La cour d’appel de Paris a jugé licite, le 27 novembre dernier, le licenciement de la salariée en raison du port du voile jugeant que ce licenciement n’était pas discriminatoire et ne portait pas atteinte à la liberté religieuse. Ce litige soulève la question de la possibilité pour un employeur d’interdire le port du voile au sein d’une structure privée. Tout l’enjeu de ce débat réside dans la confrontation de deux principes essentiels en droit français : la laïcité et la liberté religieuse. Retour sur la tumultueuse affaire dite « Baby Loup » dans laquelle juges du fond et juges de cassation ont des positions radicalement différentes.
Une salariée a été engagée en qualité d’éducatrice de jeunes enfants exerçant les fonctions de directrice adjointe de la crèche et halte-garderie gérée par l’association Baby Loup et a été licenciée le 19 décembre 2008 pour faute grave aux motifs notamment qu’elle avait contrevenu aux dispositions du règlement intérieur de l’association en portant un voile islamique.
Le conseil de Prud’hommes de Mantes la Jolie, dans un jugement rendu le 13 décembre 2010, a validé le licenciement et a jugé le règlement intérieur licite, notamment en ce qui concerne l’interdiction du port de signes religieux dans cet établissement pourtant privé dans la mesure où « l’association Baby-Loup est un établissement privé, mais a une activité de service public par l’activité d’une crèche et est financée à plus de 80% par des fonds publics ».
La cour d’appel de Versailles 27 octobre 2011 a rendu un arrêt confirmatif. Elle juge le licenciement fondé pour la raison suivante : les enfants accueillis, compte tenu de leur jeune âge, n’ont pas à être confrontés à des manifestations ostentatoires d’appartenance religieuse.
En mars dernier, la Cour de cassation (Soc, 19 mars 2013) avait censuré la décision de la cour d’appel en jugeant qu’une interdiction générale et absolue ne pouvait figurer dans le règlement intérieur de l’entreprise et n’était pas conforme au principe de liberté religieuse. Elle dispose ainsi : « La clause du règlement intérieur, instaurant une restriction générale et imprécise, ne répondait pas aux exigences de l’article L. 1321-3 du code du travail et que le licenciement, prononcé pour un motif discriminatoire, était nul ». L’affaire a donc été renvoyée devant une seconde Cour d’appel.
Ainsi, la cour d’appel de Paris a jugé, de 27 novembre 2013 que le licenciement était justifié. Les juges du fonds ont utilisé l’argument de « l’entreprise de conviction » qui permet à l’employeur d’instaurer en son sein une « obligation de neutralité ». On peut dès lors se demander si les juges du fonds souhaitent autoriser toute entreprise privée à interdire le port de signes religieux au sein de l’entreprise ou s’il s’agit d’une décision d’espèce en raison de la présence d’enfants dans l’établissement et du financement en majorité public de la crèche.
La demanderesse souhaite se pourvoir en cassation et a également exprimé le souhait d’une action devant la Cour Européenne des droits de l’homme.
Cette décision, très attendue, devrait fixer le principe, aujourd’hui incertain, de l’autorisation ou non d’interdire le port du voile ou tout autre signe religieux au sein d’entreprises privées.
Evane Pereira-Engel M1 IUP juriste d’entreprise d’Evry