« Tout ce que nous savons, c’est que nous ne pouvons ni punir, ni pardonner ces crimes et que, par conséquent, ils transcendent le domaine des affaires humaines et la capacité du pouvoir humain qu’ils détruisent tous deux radicalement partout où ils se produisent. »[1]
Pourtant, la justice peine à jouer son rôle.
Cela est dû à la spécificité des crimes contre l’humanité et de génocide. Cette spécificité revêt d’abord un caractère quantitatif: il s’agit de crimes impliquant un grand nombre de personnes (victimes comme bourreaux). Elle est aussi qualitative puisque ces crimes élèvent au rang de victime l’humanité toute entière. C’est ce qui explique la violence primaire que l’on ressent envers ces bourreaux auxquels on dénie aisément le caractère humain. Cependant comme s’en explique Hannah Arendt, la mise hors du champ de l’humanité ne permet pas de donner une réponse efficace à la perpétration de telles atrocités. [2]
En outre, bien souvent, c’est toute la machine étatique qui est responsable de ces crimes, rendant ainsi extrêmement difficile le fonctionnement de la justice tant en interne (institutions en ruine) qu’à l’international (relations internationales régies par la souveraineté des Etats).
Afin de comprendre les difficultés que soulèvent les crimes contre l’humanité et de génocide et d’en présenter des réponses, il est essentiel de définir ce qui les caractérisent.
Ils se distinguent d’abord du crime de guerre en ce que les premiers peuvent être commis en dehors de tout conflit armé.[3] En outre, les crime contre l’humanité et de génocide sont deux catégories distinctes de crimes en droit international. Cependant, il est admis que le génocide constitue un type spécifique de crime contre l’humanité. [4]
Le crime contre l’humanité consiste en une série de crimes particulièrement graves (meurtres, tortures, disparitions forcées..) lorsqu’ils sont perpétrés contre des civils dans le cadre d’une attaque systématique ou généralisée. [5]
Le génocide, quant à lui, s’entend également d’un série de crimes particulièrement graves. Cependant ce qui fait sa spécificité, c’est le fait que ces actes soient commis dans l’intention de détruire, tout ou partie, d’un groupe national, ethnique, racial ou religieux.[6]
Le contour des termes du sujet établi, la question qui se pose est la suivante: quelles sont les réponses possibles aux crimes contre l’humanité et de génocide?
Avant d’envisager ces réponses (II), le cadre légal doit être posé (I).
- LE CADRE LÉGAL DES GÉNOCIDE ET CRIME CONTRE l’HUMANITE
La notion de « crime contre l’humanité » est longtemps restée en marge de la sphère juridique. En effet, elle a émergé au début du XXème siècle, d’abord dans la clause dite « Martens » insérée dans les Convention de la Haye de 1899 et de 1907 relatives aux lois et coutumes de la guerre sur terre.[7]
Ce n’est qu’en 1945 qu’en est donnée une définition jurididique: le crime contre l’humanité est inscrit dans le Statut du Tribunal de Nuremberg qui évita cependant de le dissocier des autres crimes visés par le Statut, à savoir le crime de guerre et le crime contre la paix.
Quant au crime de génocide, il est inventé par le juriste polonais Raphael Lemkin en 1944 pour qualifier les crimes de masse commis par l’Allemagne nazie et contre les arméniens dans l’Empire ottoman en 1915. Cette notion sera utilisée pour la première fois par le tribunal de Nuremberg dans les actes d’accusation. La consécration viendra seulement en 1948 avec l’adoption, à l’initiative de l’ONU, de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide du 9 décembre qui va distinguer ce crime des autres crimes en temps de conflit.[8]
Le cadre légal des crimes contre l’humanité et génocides doit être appréhendé à trois niveaux: international (1), régional (2) et national (3).
