L’organisation d’un référendum sur l’appartenance du Royaume-Uni à l’Union Européenne était l’enjeu majeur des dernières élections législatives britanniques pour les observateurs internationaux.
Le premier ministre sortant avait en effet annoncé l’organisation d’un référendum sur l’appartenance du Royaume-Uni à l’Union Européenne en cas de victoire de son parti.
Dès le soir de sa réélection, celui-ci a confirmé l’organisation d’ici fin 2017 d’un référendum proposant aux électeurs britanniques de se prononcer sur l’appartenance ou non de leur pays à l’Union Européenne.
Le projet de référendum devrait être précisé dans le discours de politique générale du nouveau gouvernement du 27 mai 2015.
Ce qui n’était hier que discussion est aujourd’hui proche réalité : un Etat membre pourrait se retirer de l’Union Européenne.
Le Traité de Lisbonne entrouvrait certes déjà cette possibilité en 2009 en introduisant en son article 50 l’opportunité, toute théorique alors, pour un Etat membre de « décider, conformément à ses règles constitutionnelles, de se retirer de l’Union ».
Selon les termes de l’article 50 du Traité sur l’Union Européenne (TUE), si le Royaume-Uni décidait de se retirer de l’Union Européenne, il devrait en notifier son intention au Conseil européen. Une phase de négociation s’ouvrirait alors pour établir un plan de sortie prévoyant notamment la date à partir de laquelle les Traités de l’UE cesseront de s’appliquer au sein de cet Etat.
A défaut d’accord, les traités cesseraient de s’appliquer à l’Etat membre deux ans à compter de la date de notification de son intention de se retirer de l’Union.
Pour l’Union Européenne, ce référendum pose trois enjeux importants
Tout d’abord, c’est l’enjeu des effets de la sortie d’un Etat membre de l’Union Européenne. Le Royaume-Uni n’est certes pas membre de la zone euro, ni de l’espace Schengen, mais sa sortie de l’Union européenne aurait tout de même des conséquences directes.
Sans aller jusqu’à l’obligation de détention d’un visa, les conditions de séjour pour les ressortissants de l’UE seraient plus contraignantes. En outre, une sortie de l’UE signifierait la fin du programme d’échange Erasmus avec le Royaume-Uni ou encore la fin de la juridiction de la Cour de Justice de l’Union Européenne au Royaume-Uni.
Enfin, des pans entiers des politiques publiques sont de la compétence exclusive de l’Union européenne et devraient être (re)transférés au Royaume-Uni : l’Union douanière, la régulation de la concurrence, l’ensemble de la politique commerciale extérieure (y compris la représentation à l’OMC), la conclusion de certains traités internationaux…
Ensuite, une conséquence probable du référendum sur l’appartenance du Royaume-Uni à l’Union Européenne serait un nouveau référendum sur l’appartenance de l’Ecosse au Royaume-Uni. Les Ecossais sont en effet très favorables à l’Union Européenne[1] et pourraient préférer rester au sein de l’Union Européenne plutôt qu’au sein du Royaume-Uni.
Dans une telle hypothèse, une Ecosse indépendante devrait procéder à une nouvelle demande d’adhésion. L’article 50 TUE prévoit qu’un Etat qui se retire de l’UE peut effectuer une nouvelle demande d’adhésion selon la procédure classique prévue à l’article 49 TUE, ainsi l’Ecosse pourrait faire une demande si celle-ci devenait un Etat souverain.
Beaucoup de questions juridiques restent cependant en suspens sur la continuité juridique du droit de l’UE sur le territoire écossais au cours de la période entre sa sortie de l’UE (soit par la sortie de l’Ecosse du Royaume-Uni, soit par la sortie du Royaume-Uni de l’UE) et son adhésion à l’UE.
Une telle adhésion ne serait en outre pas acquise. L’adhésion d’un nouvel Etat européen à l’Union nécessite l’accord de l’ensemble des Etats membres[2] et il n’est pas certain que tous les Etats membres acceptent qu’une région ayant acquise son indépendance puisse appartenir à l’Union.
Une telle acceptation pourrait en effet ouvrir la voie à l’indépendance d’autres régions européennes aujourd’hui intégrées à des Etats membres.
Enfin, la sortie d’un Etat membre de l’Union marquerait un tournant majeur dans la construction européenne.
Le projet européen s’est construit sur une intégration progressive des Etats européens afin d’assurer la paix, la liberté, la démocratie, la tolérance, la justice et le progrès économique et social au profit des peuples[3].
Ce projet a connu des blocages et des crises, mais des solutions ont toujours été trouvées au travers des différents mécanismes mis en place par les traités successifs.
La sortie d’un Etat membre symboliserait l’échec du projet européen en vue d’atteindre ses objectifs de manière commune. Le projet européen ne serait ainsi plus la construction d’une « communauté européenne », mais une coopération précaire d’intérêts nationaux qui aurait vocation à se délier selon la conjoncture au sein de tel ou tel Etat.
Au contraire, l’expression de la volonté d’un Etat membre de demeurer au sein de l’Union Européenne pourrait constituer une impulsion renouvelée pour la construction européenne et permettre d’écrire une nouvelle page du projet européen.
Nathan BLATZ
[1] Voir par exemple le sondage du 2 novembre 2014 publié par The Herald : 57% des Ecossais voteraient pour rester dans l’UE, contre 37% pour de l’ensemble des Britanniques
[2] Article 49 TUE
[3] Article 2 et 3 TUE