Pourquoi avez-vous décidé de former ce duo ?
MACB : Au-delà de la parité, il nous semblait nécessaire d’être complémentaires pour représenter l’ensemble des Confrères du barreau de Paris.
Laurent est plutôt représentatif des cabinets d’affaires et, quant à moi, j’ai un exercice individuel de pénaliste. A nous deux, nous avons un champ visuel complet des exercices et des attentes de nos Confrères.
LM : Pour que la relation Bâtonnier / Vice-bâtonnier fonctionne parfaitement, il faut une vraie complémentarité. Ainsi, Marie-Alix a une dimension pénale, libertés publiques, défense des personnes. Pour ma part : la dimension internationale, le droit des affaires, mais aussi la présence du barreau de Paris auprès des institutions.
MACB : Avec Laurent, on s’est choisis. C’est un vrai choix. Ce n’est pas une alliance par défaut.
Quel bilan tirez-vous des années POS ?
MACB : Un bilan très actif, même si nos Confrères ne le savent pas forcément. Il y a déjà eu beaucoup de choses de concrétisées : notamment, grâce à Laurent, la réunification avec le C.N.B., qui est fondamentale aujourd’hui si l’on veut arriver à faire quoique ce soit tant vis-à-vis des pouvoirs publics que dans l’exercice quotidien de nos Confrères.
LM : Beaucoup de réformes initiées sur l’école, l’international, les affaires publiques… Il y a une vraie présence du barreau de Paris comme interlocuteur des agents publics. Une dimension impérative, sur laquelle nous avons déjà commencé à travailler, mais qu’il faut consolider aujourd’hui : c’est la réunification —ou, la réunion— des composantes de la profession, que sont les C.N.B. ou la Conférence des Bâtonniers. C’était indispensable pour pouvoir continuer d’assurer la défense des intérêts de la profession.
Nous avons dégagé 9 millions d’euros de bénéfice supplémentaires en donnant à la CARPA les moyens d’ambitions nouvelles, ce qui nous permet aujourd’hui de mettre en œuvre de grands projets.
Beaucoup de réformes de gouvernance également, avec un profond respect de ce qu’est l’institution. Une vision très prospective, appuyée sur ce qu’est l’institution ; une vision audacieuse, très moderne.
Sur l’exercice du métier : la défense du périmètre du droit, la défense des libertés publiques (on l’a vu avec les écoutes, on le voit aussi dans le cadre de la loi sur le renseignement).
Nous avons remis, je pense, la profession en capacité d’être l’interlocuteur écouté des pouvoirs publics.
Quels sont les trois points les plus importants de votre programme ?
MACB : Nos trois thèmes : une gouvernance exemplaire pour des droits renforcés ; un barreau moderne en phase avec son temps ; l’avocat de demain, avec les nouvelles professions et les nouvelles technologies. Le fil rouge : c’est l’ouverture. L’ouverture de la profession sur les autres, sur les Magistrats, sur les nouvelles professions, sur les nouvelles technologies : ouvrir les écoutilles. Le droit est partout ; donc, l’avocat doit être partout ; à nous de faire en sorte que ce soit possible.
LM : Il y a aussi une dimension sociale très importante, car nous avons mené une politique budgétaire empreinte d’une grande orthodoxie qui nous permet aujourd’hui de faire des choix audacieux, et surtout pour tous. Aussi, nous avons des mesures concrètes pour les jeunes, la parité et la diversité. C’est écrit noir sur blanc dans notre programme. Nous avons une vision très entrepreneuriale de la profession, quelle que soit la taille des structures d’exercice.
Quels sont, justement, vos idées pour faciliter l’installation des jeunes avocats au barreau de Paris ?
LM : Elles sont nombreuses : amplification du barreau entrepreneurial, aide à l’installation avec une cellule dédiée, identification de locaux. Une vraie démarche d’accompagnement. La cellule d’installation est en train d’être mise en place. Elle permettra une aide financière par l’exonération des cotisations, la caution de l’Ordre pour l’installation, des prêts et des bourses pours les jeunes avocats, une banque de données pour l’identification des locaux…
MACB : Nous mettrons en place également un réseau de collaborateurs en ligne —un « vivier »—, qui offriront leurs services pour des missions ponctuelles. Il faut créer plus de lien, c’est indispensable.
LM : Au niveau institutionnel, il y aura, au sein du Conseil de l’Ordre, 4 sièges réservés paritairement aux plus jeunes d’entre nous avec des missions et des responsabilités. Là aussi, il faut des actes forts.
Vous abordez l’accès au dossier pendant la garde à vue dans votre programme. Pensez-vous pouvoir obtenir plus facilement cette réforme si vous êtes élus ?
