La crise économique n’aura jamais eu un effet aussi florissant sur l’entrepreneuriat français. Depuis plusieurs années on découvre ces entrepreneurs surfant sur la vague du numérique pour tenter de prouver que la morosité économique n’est qu’un concept. En 2014, 550 700 entreprises ont été créées en France. La moitié d’entre elles était d’ailleurs rattachée au statut d’auto-entrepreneur.
De l’autre côté du rideau, la crise économique fait également beaucoup de victimes. La vague du numérique se révèle être un tsunami pour bon nombre d’entreprises vieillissantes qui ont du mal à prendre ce virage brutal. Comme l’a si bien exprimé Maurice Levy, patron de Publicis, aujourd’hui « tout le monde a peur de se faire Uberiser ». Le besoin de novation et la révision du business model sont des problématiques quotidiennes des entreprises.
Pour répondre à ce besoin croissant, les cabinets spécialisés en turnaround (= retournement) d’entreprise sont de plus en plus nombreux. Notre rencontre avec Michel Rességuier qui dirige le cabinet Prospheres, dédié au management de la transformation des entreprises, nous amène à découvrir un peu plus de l’univers de ces sauveurs d’entreprises.
Etape 1 : Le problème tu constateras
Il est évident que la démarche d’appeler des professionnels du retournement n’est pas aisée pour les entreprises. L’échec est toujours difficile à admettre pour les personnes à la tête d’une entreprise. Dans de nombreux cas, le mal est caché dans un espoir de redressement en interne. Parfois, l’entreprise renoue avec les bénéfices avant même que les actionnaires aient pu constater une baisse d’activité. Dans les cas où Michel Rességuier et son équipe sont appelés, c’est plutôt l’inverse. Les actionnaires ayant constaté une carence de performance font appel à leur expertise en leur demandant de prendre la direction de l’entreprise pour une durée indéterminée (généralement douze mois) afin d’accompagner l’entreprise.
Le dirigeant initial quitte parfois ses fonctions, s’il ne supporte pas de ne pas être omniscient. Certains retrouvent l’intégralité de leurs prérogatives suite au redressement.
Notons tout de même que l’accompagnement de l’entreprise se fait de diverses façons puisqu’après une identification des problèmes, la nouvelle équipe dirigeante doit dresser son diagnostic et donc annoncer le passage dans la phase de redressement. Dans des cas extrêmes de mutation technologique profonde, les experts prodiguent à leur manière des soins palliatifs pour accompagner la société dans ses dernières années et accompagner les équipes vers de nouveaux horizons.
Etape 2 : La trésorerie tu analyseras
Le premier indicateur de la mauvaise santé d’une entreprise est sa trésorerie. C’est pourquoi un profond audit des dépenses et recettes doit être effectué.
Mais il faut aussi comprendre la formation du résultat. Beaucoup de charges sont assimilées comme fixes par les entreprises alors que ce concept est simplificateur et donc trompeur. L’audit doit permettre de mettre en avant une comptabilité analytique précise. Il faut analyser les produits déficitaires afin de croiser les informations par client, produit et machine. A titre d’exemple la société Labosi qui a missionné le cabinet Prospheres il y a quelques années avait pour habitude d’acheter des fournitures de laboratoire en grande quantité. Ces fournitures étaient ensuite repackagées en quantité moindre pour satisfaire les besoins des clients. Ce qui semblait être une économie d’échelle devenait déficitaire une fois qu’on ajoutait le coût de la manutention due au repackaging. Les ventes augmentaient certes mais la marge se réduisait également fortement.
Lorsqu’on analyse une comptabilité, tous les postes dits de charges fixes (où est par exemple inclus le coût salarial) doivent également être remis en cause. Puisque le Président est rémunéré par la société, il doit contribuer à ses revenus. Comment cette contribution s’organise-t-elle ? Etc.
Etapes 3 : L’activité tu pérenniseras et réinventeras
Pérenniser une activité ne peut se faire sans le soutien des salariés de l’entreprise. À ce stade, Michel Rességuier estime que les alliés les plus importants du retournement sont ceux appartenant au middle management. En plus de connaître les rouages de leur entreprise parfaitement, ils sont particulièrement ouverts au changement.
Une fois l’analyse de trésorerie effectuée, les nouveaux dirigeants s’activent pour pacifier les relations avec Bercy et négocier de nouveaux délais auprès des banques. Forcer le remboursement immédiat des créanciers assure souvent la disparition quasi immédiate de toute activité pour la société débitrice.
Etape 4 : Le chamboulement des habitudes
Lorsqu’une société entre en phase de transformation, les habitudes sont détricotées. Dans un plan de retournement, Michel Rességuier préconise de revisiter le sens et la façon d’incarner la hiérarchie telle qu’ils étaient conçus. Désormais, tous les salariés ont les clés du changement et ses acteurs peuvent changer toute l’organisation. La condition du succès reste que tout le monde s’active à la bonne réussite du projet. À titre d’exemple, si la stratégie adoptée est celle de dégager du stock pour faire augmenter rapidement la trésorerie de la société, l’équipe commerciale doit être au plus près du projet puisque la réussite dépendra aussi de la capacité à ne pas livrer les clients avec retard. En donnant une mission de sens et de soutien aux hiérarchies préexistantes, un travail important de responsabilisation des salariés est à effectuer.
Laura Lizé