Par un arrêt de la 1ère chambre civile du 28 octobre 2010, la Cour de cassation a précisé la teneur et le régime de preuve de l’obligation de conseil à la charge du vendeur professionnel.
Les faits de l’espèce sont relativement simples : une entreprise vend à des particuliers des lots de carrelage, que ceux-ci posent autour de leur piscine. Le carrelage, en terre cuite, se désagrège au contact de l’eau de la piscine qui est soumise à un traitement particulier. Les acquéreurs assignent l’entreprise (et son assureur) en réparation du préjudice subi.
La Cour d’appel rejette leur demande au motif que s’il appartient au vendeur professionnel de fournir certaines informations à son client et de le conseiller, il appartient également à ce dernier d’informer son vendeur de l’emploi qui sera fait de la marchandise commandée, ce qui n’était pas prouvé en l’espèce. La Cour de cassation, par cet arrêt du 28 octobre 2010 casse l’arrêt d’appel aux visas des articles 1147 et 1315 du Code civil, au motif qu’ « il incombe au vendeur professionnel de prouver qu’il s’est acquitté de l’obligation de conseil lui imposant de se renseigner sur les besoins de l’acheteur afin d’être en mesure de l’informer quant à l’adéquation de la chose proposée à l‘utilisation qui en est prévue ».
Si une obligation de conseil avait déjà été reconnue par la Cour de cassation à la charge des vendeurs professionnels (Civ. 1ère, 30 mai 2006, Bull. civ. I n° 280 concernant l’installation d’un système de climatisation) il s’agissait principalement de ventes de matériels techniques à un acheteur non compétent en la matière. L’obligation s’impose-t-elle également envers les acheteurs professionnels ? Au regard de la jurisprudence, il semblerait que la réponse soit négative (Civ. 1ère, 3 juin 1998, Bull. Civ. I n° 198), ou du moins l’obligation de conseil atténuée (Civ. 1ère 28 nov. 2000, D.2002, Somm. 1003).
Bien que les termes obligation de « conseil », d’ « information » ou de « renseignement » soient employés par la Cour et que la frontière entre ces notions soit ténue, il y a toutefois une nuance, l’obligation de conseil exigeant davantage que la simple information. C’est ce que la Cour est venue préciser dans cet arrêt : l’obligation de conseil incombant aux vendeurs professionnels leur impose au préalable de se renseigner sur les besoins de l’acheteur, le terme « besoins » demeurant assez vague et permettant ainsi une interprétation large. On peut en déduire une obligation d’information dans le cas où la chose ne serait pas en adéquation avec l’utilisation prévue (voir en ce sens Civ. 1ère 30 mai 2006 préc.), bien qu’elle ne soit pas exprimée explicitement. Il s’agit en réalité d’un devoir de déconseiller une opération inadéquate. Par ailleurs il semble que « l’utilisation qui en est prévue » doive s’entendre de manière subjective, c’est-à-dire l’utilisation prévue par l’acheteur en question (d’où l’obligation de se renseigner sur ses besoins).
Ainsi, la Cour de cassation a renversé la charge de la preuve en estimant qu’il appartient au vendeur de démontrer qu’il s’est acquitté de son obligation (comme elle a déjà pu le juger concernant l’obligation de renseignement, Civ 1ère, 15 mai 2002, Bull. civ. I n°132), il est en effet difficile de prouver un fait négatif.
L’obligation de conseil réaffirmée par la Cour de cassation peut paraître contestable car elle est source d’insécurité juridique puisqu’imposée avant et hors le contrat lui-même. Elle peut aussi être jugée trop sévère envers les vendeurs professionnels. Toutefois la règle posée répond à une mission de rééquilibrage des contrats à laquelle se livre le juge, qui s’inscrit dans la logique d’une protection plus grande des intérêts du consommateur, souvent peu ou mal informé, face au vendeur professionnel.
Blanche Balian
Pour en savoir plus
Civ 1ère, 28 octobre 2010, F-P+B+I, n° 09-16913
Dalloz : obs. X. Delpech, 5 novembre 2010
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