MACB : Il y a eu deux directives sur le sujet. J’ai participé au groupe de travail sur la transposition avec la Chancellerie et des interlocuteurs qui sont encore en place aujourd’hui, et ce jusqu’en 2017. La première a été transposée a minima, certes, car dans l’urgence, mais avec l’engagement de transposer a maxima la nouvelle directive en 2017. Mon idée pour la dernière directive est qu’elle doit être transposée de manière élargie. Il faut une action de lobbying assez forte, en lien avec le CNB. J’ai préparé des conclusions sur ce point pour pouvoir faire une action forte à la 23ème pour l’annulation des procédures. J’ai la connaissance du terrain, des négociations, c’est mon cœur de métier et, avec Laurent, nous avons l’énergie pour faire aboutir cette réforme. Avec la Commission pénale, je pense l’avoir démontré. On est aujourd’hui les seuls à être « dans le jus », par rapport à tous les autres candidats. Les autres ont été aux affaires il y a plusieurs années. Laurent et moi sommes au courant de tout, c’est un plus.
Quels sont vos projets pour l’EFB ?
LM : Quand on a pris nos fonctions, on a eu des retours terribles sur l’école. Des retours très sévères. Nos avons tenté de la réformer de façon significative. Mais il faut du temps. Après un an, les retours sont déjà beaucoup plus modérés, excellents en ce qui concerne le foisonnement, de très bons retours sur les stages à l’international, sur les accords avec les grandes universités. Tout cela fonctionne très bien. Il y a encore un chantier colossal, avec la mise en place d’électifs, le problématique de la disparité des enseignements, l’existence de doublons avec l’université… Nous allons mettre en place un MOOC de déontologie, en partenariat avec le C.N.B. Il faut aussi que les élèves soient plus présents, car les intervenants ne se déplacent pas pour des amphis clairsemés. On ne peut pas tout changer en un an, l’E.F.B. fait partie de nos chantiers prioritaires, nous allons poursuivre sur la voie engagée. La prochaine étape consiste dans des accords avec les Magistrats et l’E.N.M.
MACB : Il faut arrêter de faire des cours magistraux. Il faut mettre en place des ateliers —je crois beaucoup à la vertu des ateliers—, à l’image de ce qu’on fait à l’école de la défense pénale. La réforme de l’EFB est un excellent exemple de la nécessité d’avoir du temps pour réaliser des réformes et pas seulement les rêver. Qui peut croire qu’en seulement deux ans c’est possible ? Personne.
Le statut du collaborateur libéral ne permet pas toujours, dans le concret, de dégager suffisamment de temps pour développer sa clientèle ou d’accorder du temps à la vie de famille…
MACB : Je suis passée par là. Maintenant que j’ai posé ma plaque, j’ai moi-même des collaboratrices qui sont tombées enceinte. On ne peut pas réformer le statut du collaborateur. On ne peut qu’engager les cabinets à respecter le principe de la profession libérale. C’est-à-dire qu’un collaborateur reste un avocat qui a une rétrocession d’honoraires : il n’est pas salarié, il exerce la profession. Maintenant, il est clair qu’on n’exerce pas de la même manière dans une grosse structure de 300 personnes et dans une structure où il y en a 4. Par définition, celui qui prend la décision de prendre tel ou tel chemin, sait qu’il n’aura pas les mêmes possibilités. Dans un cabinet comme celui de Laurent, on pourrait développer le télétravail. Dans une structure comme la mienne, je pousse à faire des commissions d’office, à développer sa clientèle. La présence des jeunes au Conseil d’ordre pour nous est une nécessité pour avoir connaissance des difficultés pratiques, ce n’est pas une symbolique. Nous envisageons de labelliser les cabinets qui respectent bien les principes de la profession, car nous ne souhaitons pas mener une « politique du bâton » et sanctionner. Ce serait contreproductif.
LM : La profession est attachée à son caractère libéral. C’est à l’ordre d’être très attentif à cela. Nous avons interdit par exemple de se séparer d’une collaboratrice pendant un délai de huit mois après son retour de congés maternité. Il faut protéger ce statut. Nous avons apporté le congé paternité. Le rôle de l’Ordre est de porter toutes ces idées, d’aider les cabinets pour financer ces droits. Nous avons mis en place les Etats généraux de la collaboration libérale. Dans notre programme figure donc la labellisation des cabinets qui respectent les principes de la libéralité de la profession.
MACB : Tout ce qui est dans notre programme est réalisable. Tout.
Si ce n’est pas Le Petit juriste, que lisez-vous en ce moment ?
LM : Le temps ce grand sculpteur, de Marguerite Yourcenar. Une vision très prospective de ce qu’est l’avenir, lecture faite des acquis et du respect des anciens.
MACB : Une biographie de Proust. Je lis beaucoup, mais moins pendant cette campagne.
Charles Ohlgusser et Antonin Péchard (dir.)