- A l’échelle internationale
Les notions de crime contre l’humanité et le génocide ont eu le mérite d’être reconnues d’emblée au niveau international.[9]
Cependant, le crime contre l’humanité se distingue du génocide en ce qu’il se fonde essentiellement sur le droit international coutumier et les définitions qu’en donnent les statuts des juridictions pénales internationales.[10]
Le crime contre l’humanité
L’Article 7 du Statut de Rome établit une liste non-exhaustive d’actes particulièrement graves (notamment meurtre, viol, persécution de tout groupe ou de toute collectivité identifiable pour des motifs d’ordre politique, racial, national, ethnique, culturel, religieux ou sexiste, disparitions forcées de personnes, crime d’apartheid) pouvant être qualifiés de crimes contre l’humanité, lorsqu’ils sont commis dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique, lancée contre toute population civile, et en connaissance de cette attaque.
Dans la définition initiale donnée à Nuremberg, un lien entre ce crime et un contexte de conflit armé était requis. Cette condition a d’abord été assouplie par le Statut du Tribunal pénal international pour l’Ex-Yougoslavie (article 5) pour inclure les contextes de conflit armé non internationaux à la définition.
L’exigence d’un contexte de conflit armé a finalement été abandonnée lors de l’adoption du Statut du Tribunal pénal international pour le Rwanda (article 3) et du Statut de Rome portant création de la Cour pénale internationale (article 7): un crime contre l’humanité peut désormais être commis en temps de guerre comme en temps de paix.
Par ailleurs, les Statuts du Tribunal pénal international pour le Rwanda et de la Cour pénale internationale ont introduit un nouvel élément, déjà mentionné dans la jurisprudence du Tribunal pénal international pour l’Ex-Yougoslavie et dans d’autres documents: afin que les actes susmentionnés puissent constituer des crimes contre l’humanité, ils doivent être commis « dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique ». L’auteur du crime doit être conscient de ce contexte d’attaque généralisée ou systématique contre une population civile durant lequel il commet l’acte.
Bien que les crimes contre l’humanité aient été souvent initiés par des politiques étatiques, en raison du niveau d’organisation requis et de l’ampleur des crimes, la définition n’exclut pas qu’ils soient également commis par d’autres entités telles que des forces paramilitaires, des mouvements de guérilla, des organisations terroristes.
Le génocide
En vertu de l’article II de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide du 9 décembre 1948, « le génocide s’entend de l’un quelconque des actes ci-après, commis dans l’intention de détruire, ou tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel:
- a) Meurtre de membres du groupe;
- b) Atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe;
- c) Soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle;
- d) Mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe;
- e) Transfert forcé d’enfants du groupe à un autre groupe. »
Cette définition est reprise dans les statuts du Tribunal pénal international pour l’Ex-yougoslavie (article 4), du Tribunal pénal international pour le Rwanda (article 2) et de la Cour pénale internationale (article 6).
Le génocide arménien de 1915 dont on commémore le 100ème anniversaire cette année (reconnu en 2001 par la France) est l’un des quatre génocides reconnus par les instances onusiennes avec le génocide des Juifs, celui des Tutsis au Rwanda en 1994 et le massacre de Srebrenica (Bosnie-Herzégovine) en 1995.
Trois éléments caractérisent un génocide:
- l’élément matériel: la définition vise les cinq catégories de crimes pré-citées que sont les meurtres, les atteintes à l’intégrité physique ou mentale, la soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle, les meurtres visant à entraver les naissances au sein du groupe, le transfert force d’enfants d’un groupe à un autre;
- l’élément intentionnel qui requiert que l’auteur du crime doit avoir agi dans le but de détruire un groupe protégé, en tout ou partie. Cela implique que les crimes doivent avoir été commis contre les victimes en raison de leur appartenance au groupe visé. Cependant, l’intention ne doit pas nécessairement être de détruire la totalité du groupe.
