« De quoi l’accuse-t-on si ce n’est d’avoir été Roi ? » demandait le valeureux candidat à la défense de Louis XVI à l’Assemblée constituante appelée à juger le dernier monarque de l’Ancien régime.
La Fédération francophone de débats et Révolte-toi Sciences Po, Sorbonne et Assas organisaient, en effet, le procès de Louis XVI le 9 avril 2014. Le public de la Salle des criées du Palais de justice incarnait, le temps de cet événement national, la représentation populaire autour d’un jury présidé par Valéry Giscard-d’Estaing. En 2014, l’Assemblée a-t-elle confirmé le verdict de 1793 ?
Le Président ouvrait les débats en rappelant les vertus de l’éloquence moderne, qui dépasse aujourd’hui, selon lui, l’éloquence de l’écriture.
Une fois les chefs d’inculpation rappelés par le citoyen instructeur à celui qui est désormais nommé Louis Capet (tentative de dissolution de l’assemblée représentative, envoi de troupes lors de la prise de la Bastille, refus de contresigner les lois du 4 août et la DDHC, fuite à Varennes, massacre du Champ de Mars…), l’accusé se défend de toute responsabilité. Il met en garde son auditoire encore très chrétien à l’époque : quel poids la souveraineté populaire a-t-telle face à la souveraineté divine ?
C’est ensuite au tour des témoins de répondre aux questions de l’instruction : un général, une femme de chambre et le ministre Necker sont incarnés par des organisateurs. Necker de défendre son bilan en tant que ministre des Finances, accusant « l’Autrichienne d’avoir vidé les bourses royales » (sic).
Sur cette note d’humour, à la défense du citoyen Capet se trouvent deux citoyens candidats et Me Sanjay Mirabeau, ancien secrétaire. Il s’agit d’un « malentendu fondamental » pour le premier orateur: en effet, les chefs d’inculpation sont infondés (pas de loi en vigueur à l’époque des faits, etc.). Maestracci à la barre, on s’y croirait. La voix portait dans toute l’Assemblée, la diction était trop parfaite pour un orateur de notre temps, le discours était mordant, prenant, plaisant.
A l’accusation, on faisait encore l’apologie de la Révolution. On ne se défendait pas de se tromper de procès : « Le peuple français s’est levé comme un seul homme et veut votre mort, Louis. Nous sommes là pour vous voir mourir. » Le discours est bien plus politique que juridique, plus improvisé aussi. Les candidats n’hésitent pas à se déplacer au centre de la Salle pour toucher la sensibilité de la représentation populaire.
Le second orateur à la défense, quant à lui, a aussi fait preuve de talent verbal tout en maîtrisant le sujet de sa plaidoirie, la seconde phase du procès de rupture engagée par son camarade orateur : le refus de reconnaître la légitimité du tribunal. « Je ne vois pas un tribunal mais un peloton d’exécution. Je ne vois pas un accusé, mais la victime d’une histoire déjà écrite. »
A l’accusation, le second orateur reprend la même technique d’approche et la même position de son prédécesseur : « Qui a dit que c’était un procès ? Nous sommes là pour tuer le roi ». Et, nous faisant miroiter le danger : « Pour tuer l’espoir des puissances étrangères de réinstaurer la monarchie capétienne. »
Pour l’exil se lève un dernier citoyen candidat : « Que le roi meurt, mais que vive le citoyen Capet. » Sa plaidoirie est soutenue par Me Gilbert Collard dans un discours éloquent, même émouvant.
C’est toutefois la défense de Louis Capet qui remporte l’adhésion de la majorité de la Constituante au moment du vote. En 2014, Louis XVI est donc sauvé. Peut-être l’anachronisme excellemment maîtrisé de Me Mirabeau aura-t-il convaincu : « L’assassinat de Louis est un danger pour la République… Elle sera fragile. Peut-être nous mènera-t-elle vers une IIème République, puis une IIIème, puis une IVème ? Qui sait, peut-être même vers une Vème dont la Constitution sera rédigée par un militaire, voire une VIème initiée par un ancien secrétaire ?! »
Sur les performances, le jury bien composé aura majoritairement félicité les valeureux candidats qui ont évité les écueils des procès historiques, notamment la récitation de l’histoire et la difficulté de se défaire du précédent. Ils auront aussi réussi à allier comme il le fallait les discours juridiques et politiques requis dans un tel contexte.
C’est le citoyen Mattéo Maestracci, à la défense, qui sera récompensé pour sa performance qui, il est vrai, fût excellente à tous les niveaux : il a changé l’Histoire !
Retranscription par Antonin Péchard