A l’image du mouvement des « pigeons », au début du mois d’octobre 2014, un collectif d’artisans, de commerçants, de petits patrons, dénommé le mouvement des « libérés », faisait front pour contester le fondement légal qui leur impose de s’affilier au RSI.
Aujourd’hui, c’est au tour des juges du fond, par l’intermédiaire de deux décisions du mois d’octobre et de décembre 2014, de remettre en cause indirectement la qualification constitutionnelle de protection sociale du RSI, ciment de la pérennité de sa mission de service public.
Depuis sa création en 2006, le RSI est sous le feu des critiques, ses affiliés dénonçant des dysfonctionnements incessants et le coût très important de leurs cotisations. Poussé par le nombre exponentiel de défaillances de TPE-PME et de suicides de chefs d’entreprises mis en exergue par le Vice-Président du MEDEF, Geoffroy Roux de Bézieux [1], la question d’alternatives au RSI se pose très sérieusement depuis quelques mois.
I/ La question du RSI : un intérêt national
Pour les autorités nationales, le RSI est l’arbre qui cache la forêt. En effet, la libéralisation du RSI permettrait aux indépendants de se tourner vers des régimes étrangers par capitalisation moins onéreux. Cette initiative de certains indépendants tend indirectement à remettre en cause le système social français reposant sur le principe de solidarité nationale, prévu par l’article L.111-1 du Code de la Sécurité Sociale, protégé par le préambule de la constitution de 1946.
Sollicitée, la Cour de Justice des Communautés Européennes a précisé à plusieurs reprises, notamment par l’arrêt de 1993 Poucet et Pistre [2], que le principe de libre concurrence soulevé par le mouvement des « libérés », ne s’applique qu’aux assurances privées. Dès lors selon la jurisprudence communautaire, les Etats Membres sont pleinement souverains pour organiser leur système de protection sociale. Ainsi, la France est fondée à imposer l’affiliation obligatoire à un ou plusieurs régimes de protection sociale, dont le RSI.
II/ la remise en cause du socle légal du RSI
Ces derniers mois, le débat autour du RSI a pris une nouvelle tournure sous l’égide des juges du fond.
Le 20 octobre 2014, un arrêt de la Cour d’Appel de Limoges [3] est venu remettre en cause l’intérêt à agir du RSI dans une procédure de recouvrement de cotisations d’un indépendant s’étant désaffilié au régime. Les juges de la Cour d’Appel imposaient au RSI de s’immatriculer au registre des mutuelles, inscription que refuse catégoriquement la caisse des indépendants. Une telle immatriculation aurait pour conséquence de ne pas reconnaitre le singularisme du RSI et sa qualification légale d’organisme de Sécurité Sociale, le rabaissant à un simple organisme social privé.
On aurait pu croire cet arrêt marginal, sorte d’extravagance de la Cour d’Appel, cependant il sert de fondement à un jugement récent du Tribunal de Grande Instance de Nice, du 11 décembre dernier, l’analysant à son tour comme un organisme de mutuelle.
Il ne faut cependant pas tirer de conclusions hâtives, ces décisions n’ayant pas été confirmées par la Cour de Cassation qui va se réunir très prochainement sur cette question [4].
III/ Le RSI dans une impasse ?
On peut constater la vive émotion et division que soulève le sujet. Le RSI se trouvant d’autant plus à l’heure actuelle dans une situation de blocage.
Soit le RSI oppose son statut de régime légal et ne s’immatricule pas au registre des mutuelles et dès lors la jurisprudence actuelle ne lui reconnaitra aucun intérêt à agir. Le RSI sera alors dans l’impossibilité de demander le recouvrement des cotisations des indépendants qui se sont désaffiliés. Les désaffiliés auront entreprit une démarche illégale, mais ne seront jamais inquiétés.
Soit le RSI s’immatricule au registre des mutuelles, ce qui aura de jure pour conséquence de lui opposer le droit européen des assurances et de la concurrence, permettant aux indépendants de se désaffilier et de choisir un régime privé en toute légalité.
L’intervention de la Cour de Cassation ou du législateur aura donc une importance primordiale pour sauvegarder le RSI ou réfléchir à sa mutation.
Antoine Triffault Moreau
Notes :
[1] Propos recueilli le 7 novembre 2014 sur BFM Business
[2] CJCE, 17 février 1993, Poucet et Pistre
http://eur-lex.europa.eu/legal content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:61991CJ0159&from=FR
[3] CA, 20 octobre 2014, n°13/00341
[4] Le RSI a annoncé son intention de se pourvoir en cassation contre la décision de la CA de Limoges du 20 octobre 2014 précédemment mentionnée.
En savoir plus :
Article L.111-1 Code de la Sécurité Sociale
Article L.111-2-1 Code de la Sécurité Sociale
Article L.111-2-2 Code de la Sécurité Sociale
Article 153 Traité sur l’Union Européenne