- enfin, la notion de « groupe » qui correspond aux groupes nationaux, ethniques, raciaux ou religieux. Les premières définitions du crime incluaient également d’autres catégories de groupes tels que les groupements politiques ou culturels. Mais, ils n’ont pas été retenus par la Convention de 1948, ni dans la définition reprise par la Cour pénale internationale. [11]
C’est donc un dol spécial qui distingue le génocide du crime contre l’humanité [12], à savoir « l’intention de détruire en tout ou partie un groupe ciblé comme tel » et des critères discriminatoires spécifiques.
L’imprescriptibilité de ces crimes contre l’humanité a été consacrée par la Convention sur l’imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité du 26 novembre 1968. De nature conventionnelle, cette disposition n’est contraignante qu’à l’égard des Etats ayant ratifié la Convention.
- A l’échelle régionale
Face au déficit de légitimité dont souffre la justice pénale internationale, la réponse régionale aux crimes contre l’humanité et de génocide apparaît particulièrement opportune. En effet, cette régionalisation a l’avantage de faire taire la critique de justice néo-coloniale dont souffre indéniablement la Cour pénale internationale. Il est impossible dans le cadre cette étude de passer en revue la totalité des dispositions existantes au niveau regional, par conséquent nous nous limiterons à un exemple.
A ce sujet, celui de l’Afrique est assez éloquent.
L’Union Africaine [13] a joué un rôle prépondérant dans la lutte contre l’impunité des crimes contre l’humanité comme l’affaire Habré l’a démontré.
C’est l’article 4 (h) de son acte constitutif qui énonce le droit de cette dernière « d’intervenir dans les Etats-Membres sur décision de la Conférence, dans certaines circonstances graves, à savoir les crimes de guerre, le génocide et les crimes contre l’humanité ». L’article 4(j) prévoit également « le droit des Etats-Membres de solliciter l’intervention de l’Union Africaine et leur droit de vivre dans la paix et la sécurité ».
Plus récemment, le 22 avril 2015, le Conseil National de Transition (CNT) de la République centrafricaine a adopté, suite à un long processus de négociations, une loi créant une Cour pénale spéciale au sein de son système judiciaire national alors même que la CPI avait déjà ouvert une information pour les mêmes faits (crimes contre l’humanité notamment). [14]
- A l’échelle nationale
Un constat: des approches différentes selon les pays
Comme le souligne Mireille-Delmas Marty, le crime contre l’humanité originellement défini par le droit international a poussé les Etats à intégrer cette incrimination dans leurs droits nationaux. [15]
L’analyse comparée révèle que l’attaque massive ou systématique à l’encontre de la population civile constitue le plus petit dénominateur commun conceptuel et juridique de l’infraction à partir duquel les incriminations sont construites sur le plan national. Ainsi, est-ce le cas pour la plupart des pays (notamment France, Espagne et Portugal pour l’Europe). Mais d’autres Etats exigent également la preuve de la connaissance de l’attaque de la part de l’auteur du crime (Canada, Australie, Afrique du Sud, Malte, Bosnie, Costa Rica). Cependant, la plupart des Etats n’exigent pas la « connaissance de l’attaque » systématique ou généralisée posée dans la définition de l’article 7 du Statut de la CPI. [16]
Ces brèves considérations montrent combien la réception nationale de l’incrimination est loin d’être uniforme, compte tenu de l’histoire, des traditions juridiques et des contraintes politiques de chaque pays. Cette hétérogénéité se manifeste tant au niveau des éléments constitutifs de l’infraction qu’en ce qui concerne la compétence des juridictions internes et des règles de procédure applicables. [17]
Focus sur la France
Bien que le crime contre l’humanité ait eu d’emblée une existence dans le cadre légal international, il faut attendre 1994 pour qu’il soit inscrit dans le code pénal français aux articles 212-1[18] à 212-3.
Quant au génocide, c’est l’article 211-1 du code pénal qui en donne la définition.
En outre, le Tribunal de grande instance de Paris a créé, en janvier 2012, un pôle spécialisé pour lutter contre les crimes contre l’humanité, les délits de guerre et les crimes de guerre.
