La mise en conformité de la procédure de garde à vue a eu de nombreuses conséquences. Impact immédiat et incontournable, comme le prévoyait le ministre du budget, François Baroin, la réforme de la garde à vue « va entraîner une augmentation importante des rémunérations versées aux avocats au titre de l’aide juridique ». Or, ces nouvelles dépenses s’inscrivent dans un contexte où les finances de l’Etat ne sont pas florissantes.
I. Création d’une contribution pour l’aide juridique
François Baroin a présenté un projet de loi de finances rectificative le 11 mai 2011 en Conseil des ministres. Ce dernier [1] crée en son article 54, une taxe de 35 euros due pour toute nouvelle instance judiciaire introduite à compter du 1er octobre 2011 en matière civile, commerciale, prudhommale, sociale, rurale ou administrative et ce à peine d’irrecevabilité de la requête.
Cette taxe revêtant l’appellation de « contribution pour l’aide juridique » sera acquittée par le demandeur à l’action moyennant l’achat d’un timbre fiscal ou par voie électronique. Lorsque l’instance est introduite par un auxiliaire de justice, le texte prévoit que ce dernier acquitte la taxe pour le compte de son client, par voie électronique. Dans les faits, il reviendra le plus souvent à l’avocat de payer par voie dématérialisée, pour le compte de son client.
II. Les exclusions à cette nouvelle obligation
Cette contribution devra être acquittée par tout justiciable introduisant une action en justice à l’exception de l’Etat ou des personnes bénéficiaires de l’aide juridictionnelle. Le temps que le bureau d’aide juridique décide d’accorder le bénéfice de l’aide juridique à un justiciable, celui-ci devra, à peine d’irrecevabilité de sa demande, s’acquitter de la contribution pour l’aide juridique, en avançant la somme requise.
D’autre part, soulignons qu’il n’a pas été prévu, que les juges puissent mettre cette taxe à la charge de la partie perdante. Indépendamment du dispositif du jugement, elle restera à la charge du demandeur. Or, est-il juste que le salarié victime d’un licenciement abusif doive débourser 35 euros alors que son employeur bien que condamné en serait exempté ? Ces 35 euros se révèlent être le prix à payer afin de pouvoir défendre ses droits en saisissant les juridictions!
Aussi, par exception, un certain nombre de procédure ne nécessitent pas l’acquittement de cette taxe. En guise d’exemple, il s’agit des procédures ayant cours devant le juge aux affaires familiales en urgence pour délivrer une ordonnance de protection, pour les procédures de surendettement des particuliers, pour la commission d’indemnisation des victimes d’infractions, pour les référés en matière administrative…
III. Le prix de la Justice
En 2007, le sénateur, Roland du Luart proposait la mise en place d’un ticket modérateur de 40 euros qui serait acquitté par les bénéficiaires de l’aide juridictionnelle. En 2010, l’idée est reprise par le Gouvernement qui souhaitait alors instituer un ticket modérateur de 10 euros.
La remise en cause de la gratuité de la Justice se poursuit. Il apparait que le principe de la gratuité de l’accès à la Justice est plus que jamais remis en cause. N’est-il plus qu’une exception puisque le paiement de la contribution pour l’aide juridique est présenté par les nouvelles dispositions comme une condition de recevabilité de la demande ?
IV. Solidarité entre justiciables
En instaurant ce prix d’accès au juge, François Baroin a souhaité « assurer une solidarité financière entre l’ensemble des justiciables« . Or ce fondement est-il légitime? Pourquoi les justiciables introduisant une instance devrait-ils être les seuls à financer la garde à vue réformée et plus généralement l’aide juridique?
Il s’agit dès lors de se demander si l’esprit des dispositions nouvelles n’aurait pas commandé de préférer une solidarité nationale reposant sur toute personne susceptible d’agir en justice et non pas sur une solidarité entre justiciable se limitant, par définition, aux individus introduisant effectivement une action en Justice.
Sara KEBIR
Notes : [1] Loi de finances rectificative n° 2011-900, publiée au Journal Officiel le 30 juillet 2011. |
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