Le 22 mars dernier, Le Petit Juriste a organisé, avec l’Association Française des Juristes d’Entreprise (AFJE) et le site de recrutement spécialisé dans les métiers du droit Carrieres-Juridiques.com, une conférence sur le thème des Carrières de Juristes d’entreprise.
Cette conférence a pour objectif de vous donner les éléments permettant d’appréhender au mieux ce métier qui n’est pas assez évoqué au sein de l’Université et qui pourtant vous permet d’exercer une activité juridique tout aussi intéressante et stimulante que la profession d’avocat dans un contexte d’entreprise comportant ses problématiques atypiques et enrichissantes.
Les thèmes suivants ont été abordés par des intervenants de qualité et ont été entièrement retranscrits sur le site du Petit Juriste :
– Quelles compétences pour devenir juriste d’entreprise
– Le début de carrière en entreprise
– L’évolution des carrières et adaptabilité
– La mobilité internationale en entreprise
– Le marché de l’emploi juridique en entreprise
Nous avons retranscrit l’un des thèmes pertinent dans ce numéro du Petit Juriste et vous invitons à consulter le notre site Internet ainsi que celui de nos partenaires dans cette conférence.
La culture juridique d’entreprise, une donnée à appréhender
Intervention de Monsieur Rémy SAINTE FARE GARNOT, Chercheur associé à LegalEdhec,, administrateur de l’AFJE et ancien directeur juridique grands groupes
En juillet 2010, le monde diplomatique titrait : « Golfe du Mexique, comment BP se joue de la Loi ». Une vision comme celle là permet de douter de la pertinence du thème proposé et pourtant la Culture juridique d’entreprise a indéniablement un impact sur la vie professionnelle de ceux qui pratiquent le droit en entreprise.
Le concept, plus large, de culture d’entreprise a, quant à lui, été décrit et abondamment commenté dès les années 1980. C’est ainsi par exemple qu’a été évoquée la notion culture propre aux entreprises familiales ou aux grandes entreprises américaine et leur impact sur la performance globale de celles-ci.
« La Culture juridique d’entreprise a indéniablement un impact sur la vie professionnelle de ceux qui pratiquent le droit en entreprise »
Cette notion de culture d’entreprise a ensuite été critiquée par ceux qui ont la vision d’un facteur de soumission ou de dépendance. Il a, de plus, été relevé que nous vivons une époque au cours de laquelle on a tendance à reléguer les valeurs collective dont celle-là au deuxième plan et où la variété talents et la spécificité des personnalités sont mieux pris en compte par les équipes ressources humaines des firmes.
Ces mêmes spécialistes du management et des ressources humaines ont néanmoins pu caractériser cette culture d’entreprise et ses principaux caractères seraient les suivants :
- l’idée d’une croyance commune et de partage de valeurs largement diffusées et admises dans une entreprise donnée qui ont un pouvoir fédérateur ;
- la durée, élément indispensable pour que l’on puisse parler de culture d’entreprise. Il faut, en effet, que les indices pertinents ne se situent pas dans l’éphémère mais au contraire que les choses soient inscrites dans le temps ;
- enfin, les méthodes de travail ou de communication mais aussi les comportements : en bref, les pratiques organisationnelles qui sont caractéristiques d’une entreprise et que certains considèrent même comme des avantages stratégiques.
Finalement si l’on admet l’existence de cultures d’entreprises spécifiques, il faut aller plus loin la culture juridique d’entreprise apparaissant alors comme un prolongement éventuel de celles-ci.
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Sa manifestation essentielle est la place accordée aux questions juridiques dans une entreprise donnée. Et il s’agit bien là dans les faits d’une donnée fortement variable qui est loin d’être neutre pour ceux qui y travaillent.
Au début des années 1980, jeune directeur juridique de la filiale d’une multinationale américaine, j’ai pu constater à l’occasion de ma première visite au siège mondial du groupe aux Etats-Unis que la personne qui occupait le bureau qui faisait face à celui du Chairman était le directeur juridique. Cela symbolisait l’importance que ce dirigeant accordait à l’éclairage juridique des choses ce qui contrastait avec mon ressenti lorsque j’avais commencé ma carrière dans un groupe français.
