L’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’homme fait partie des grands projets juridiques européens et n’a jamais cessé de s’imposer, même après l’entrée en vigueur de la Charte des droits fondamentaux de l’UE. Toutefois, ce projet d’adhésion est, à l’heure actuelle très incertain, compte tenu de la prise en considération et le respect des caractères particuliers de l’UE.
Les différents avantages de l’adhésion de l’Union européenne à la Convention EDH
L’adhésion de l’UE à la Convention désigne le processus par lequel l’UE rejoindra la communauté des 47 États européens qui se sont engagés juridiquement à respecter la Convention et ont accepté que ce respect soit contrôlé par la Cour européenne des droits de l’homme (Cour EDH). Elle a été officiellement proposée dès 1979 par la Commission, qui a réitéré cette demande en 1990 et en 1993.
Elle a été rendue obligatoire par le Traité de Lisbonne, entré en vigueur le 1er décembre 2009 à travers l’article 6 § 2 TUE selon lequel, « L’Union adhère à la Convention EDH ». Elle figure également à l’article 59 § 2 de la Convention EDH.
Le but principal de l’adhésion est de renforcer la protection des droits de l’homme au niveau européen à travers l’ancrage de l’UE dans le socle de droits fondamentaux commun aux 47 États membres du Conseil de l’Europe. L’UE sera intégrée au système de protection des droits fondamentaux de la CEDH. Autrement dit, en plus de la protection de ces droits par le droit de l’UE et par la CJUE, l’UE aura l’obligation de respecter la Convention EDH et sera placée sous le contrôle externe de la Cour EDH.
Cette adhésion apportera aux citoyens une protection face à l’action de l’UE, semblable à celle dont ils jouissent déjà face à l’action des États membres du Conseil de l’Europe. En vertu de l’article 6 § 3 TUE, l’Union s’est elle-même déclarée liée par les droits garantis par la Convention en tant que principes généraux du droit. L’adhésion ouvrirait aussi aux particuliers un droit de recours individuel devant la Cour EDH qui n’existe pas en l’état actuel. Elle permettra également à la Cour EDH de contrôler de manière direct le respect des droits fondamentaux par des actes des institutions en rendant les États membres responsables des violations commises par l’Union. Par ailleurs, les risques de divergences de jurisprudences liés à l’existence de deux instruments et de deux juridictions européennes devraient être atténués, ce qui renforcera la cohérence du système européen de protection des droits fondamentaux. Enfin, les institutions de l’Union pourront participer pleinement aux procédures devant la Cour européenne des droits de l’homme, lorsqu’un acte communautaire est attaqué, et à l’Union de disposer d’un juge au sein de la Cour, représentant le droit de l’Union.
Une adhésion remettant en cause l’unité, l’effectivité et la primauté du droit de l’Union
Néanmoins, la perspective de l’adhésion est encore repoussée. Plusieurs réserves ont été formulées par la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) afin de préserver l’autonomie du droit de l’Union. Dans son avis rendu le 18 décembre 2014 (avis 2/13), portant sur le projet d’accord d’adhésion de l’UE à la CEDH, la CJUE estime que le projet est et demeure contraire au droit de l’Union. La CJUE fait notamment remarquer l’absence de disposition propre à assurer une véritable et complète coordination entre la CEDH et la Charte des droits fondamentaux de l’UE. En outre, la Cour souligne la « méconnaissance de « la nature intrinsèque de l’Union » en ce que le projet d’adhésion conduit à assimiler cette dernière à un État et à lui assigner un rôle en tout point identique à celui de toute autre « Partie contractante » à la Convention. L’Union pourrait ainsi, en tant que « Partie contractante », mettre en cause l’un de ses États membres au regard de la Convention et inversement, l’un d’entre eux, attaquer cette dernière en tant que Partie contractante. L’adhésion compromettrait gravement l’équilibre sur lequel l’Union est fondée et l’autonomie de son droit. Enfin, selon la CJUE, le contrôle exercé par la Cour EDH en matière de politique étrangère et de sécurité commune (PESC) viendrait méconnaître les caractères spécifiques du droit de l’Union dans ce domaine. En l’état actuel, il est peu probable que les États membres acceptent de modifier les traités pour soumettre la PESC au contrôle de la Cour EDH. Le processus d’adhésion de la CJUE à la CEDH reste encore en suspens.
Jean-Yves André, en M1 Droit International à l’université Paris-Nanterre
À voir aussi :
- Recueil de la jurisprudence, Avis 2/13 de la CJUE (assemblée plénière), 18 décembre 2014 – https://eur-lex.europa.eu/
- Réunion conjointe de la CJUE et de la Cour EDH, réseau des présidents des Cours suprêmes judiciaires de l’UE, Helsinki, 6 septembre 2013, « L’adhésion de l’UE à la CEDH », Dean Spielmann, Président de la Cour EDH – https://www.echr.coe.int/
- Site Dalloz étudiant, rubrique « Actualités », Droit européen et de l’Union européenne, « Le non de la CJUE à l’adhésion de l’UE à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme » – https://actu.dalloz-etudiant.fr
- « Adhésion de l’UE à la CEDH : analyse juridique du projet d’accord d’adhésion du 14 octobre 2011 » – https://www.robert-schuman.eu/
- Site du Conseil de l’Europe, « Adhésion de l’UE à la CEDH. Réponse à des questions fréquemment posées », – https://www.echr.coe.int/