait été régulière » et a admis la possibilité d’organiser des rencontres bilatérales si « celles- ci peuvent contribuer à dégager une solution commune, dès lors qu’aucun engagement ferme n’est pris à leur occasion » (CA Paris , 12-03-2015, n°14-24-633)

La Cour de Cassation tranche et donne raison à la Cour d’appel. Dans cette décision, la Cour a finalement admis la possibilité de mener des échanges bilatéraux lors d’une suspension de séance mais à deux conditions seulement :

  • si la partie, qui n’a pas participé aux échanges bilatéraux, y a été conviée mais n’a tout simplement pas voulu y prendre part
  • et si le projet d’accord final a bien été présenté à l’ensemble des négociateurs avant sa signature. Dans ce cas, les syndicats n’ayant pas participé aux échanges bilatéraux ont été en mesure d’en débattre.

L’obligation de loyauté de l’employeur ne concerne que l’invitation à la négociation mais si un syndicat refuse délibérément de participer aux échanges bilatéraux et c’est ce qu’a fait la CGT alors les négociations se poursuivent sans lui et le syndicat en question ne peut affirmer que les négociations ont été séparées et ne peut donc pas se prévaloir d’une atteinte à ces droits de négociateur.

 

Estelle Loison, étudiante en master 1 de droit social, à l’université Panthéon-Sorbonne

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