Nous avions laissé la loi HADOPI à son dernier chapitre : la censure par le Conseil constitutionnel des principaux dispositifs du texte (voir notre précédent article). C’était le 10 juin dernier. La loi a cependant été promulguée dans ses dispositions conformes à la Constitution. A donc été créée une Autorité Administrative Indépendante, l’HADOPI, sans aucun moyen de contrôle sur les téléchargements illégaux. Le mercredi 8 juillet, le second volet de la loi, déjà baptisé HADOPI 2, a été adopté par le Sénat, 199 voix contre 142. Mais que nous dis ce nouveau projet de loi ?
Il faut tout d’abord remarquer le changement de sémantique opéré par le texte qui intervient dés son titre. Si la loi HADOPI est connue comme « favorisant la diffusion et la protection de la création sur Internet », le projet de loi HADOPI 2 est « relatif à la protection pénale de la propriété littéraire et artistique sur internet ». Il est difficile de porter un véritable jugement sur ce changement. En effet, si l’intitulé parait bien plus sévère et répressif, la cause en est tout simplement que c’est le dispositif répressif (censuré) de HADOPI 1 qui est remodelé dans HADOPI 2. Le terme de « protection pénale » s’expliquant tout simplement par le recours au juge.
On observe également que le Premier ministre et le ministre de la justice sont tous deux signataires du projet de loi. Plusieurs sénateurs se sont d’ailleurs interrogés sur le fait de savoir pourquoi ce texte est présenté par le ministre de la justice, alors qu’il est passé en commission des affaires culturelles, et qu’il est sensé être la suite, ou plutôt la réécriture, d’une loi auparavant soutenue par le ministère de la culture. On peut tout simplement arguer du fait que ce texte de loi a vocation à régir le versant pénal de la loi HADOPI, et que dés lors, il est logique que ce soit le ministère de la justice qui l’ai pris en charge. Cela dit, il aurait été plus logique dés lors de le faire examiner par une autre commission, comme par exemple la commission des lois.
La référence à l’article 39 de la Constitution s’explique par le fait que ce soit cet article qui détermine les conditions d’exercice de l’initiative de la loi.
Ces quelques remarques énoncées, attachons nous maintenant au texte. Pour toujours coller plus au contenu du projet de loi, il sera reproduit dans cet article.
Contenu du projet de loi
Les pouvoirs conférés aux membres de l’HADOPI
L’accélération des procédures juridictionnelles
La décision du Conseil constitutionnel du 10 juin 2009 empêchait l’HADOPI de pouvoir couper elle-même l’accès internet. Le troisième article du projet de loi permet au juge, grâce à une modification du code de la propriété intellectuelle, de prononcer lui-même cette coupure de l’accès pour une période pouvant aller jusqu’à un an. Il est de plus interdit pour l’internaute sanctionné de conclure un autre contrat de fourniture d’accès internet durant la période de sa suspension. Une amende est prévue, pouvant aller jusqu’à 300 000 euros, ainsi qu’une peine pouvant aller jusqu’à deux ans d’emprisonnement, afin de réprimer le délit de contrefaçon. La procédure de coupure internet devrait ainsi s’effectuer sous 15 jours.
Le fait de ne pas surveiller son accès internet est devenu un délit de « négligence caractérisée »,
Enfin, si un internaute viole son interdiction d’accéder à internet, l’article 4 prévoit un système de répression. C’est en fait un simple renvoi à une disposition qui régit plusieurs cas d’infractions, comme celles relatives aux excès de vitesse. Ce fait serait puni de 3750 euros d’amende pour l’internaute, et de 5000 euros d’amende pour le fournisseur d’accès coupable.
Débats et controverses sur le projet de loi HADOPI 2
La loi HADOPI 1 n’avait eu aucun problème lors de son passage devant le Sénat. Le projet de loi HADOPI 2, sans avoir été menacé, a donné lieu à plus d’opposition. Notamment, un amendement a été pris, permettant à toute personne accusée par l’HADOPI de pouvoir se faire entendre par elle, assistée d’un avocat.
Cette disposition semble bien primordiale, tout simplement pour respecter le principe du contradictoire, ainsi que celui de la présomption d’innocence. Egalement, le droit à un procès équitable est conforté. C’est en revanche le seul amendement qui ait été adopté le mercredi 8 juillet. Par ailleurs, trois séances avaient été réservées pour l’adoption du texte, qui l’aura été en seulement une.
La commission des affaires culturelles a quant à elle adopté des amendements déjà évoqués lors de l’examen d’HADOPI 1 : l’impossibilité d’inscription de la peine de suspension de l’accès internet sur le casier judiciaire, et la destruction par l’HADOPI des données collectées sur un internaute après sa condamnation.
Un projet de loi inconstitutionnel ?
Antoine Faye
Pour en savoir plus : |
Projet de loi sur le site du Sénat Article 39 de la Constitution (rédaction actuelle et future) Intervention de la sénatrice Alima Boumediene Thiery-Verbatim Un exposé détaillé des débats (attention, tiré de Numerama qui a un parti pris sur cette affaire)
Sont également intéressants certains blogs s’étant prononcés sur la question comme celui du professeur Guglielmi.
|
Retour aux dossiers thématiques