Son rôle moteur a permis la tenue du premier procès de génocide en France devant la Cour d’assises de Paris du 4 février au 14 mars 2014 alors que la plainte avait été déposée en 1995. Le procès de Pascal Simbikangwa, proche du Président rwandais à la tête du pays au moment du génocide, a constitué le premier procès fondé sur la compétence extraterritoriale des juridictions françaises, qui s’est déroulé en présence de l’accusé. Arrêté en 2008 à Mayotte et mis en examen en 2009, Pascal Simbikangwa a été renvoyé devant la Cour d’assises, au terme d’une longue phase d’instruction, pour complicité de génocide et crimes contre l’humanité au Rwanda. Les avocats de la défense, Alexandra Bourgeot et Fabrice Epstein considèrent que les exigences d’un procès équitable n’ont pas été pas satisfaites et que la pression médiatique n’a pas été favorable à l’accusé.[19] La Fédération Internationale des Droits de l’Homme a fait état dans son bilan sur ce premier procès de génocide de la nécessité de la connaissance de la contextualisation des crimes par le jury, de l’utilité d’une spécialisation des magistrats et de l’importance de la coopération des Etats et institutions internationales concernées.[20]
La justice pénale par l’exercice de la compétence extraterritoriale est donc utilisée pour combattre l’impunité de ces crimes contre l’humanité et de génocide. Les réponses répressives (judiciaire et quasi-judiciaire) comme préventive vont être présentées de manière plus détaillée.
- LES RÉPONSES AUX GÉNOCIDE ET CRIME CONTRE L’HUMANITE
Antoine Garapon souligne lui aussi la difficulté à trouver une réponse adaptée à ces crimes contre l’humanité et de génocide dans sou ouvrage Des crimes que l’on ne peut ni punir, ni pardonner. Et pourtant, il faut bien que justice soit faite.
Deux impératifs s’affrontent ou se complètent dans la réponse donnée aux crimes contre l’humanité et de génocide, à savoir la lutte contre l’impunité pat la justice pénale (1) et les nécessités de réconciliation (2). Cependant à l’aube du XXIème siècle, face à la résistance de ces crimes dans le monde, les réponses a posteriori ne suffisent plus. L’éducation aux droits humains doit également être développée à titre de prévention (3).
- La justice pénale
Face à l’horreur du régime nazi, la communauté internationale a souhaité une réponse symboliquement très forte. Le Tribunal militaire de Nuremberg et le Tribunal militaire pour l’Extrême-Orient [21] posaient les jalons de la justice pénale internationale. La création d’autres tribunaux ad hoc ont suivi : le Tribunal pénal international pour l’Ex-Yougoslavie (1993) et le Tribunal pénal international pour le Rwanda (1994).
Pour les génocides reconnus par l’ONU, la réponse privilégiée a été la justice pénale à l’exception du génocide arménien pour lequel aucune procédure pénale n’a été engagée.
Concernant les différents crimes contre l’humanité, la justice pénale internationale s’est ensuite mûe en tribunaux nationaux internationalisés. Ce fût le cas avec le Tribunal Spécial pour la Sierra Leone (2002), le Tribunal spécial irakien (2004), le Tribunal Spécial pour les Khmers Rouges au Cambodge (2004), le Tribunal Spécial pour le Liban (2007) et dernièrement les Chambres Africaines Extraordinaires au Sénégal (2013).
Cependant, la justice pénale internationale nécessitant une volonté politique forte et impliquant des moyens financiers importants, le concept de compétence universelle comme moyen de pallier à la lutte contre l’impunité des crimes de masse a émergé avec l’affaire Pinochet (cf. l’article LE GL, SUPER LAWYER?)
A plusieurs reprises, des procès pénaux se sont organisés au sein même des pays où avaient été perpétrés ces crimes. Et au Rwanda par exemple (cf. l’article sur les gacaca dans LE GL EXPLORE), la justice s’est mise à fonctionner à plusieurs niveaux (national et international).