Comment se caractérise la culture juridique de l’entreprise ?
Elle se manifeste tout d’abord, c’est le 1er critère, en termes d’outils ou de moyens. Le nombre de juristes employés, les sources documentaires mises à leur disposition, le maillage entre les différents juristes au sein des différentes entités du Groupe, ou encore les budgets alloués aux juristes pour recourir aux avocats, notaires, universitaires etc., en sont autant de manifestations. Or, les moyens alloués à la fonction juridique sont essentiels dans notre univers contemporain marqué par dans la complexification et une tendance à la sur-réglementation. Les moyens alloués au service juridique sont un indicateur essentiel de la culture juridique d’entreprise, tout le monde ne bénéficie pas d’outils équivalents.
Le 2ème critère est caractérisé par le rôle assigné à la fonction juridique dans son ensemble par l’entreprise en question. La palette de réponse est très large selon que la direction générale demande que les juristes soient systématiquement présents dans les gros projets ou s’ils ne sont affectés qu’à des tâches plus limitées de production et d’enregistrement d’actes. L’intérêt et l’enjeu de la mission des juristes varie, en effet, considérablement d’une entreprise à une autre. Cette variable résulte rarement d’habitudes, du hasard mais le plus souvent d’un choix raisonné de l’entreprise quelquefois même d’un facteur culturel.
« Ceux qui rencontrent des entreprises pour y faire carrière doivent être particulièrement attentifs au rôle assigné à la fonction juridique par l’entreprise ainsi qu’aux moyens alloués à celle-ci »
Le 3ème critère révélateur de l’existence éventuelle d’une culture juridique d’entreprise est celui de l’imprégnation du droit dans les comportements et les réflexes des non juristes. Cela ne s’obtient que dans la durée. A une époque où les firmes s’occupent de plus en plus de « conformité », de maîtrise et de contrôle des risques, c’est une des missions qui peut être confiée aux juristes que d’informer et de sensibiliser tous ceux qui ignorent les dimensions et enjeux juridiques dont ils sont les porteurs et de les accompagner. Ils jouent alors ce rôle vis-à-vis de nombreuses personnes dans la société, ingénieurs, commerciaux, informaticiens etc., les informant de l’impact du droit sur leur métier.
L’intégration et l’assimilation des paramètres juridiques à tous les niveaux de l’entreprise sont fondamentales, mais pour autant elles sont éminemment variables et ce n’est pas une évidence dans toutes les firmes. La « lutte pour le droit » reste donc un long -chemin.
De fait, de nombreuses entreprises ont pour réflexe la prise de risque et pour habitude de « foncer dans le brouillard » alors que d’autres, qui ont tiré les enseignements d’expériences difficiles et sont donc plus vigilantes, s’emploient à faire évoluer les choses. Leur objectif est que chacun comprenne qu’il va de l’intérêt de tous de maitriser les risques juridiques et en particulier ceux auxquels la société peut être confrontée sur certains projets.
Depuis une dizaine d’années ou plus, la mise en place de bases de données juridiques et pratiques accessibles en ligne, notamment par l’utilisation de l’Intranet d’entreprise, y contribue.
Les sociétés qui ont fait ce type de choix ont donc intégré une préoccupation nouvelle qui va au delà de la seule prévention et qui inclut désormais des procédures de vérification du respect des procédures prévues sur les aspects juridiques. Il s’agit d’un véritable facteur de différenciation qui est une des caractéristiques de la culture juridique d’entreprise.
Le 4ème critère est celui du niveau d’expertise des juristes de l’entreprise. C’est aussi quelque chose d’extrêmement variable d’une entreprise à une autre. Cette compétence particulière ne s’obtient et ne se développe que par un climat et un esprit de mise à niveau continue des connaissances associée à la volonté de fidéliser les juristes dans l’entreprise afin qu’un turnover trop rapide ne soit pas un frein à la pérennité des acquis essentiels à la sécurité juridique.
Pour un jeune juriste, la perspective de rejoindre une équipe expérimentée disposant de compétences reconnues, soucieuse de les pérenniser et de les transmettre, est évidemment un défi mais c’est surtout l’opportunité de gagner en expérience et donc un facteur supplémentaire de motivation.
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