Dans une décision retentissante du 31 mars 2010, le Conseil d’Etat juge qu’un commissionnaire ne peut constituer un établissement stable de son commettant étranger, sauf dysfonctionnement du contrat de commission, rejetant ainsi la thèse de l’administration fiscale.
Par un arrêt du 2 février 2007, la Cour administrative d’appel de Paris fit droit aux allégations de l’administration, reconnaissant que le commissionnaire de l’espèce était un agent dépendant du commettant qui disposait de la capacité d’engager celui-ci.
Très contestée, cette décision conduisait à s’interroger sur la nature du contrat de commission, mais également sur son appréhension par les conventions fiscales internationales.
Le Conseil d’Etat trancha, se référant à une définition établie de longue date, en précisant que constitue un établissement stable la personne placée dans la dépendance d’une société, « qui exerce habituellement en France des pouvoirs lui permettant d’engager cette société dans une relation commerciale ayant trait aux opérations constituant les activités propres de cette société ».
Si la dépendance de l’agent commissionnaire n’a jamais été mise en doute, il en allait différemment de la question de son pouvoir d’engagement. Le contrat de commission que les civilistes qualifient de « représentation imparfaite » conduit le commissionnaire à agir pour le compte d’autrui, mais en son nom propre1. Cette incapacité du commissionnaire à conclure des actes au nom de son commettant et l’absence d’engagement de ce dernier par les actes du commissionnaire vis-à-vis des tiers ont mené le juge fiscal à conclure à l’absence d’un établissement stable.
Aux termes de l’arrêt commenté, est posé le principe selon lequel le commissionnaire n’est pas un établissement stable d’une société étrangère, la Haute Assemblée réservant l’exception d’un mauvais fonctionnement du contrat de commission. Ainsi, dès lors que le commettant se trouverait personnellement engagé par les contrats conclus avec des tiers par son commissionnaire, ce dernier devrait être regardé comme son représentant, dès lors constitutif d’un établissement stable.
Mais cette solution s’imposait elle forcément? On observera que si le Conseil d’Etat se réfère à la Convention fiscale franco-britannique2, il passe sous silence l’argumentaire de l’administration fondé sur l’article 5 de la Convention OCDE et les commentaires s’y rapportant3. Rappelons que ces commentaires ont force de doctrine et que le juge peut librement s’y référer dans le cadre de ses décisions. On notera qu’au titre de ses commentaires, l’OCDE ne restreint pas la définition de l’établissement stable à des agents concluant des contrats au nom et pour le compte de la société qu’ils représentent. De sorte qu’un intermédiaire opaque, tel le commissionnaire, pourrait légitimement être qualifié d’établissement stable au sens de cette convention modèle. Si bien sûr le juge fiscal ne saurait être lié par ses commentaires, il n’en demeure pas moins que la remarque est révélatrice d’un point : il ne peut être tracé de frontières strictes en matière de représentation.
Cet arrêt dont la saveur libérale semble déjà appréciée par la doctrine et les praticiens ne saurait présenter un caractère absolu. S’il apparaît que le statut du commissionnaire a été largement délesté du poids d’une appréhension systématique en qualité d’établissement stable, plane toujours le risque de la requalification en cas de dysfonctionnement du contrat de commission. Le recours au commissionnaire doit donc être apprécié avec ménagement.
Alexandre Balat
Notes |
[1] Article L 132-1 du Code de commerce.
[2] Voir article 4§4 de la Convention franco-britannique du 22 mai 1968.
[3] Voir les commentaires de l’article 5 de la Convention fiscale OCDE (paragraphe 32-1). |
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Commentaires de Mme Julie Burguburu
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