Cependant, la justice pénale ne permet pas toujours l’émergence de la vérité, ni même la reconstruction nationale.
L’application de la procédure pénale de droit commun à des crimes généralisés comme le crime contre l’humanité n’est pas sans risques. Le premier risque est de ne pas être à la hauteur de la situation et le second de subir les critiques d’une domination culturelle en posant comme universelle une conception du procès propre à l’Occident. Et selon Antoine Garapon, c’est pour cette raison que ce que l’on doit considérer comme universel n’est pas une forme, celle d’un procès équitable mais bien une fonction: « celle de permettre la réconciliation qui se confond ni avec la paix ni avec le pénal ». [22]
C’est ainsi que certains pays ont choisi de privilégier la réconciliation à la lutte contre l’impunité.
- Les commissions Vérité et Réconciliation
La principale alternative au procès pénal est la commission Vérité et Réconciliation dont le but est de trouver une alternative à la peine afin de favoriser la réconciliation.
Elles revêtent des formes différentes: des formules parapolitiques comme la commission Sabato en Argentine à des formules quasi judiciaires comme en Afrique du Sud. Elles peuvent se contenter d’établir des faits et d’évaluer le nombre de victimes, être publique ou confidentielle. En outre, là où certaines s’imbriquent dans les poursuites (en autorisant des ponts entre ses révélations et de possibles inculpations) d’autres, à l’inverse, complètent la justice pénale (comme en Sierra Leone), voire se substituent à celle-ci en bloquant toute poursuite à l’encontre des témoins. [23]
La Commission Vérité et Réconciliation d’Afrique du Sud est particulièrement intéressante puisqu’elle a permis l’émergence d’un genre nouveau de justice qui est à la fois personnelle et collective, judiciaire et historique et tournée tant vers le passé que vers l’avenir. Pour ce faire, elle a dû se frayer un chemin entre la stricte logique pénale et la négociation politique. Elle se distingue des autres (notamment sud-américaines) en ce qu’elle s’est vu doter de la possibilité d’accorder des amnisties contre des aveux précis et circonstanciés. Antoine Garapon la présente comme « l’état le plus achevé de la justice reconstructive et non plus comme un succédané de justice ». Cependant, elle n’est pas exempte de critiques: empreinte religieuse trop marquée, absence de remise en cause des versions présentées par les demandeurs d’amnistie, le défaut d’indemnisation financière des familles des victimes et son abdication devant le politique. [24]
- Une réponse préventive : l’éducation aux droits humains ?
Nous avons envisagé les réponses judiciaires ou quasi judiciaires de ces crimes contre l’humanité et de génocide.
Pour autant, ces réponses a posteriori ne s’attaquent pas directement à la racine du mal. Et l’actualité n’a de cesse de nous rappeler chaque jour à quel point l’histoire est encline à l’amnésie. Le vrai défi est d’écrire l’histoire de demain dénuée de toute existence de ces crimes.
Il est alors primordial de favoriser l’éducation aux droits humains, de développer la connaissance d’autres cultures et de combattre l’intolérance.
En Europe, le 27 janvier est classée journée européenne dédiée à la mémoire des génocides et à la prévention des crimes contre l’humanité dans les établissements scolaires. [25] C’est en 2000 que les ministres européens de l’Education ont pris une telle initiative.[26]
Ces initiatives doivent être encouragées et généralisées.
Le traitement que nous réservons à ces crimes contre l’humanité et de génocide est primordial. En effet, c’est la manière dont nous présentons les choses aujourd’hui qui fera l’histoire de demain. Ainsi, nous devons prendre toute la mesure de notre responsabilité.
