C’est une bataille judiciaire de presque vingt ans qui a pris un nouveau tournant au début du mois d’août. La Justice équatorienne s’est à nouveau placée du côté de la défense de l’Amazonie et de ses habitants en condamnant, le 4 août, la compagnie pétrolière Chevron à verser 19 milliards de dollars de dommages et intérêts environnementaux, et ceci dans un délai de 24h. Revenons sur cette bataille judiciaire de presque vingt ans.
En 1964, la compagnie Texaco, ayant obtenu une concession exclusive sur les réserves pétrolières de la forêt amazonienne en Equateur, entame l’exploitation de cette précieuse ressource. Celle-ci atteindra rapidement des sommets puisqu’environ 350 puits seront creusés. Seulement, pour chaque puits creusé, cinq à six bassins seront créés pour recueillir les déchets toxiques et eaux usées. Il en résultera une contamination des sols et des eaux, des pluies acides, et une mise en danger de la santé des populations environnantes.
Les habitants de la région, durement touchés par la pollution, se réunirent en association de défense des victimes de l’exploitation de Texaco et déposèrent une plainte contre Texaco devant la justice américaine en 1993.
En 2001, Texaco est rachetée par Chevron [1].
En 2002, la plainte est examinée et la Cour d’appel de New York qui déclare les cours américaines incompétentes. Elle réoriente les plaignants vers la Justice équatorienne.
L’année suivante, une plainte est déposée devant une Cour équatorienne. Elle aboutira le 14 février 2011 à la condamnation de Chevron au paiement de 8,6 milliards de dommages et intérêts [2].
Quelques jours plus tôt, le 8 février 2011, le tribunal arbitral constitué en vertu du règlement de la CNUDCI dans le cadre d’une procédure d’arbitrage intentée contre l’Equateur par le biais du traité bilatéral d’investissement USA/Equateur avait émis une ordonnance enjoignant à l’Equateur de prendre toutes mesures pour suspendre les procédures internes [3].
Le jugement d’appel Equatorien de janvier 2012 confirme la décision de première instance mais modifie la somme des dommages et intérêts, qui passeront à 9,5 milliards de dollars. En outre, le jugement équatorien exige de la compagnie pétrolière qu’elle présente des excuses publiques, ce qu’elle refusera de faire. Une nouvelle décision est alors prise un mois plus tard, qui double le montant des dommages-intérêts pour non-respect du jugement d’appel et en particulier pour l’absence d’excuses publiques de la part de Chevron.
C’est ainsi que le 4 août dernier, la compagnie a été sommée par la Justice équatorienne de verser ces dommages et intérêts dans un délai de vingt-quatre heures ou de mettre à disposition des biens non hypothéqués de même valeur [4].
La compagnie pétrolière a fait appel du jugement devant la Cour suprême de justice à Quito, qui ne s’est pas encore prononcée.
L’arbitrage CNUDCI est aussi toujours en cours [5].
L’implantation internationale de Chevron constitue sa grande faiblesse car les plaignants pourront engager autant de procédures d’exécution qu’il existe de lieux où Chevron possède des actifs. Et la compagnie n’ayant pas l’intention d’exécuter d’elle-même la décision – le porte parole de Chevron affirme que l’affaire avait déjà été réglée, 6 millions de dollars ayant été déboursés pour nettoyer la zone d’exploitation – elle fera certainement face à de nombreuses démarches visant à séquestrer ses biens [6].
Olivia Billioque
Notes
[1] http://fr.wikipedia.org/wiki/Chevron_%28entreprise%29
[2] http://lexpansion.lexpress.fr/entreprise/chevron‐condamne‐a‐8‐milliards‐de‐dollars‐pourpollution_
248901.html
[3] http://www.lepoint.fr/monde/pollution‐en‐equateur‐amende‐historique‐pour‐le‐geant‐petrolier‐chevron‐
04‐01‐2012‐1415204_24.php ;
http://www.google.fr/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=4&ved=0CDwQFjAD&url=htt
p%3A%2F%2Fwww.chevron.com%2Fdocuments%2Fpdf%2Fecuador%2FTribunalInterimMeasures
Order.pdf&ei=zlRTUMCsKtS6hAeO9oDQDA&usg=AFQjCNH_56ucLkIBQoV1w9J5l3xxhImmdg
&sig2=VRpWoqVjwkZHGAgrUhVHYA&cad=rja
[4] http://sciencesetavenir.nouvelobs.com/nature‐environnement/20120804.AFP4861/une‐courequatorienne‐
somme‐chevron‐de‐payer‐19‐milliards‐de‐dollars‐d‐ici‐lundi.html
[5] http://www.pca-cpa.org/showpage.asp?pag_id=1409
[6] http://chevrontoxico.com/news‐and‐multimedia/2012/0514‐chevron‐ecuador‐risk‐analysis‐report
|
Pour aller plus loin
– Article AFP faisant état de la décison de la Cour d’appel de Lago Agrio du 3 janvier 2012 :
http://www.lepoint.fr/monde/pollution-en-equateur-amende-historique-pour-le-geant-petrolierchevron-04-01-2012-1415204_24.php
– Article Wikipédia portant sur Chevron :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Chevron_%28entreprise%29#Affaire_Chevron_Texaco_vs_.C3.89quate
ur
– Composition du tribunal arbitral dans l’arbitrage CNUDCI mis en oeuvre :
http://www.pca-cpa.org/showpage.asp?pag_id=1409
– Décision de la Cour permanente d’arbitrage admettant sa compétence fondée dur le BIT Equateur/USA :
http://ita.law.uvic.ca/documents/Chevron-TexacovEcuadorInterimAward.pdf
– Ordonnance du tribunal arbitral du 9 février 2011 :
http://www.google.fr/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=4&ved=0CDwQFjAD&url=http%3A%2%2Fwww.chevron.com%2Fdocuments%2Fpdf%2Fecuador%2FTribunalInterimMeasures
Order.pdf&ei=zlRTUMCsKtS6hAeO9oDQDA&usg=AFQjCNH_56ucLkIBQoV1w9J5l3xxhImmdg
&sig2=VRpWoqVjwkZHGAgrUhVHYA&cad=rja
– Décision équatorienne du 3 janvier 2012 :
http://www.docstoc.com/docs/110401927/Ecuador-Appeals-Court-Judgment-%28English%29
|