L’entreprise individuelle à responsabilité limitée

 


 

Un projet de loi actuellement soumis au Parlement (peut être déjà adopté lors de la publication de cet article) se propose d’introduire l’EIRL aux articles L526-6 et suivants du Code de commerce.

 

 


 

Le premier de ces textes résume en une phrase toute la révolution qu’apporterait l’adoption d’une telle loi : « tout entrepreneur individuel peut affecter à son activité professionnelle un patrimoine séparé de son patrimoine personnel, sans création d’une personne morale ». Feu le principe de l’unicité du patrimoine, le patrimoine d’affectation ferait une entrée fracassante en droit français. Pourtant ce dernier a longtemps été hermétique à toute idée de patrimoine d’affectation, on peut même dire que la théorie de l’unicité du patrimoine a été érigée en dogme depuis qu’Aubry et Rau l’ont développée dans le courant de la seconde moitié du XIXe siècle, dans leur fameux Cours de droit civil français.

 

Certains auteurs redoutent que l’on ouvre la boîte de Pandore.  Par exemple la fondation a été créée pour introduire en droit français un équivalent au patrimoine d’affectation. Comme la fondation est dotée de la personnalité morale il n’y a pas d’atteinte au principe de l’unicité du patrimoine. La création de l’EIRL levant le tabou de l’interdiction du patrimoine d’affectation, plus rien ne justifierait le recours à l’alibi que constitue la personnalité morale de la fondation. Une seule et même personne juridique se trouverait alors à la tête de son patrimoine personnel et d’un patrimoine affecté à la poursuite d’un but non lucratif, mais pourquoi pas dès lors que l’on admet que l’entrepreneur individuel puisse se trouver à la tête d’un patrimoine personnel et d’un patrimoine affecté à son activité professionnelle ?

 

En réalité il n’est pas sûr que le législateur français franchisse le Rubicon avec l’EIRL, pas plus du moins que par le passé avec la fiducie, introduite en droit français par une loi du 19 février 2007. Ce mécanisme hérité du trust anglo-saxon est défini à l’article 2011 du Code civil comme « l’opération par laquelle un ou plusieurs constituants transfèrent […] un ensemble de biens, de droits ou de sûretés, présents ou futurs, à un ou plusieurs fiduciaires qui, les tenant séparés de leur patrimoine propre, agissent dans un but déterminé au profit d’un ou plusieurs bénéficiaires ». On peut donc constituer un patrimoine fiduciaire libéré de tout lien intangible avec un individu et pouvant circuler d’une personne à une autre. Malgré les craintes d’une partie de la doctrine on constate aujourd’hui que cette loi n’a pas bouleversé la conception du patrimoine qui est celle du droit français depuis Aubry et Rau.

 

 

EIRL Auto Entrepreneur

 

 

Au-delà de ces considérations théoriques, la création de l’EIRL part d’un constat de relatif échec de l’EURL qui n’a pas rencontré le succès escompté. On retrouve donc le même enjeu dans l’EIRL, à savoir mettre le patrimoine personnel de l’entrepreneur à l’abri des risques créés par son activité professionnelle tout en préservant un minimum les intérêts des créanciers.

 

D’une part, il faudra convaincre les banques de ne pas demander systématiquement le cautionnement solidaire de l’entrepreneur individuel sur son patrimoine personnel, rendant ainsi la création d’un patrimoine d’affectation sans intérêt. Pour ce faire, le Gouvernement a réuni en février les principaux acteurs du cautionnement solidaire afin de fournir des garanties extérieures.

 

D’autre part, il faudra s’assurer que l’entrepreneur individuel ne soit pas placé dans une situation de totale impunité face à ses créanciers professionnels en cas de gestion désastreuse de son activité ou de fraude. C’est pourquoi la constitution du patrimoine d’affectation est strictement encadrée par le projet de loi (évaluation par un expert des biens affectés supérieurs à 30 000€, publication des immeubles affectés, etc), et une procédure permettra également aux créanciers, en cas de manœuvres frauduleuses ou d’inobservation grave et répétée de ses obligations par l’entrepreneur, de demander au juge de rétablir l’unicité du patrimoine.


 

Clément François

 

 

Pour en savoir plus

 

Le projet de loi 


 

 

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