Prévue pour le 1er janvier puis reportée au 1er juillet 2010, l’entrée en vigueur de la taxe carbone a finalement été suspendue, pour ne pas dire abandonnée, par le Chef de l’Etat le 24 mars 2010. Retour sur l’échec d’un dispositif clé de la fiscalité environnementale développée par le Grenelle de l’environnement.
Rentrée dans les lignes directrices du Grenelle de l’environnement en 2009, la taxe carbone a fait l’objet d’un projet baptisé « contribution climat-énergie ». Il s’agissait littéralement de donner un prix au carbone, cause majeure du réchauffement climatique, et de le taxer afin d’en réduire les émissions. La taxe était censée s’appliquer aux ménages et aux activités professionnelles, telles que l’industrie, la pêche, le transport, l’agriculture, à condition que ces activités ne soient pas déjà soumises au système d’échange de quotas d’émissions. A l’origine, la taxation avait été fixée à 17 euros la tonne de carbone, sachant qu’elle devait augmenter progressivement pour atteindre 100 euros la tonne en 2030. En tant que dispositif de la fiscalité environnementale, la taxe avait pour objectif de motiver et d’inciter ménages et entreprises à adopter un comportement plus soucieux de l’environnement: consommation plus « propre », développement et utilisation d’énergies non polluantes .
Quelles sont les raisons de l’abandon de la taxe carbone ?
Face à cet échec sur le plan national, peut on s’attendre à un projet similaire au niveau européen ?
La taxe carbone nationale enterrée
Le gouvernement a d’abord été coupé dans sa « course » lorsque le Conseil Constitutionnel, dans une décision du 29 décembre 2009, a rejeté le premier projet de loi. Dans ce dernier, une partie considérable des secteurs industriels était exemptée du paiement de la taxe, à tel point qu’au final les principaux contributeurs devenaient les ménages. Les Sages de la rue Montpensier ont souligné que le projet de loi était contraire à l’esprit de la Charte de l’environnement et qu’il créait « une rupture caractérisée devant les charges publics ».
Le deuxième projet a quant à lui été directement abandonné par le gouvernement aux motifs qu’une taxe carbone nationale reviendrait à « plomber » la compétitivité internationale des entreprises françaises.
Projet mort né pour certains, outil indispensable de la fiscalité environnementale pour d’autres, l’une des raisons de l’échec de la taxe carbone est sans doute son défaut de pédagogie. En effet, le manque d’explications sur les mécanismes de la taxe et l’empressement dont le gouvernement a fait preuve ont largement joué en défaveur de la taxe.
La nécessaire (r)évolution de la fiscalité en une écofiscalité est donc nettement ralentie. Cela avait pourtant bien démarré avec des dispositifs tels que le bonus-malus automobile ou encore la taxe générale sur les activités polluantes.
Par ailleurs, 7 pays européens sont déjà dotés d’une telle taxe ou d’un système équivalent et jusqu’à preuve du contraire cela n’a pas affecté leur économie…
Des perspectives au niveau européen ?
Lors du conseil européen des 25 et 26 mars, l’Union Européenne a réaffirmé sa volonté de tenir ses engagements pris à Copenhague et le Président de la Commission, en évoquant la taxe carbone, a déclaré que c’était « un sujet incontournable » auquel aucun pays n’était opposé. Il reste à savoir quand est ce que les membres de l’UE vont se pencher sur cette question et combien de temps faudra t-il pour qu’il y ai un accord (si accord il y a) ?
Enfin, il conviendra de préciser les termes et les mécanismes évoqués si l’on veut éviter le même revers connu en France. Ainsi, l’amélioration de la lisibilité du futur dispositif sera une condition sinequanon de sa survie. On parle actuellement de « taxe carbone aux frontières », mais, comme le souligne Arnaud Gossement, avocat en droit de l’environnement, quels mécanismes se cachent sous ces termes ?
Antoine Dufrane
Pour en savoir plus : |
Décision n° 2009-599 DC du 29 décembre 2009
|