La commission de réflexion sur la justice pénale, présidée par Philippe Léger, créée en octobre 2008, a rendu son rapport consacrant de nombreuses évolutions de la Procédure pénale. Après les pré-rapports rendus en mars dernier, la lecture du rapport définitif consacre des avancées importantes, dont la suppression du juge d’instruction. Retour sur les apports principaux du rapport « Léger ».
La suppression annoncée du juge d’instruction
La première proposition de ce rapport consiste en la suppression du juge d’instruction, héritage de notre tradition républicaine mais aussi largement décrié, du fait de sa « double- casquette » de magistrat et d’enquêteur.
A la place serait créé un juge de l’enquête et des libertés, investi exclusivement de fonctions juridictionnelles. Qui dirigera alors l’enquête ? La réponse se trouve dans ce que le rapport nomme le cadre unique d’enquête : Le procureur de la République, qui mène déjà aujourd’hui la plupart des enquêtes se verrait ainsi confier le rôle systématique de directeur d’enquête, tout en demeurant partie au procès en tant qu’autorité de poursuite.
La commission propose également que l’audience débute par un exposé du ministère public. Cet important transfert de pouvoirs pose évidemment la question légitime des contrepoids à instaurer.
Sur ce point, la commission précise qu’elle n’envisage pas d’instaurer un système de légalité des poursuites, ni même de modifier le statut actuel des magistrats du parquet.
A cet égard, une décision de la Cour Européenne des Droits de l’homme, déclarant que le Procureur n’est « pas une autorité judiciaire » (CEDH, 10 juillet 2008, MEDVEDYEV c/ France – cf. Article du Petit Juriste sur le site internet) ne fait que rendre aujourd’hui plus pressante la nécessité d’une réforme du statut du parquet avant de pouvoir lui confier de tels pouvoirs (puisque le parquet dépend du ministère de la Justice et donc du pouvoir exécutif, ce qui ne garantit pas son indépendance). Ainsi, le contrepoids prévu à l’extension des pouvoirs du parquet réside en la personne du juge de l’enquête et des libertés, qui serait chargé uniquement du contrôle de l’enquête mais avec à sa disposition des pouvoirs importants pour remplir ce rôle (avis obligatoire pour certains actes intrusifs et/ou coercitifs, tels que les écoutes téléphoniques…).
Cependant, certaines voix dénoncent les défauts du fait que ce nouveau juge de l’enquête et des libertés se verrait finalement attribuer, tout comme l’actuel juge d’instruction, un cumul de pouvoirs juridictionnels et de pouvoirs d’enquête. D’autres considèrent que les avancées sont réelles et que le juge de l’enquête sera un réel contrepoids au pouvoir du parquet.
D’autres propositions importantes
Concernant la phase préparatoire, le rapport propose une réforme de la garde à vue, proposant notamment l’interdiction du placement en garde à vue d’une personne soupçonnée de faits pour lesquels une peine d’emprisonnement inférieure à un an est encourue, ainsi que la création d’une retenue judiciaire d’une durée de six heures, inspirée du modèle hollandais.
Présentée comme un contrepoids supplémentaire, la suppression du secret de l’enquête et de l’instruction serait toutefois atténuée par le maintien du secret professionnel et des sanctions qui s’y attachent à l’égard des personnes qui concourent à la procédure.
Au sujet de la phase décisoire, le comité préconise une modernisation de la Cour d’assise tenant notamment à l’obligation de motiver les arrêts.
Au niveau de la phase exécutoire, l’obligation de dresser des bilans de l’application des peines dans les deux ans constitue une proposition de modification du Code pénal.
Les critiques sont nombreuses, portant principalement sur le nouveau rôle du procureur. Il est notamment question de savoir comment seraient poursuivies les affaires mêlant pouvoir économique et pouvoir politique.
La question déchaîne les passions, à l’heure ou le rapport Léger pourrait inspirer la chancellerie pour un projet de loi.