Avant que la vraie réforme des lois bioéthiques ne débute, le Sénat a rendu des conclusions favorables sur la pratique dite des “mères-porteuses“ dans un rapport d’information du 25 juin 2008.
Le mécanisme de mère porteuse, qualifié juridiquement de gestation pour autrui (GPA), consiste pour une femme à porter l’enfant de quelqu’un d’autre en mettant à disposition son utérus, mais sans fournir de contribution génétique (c’est-à-dire sans utiliser son ovule). À la naissance de l’enfant, elle remet l’enfant à la mère génétique.
Autorisée notamment aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Belgique, cette pratique est prohibée en France depuis un arrêt de l’assemblée plénière de la Cour de cassation de 1991. Les lois bioéthiques de 1994 ont confirmé cette interdiction: l’article 16-7 du Code civil dispose ainsi que « toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour compte d’autrui est nulle ». Le fondement de cette règle d’ordre public est l’indisponibilité du corps humain.
Cependant, le recours illégal aux mères porteuses existe en France. Des enquêtes d’opinions montrent que 53% des français sont favorables à la légalisation de cette pratique (enquête 2007 de l’agence biomédecine). De plus, la Cour d’appel de Paris, au mois d’octobre 2007, a bravé le tabou que constitue cette pratique en validant la transcription sur les registres de l’état civil français des actes de naissance américains de jumelles nées en Californie d’une mère porteuse.
Un rapport d’information du 25 juin 2008, propose de revenir sur la prohibition du contrat de mère porteuse, mais de manière restrictive :
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- Instauration d’un cadre légal non contractuel : agrément d’une commission de l’agence de biomédecine, décision du juge judiciaire, et réglementation très précise. La gestatrice aurait trois jours après la naissance de l’enfant pour revenir sur son choix initial, et ainsi garder l’enfant.
- Conditions tenant aux bénéficiaires : seulement des couples de sexes différents, mariés ou en cohabitation depuis plus de deux ans, en âge de procréer, la femme devant être dans l’impossibilité de procréer.
- Conditions tenant à la gestatrice : avoir déjà eu au moins un enfant, et maximum de deux grossesse pour le compte d’autrui. Interdiction pour une mère de porter un enfant pour le compte de sa fille.
- Absence de rémunération : mais « dédommagement raisonnable ».
S’oriente-t-on donc vers une légalisation des mères porteuses en France? Les propositions énoncées n’engagent que le groupe de travail du Sénat, et d’autres avis doivent être recueillis prochainement, notamment ceux du Conseil d’État, du Comité d’éthique ou de l’Académie de Médecine. Les propositions et avis auront vocation à alimenter le débat en vue de la révision des lois bioéthiques en 2010.
Cette potentielle légalisation des mères porteuses en France conduit à s’interroger sur de nombreux enjeux juridiques: par exemple, aura-t-elle pour effet de remettre en cause le principe d’indisponibilité du corps humain, principe pourtant d‘ordre public?
Eugénie Néau
Pour en savoir plus : |
Senat.fr, rubrique rapport d’information (ici). Arrêt de la cour d’appel de Paris, 1ère chambre civile, 25 octobre 2007 C. Sauvat : “la fin annoncée de l’illicéité des conventions mères porteuses ?“ RDC 2008 n°49. La note est longue mais très complète et claire. |