Il est évident que l’inégalité des traitements médiatiques, politiques et juridiques des différents génocides et crimes contre l’humanité est loin d’être indifférente à la cause. Il ne faut pas oublier que c’est l’humanité toute entière qui est victime avant tout, peu importe l’ethnie, la religion, la race ou autre identité du groupe qui a été stigmatisée. Et c’est ainsi que nous avons le devoir de le présenter!
Or, ce périple à travers l’histoire des crimes contre l’humanité et de génocide révèle que l’appartenance à l’humanité n’est pas l’ identité qui prévaut dans l’appréhension de l’Autre. En effet, la haine de cet « Autre » se cristallise sur une seule identité dans laquelle il est enfermé: c’est ce que Maalouf appelle les « identités meurtrières ». L’appartenance à l’humanité n’est alors pas si évidente et même reliée à un second plan permettant l’isolement du groupe limité à son identité meurtrière.
Prise d’une crise d’amnésie, l’histoire se répète, les victimes empruntant les masques de bourreaux et inversement. Seules changent les époques et les régions du globe. Les évènements actuels qui se déroulent au quatre coins du monde et la situation en France (crispation du conflit communautaire) n’a de cesse de nous le rappeller.
Alors certes, nous ne pouvons sans doute, ni punir, ni pardonner de manière satisfaisante et absolue ces crimes contre l’humanité et de génocide. Cependant, nous avons encore le pouvoir de prendre conscience de leur absurdité et d’éduquer pour que les crimes contre l’humanité et de génocide ne soient plus une réalité!
Sonia Messaoudi
[1] Hannah Arendt, Condition de l’homme moderne, Calmann-Lévy, 1961
[2] Hannah Arendt, Eichmann à Jérusalem, Rapport sur la banalité du mal, Gallimard, 1963
[3] Article 8 du Statut de Rome du 17 juillet 1998 portant création de la Cour pénale Internationale
[4] TPIY, Le procureur C/ Dusko tadic, IT-94-1, Jugement, 7 mai 1997, §622 : « D’autres codifications du droit international ont également confirmé le caractère de droit coutumier de l’interdiction des crimes contre l’humanité ainsi que 2 de ses manifestations les plus infâmes : génocide et apartheid ».
[5] Article 7 du Statut de Rome du 17 juillet 1998 portant création de la Cour pénale Internationale
[6] Article 6 du Statut de Rome du 17 juillet 1998 portant création de la Cour pénale Internationale
[7] M. Delmas-Marty, I. Fouchard, Emanuela Fronza, Laurent Neyret, Le crime contre l’humanité, Ed. Que sais-je, 2013, p. 11
[8] Cf. l’analyse de William A. Schabas, Genocide in international law : The crime of crimes
[9] M. Delmas-Marty, I. Fouchard, Emanuela Fronza, Laurent Neyret, Le crime contre l’humanité, Ed. Que sais-je, 2013, p. 10
[10] M. Delmas-Marty, I. Fouchard, Emanuela Fronza, Laurent Neyret, Le crime contre l’humanité, Ed. Que sais-je, 2013, p. 8
[11] En application du décret-loi n°1 du 15 juillet 1979 pris par le Gouvernement de la République révolutionnaire du Cambodge, un procès contre Pol Pot et Ieng Sary, pour crime de génocide, a été engagé devant le Tribunal populaire révolutionnaire du Cambodge. La notion de génocide prise en compte dans le procès inclut les motifs politiques et s’étend à toute la population du Cambodge.
[12] M. Delmas-Marty, I. Fouchard, Emanuela Fronza, Laurent Neyret, Le crime contre l’humanité, Ed. Que sais-je, 2013, p. 9
[13] L’union africaine est une organisation d’Etats africains qui a été créée en 2002 en application de la Déclaration de Syrte du 9 septembre 1999. Les principaux objectifs étaient notamment d’éliminer les derniers vestiges du colonialisme et de l’apartheid, de renforcer l’unité et la solidarité des Etats africains, de coordonner et d’intensifier la coopération en faveur du développement de défendre la souveraineté et l’intégrité territoriale des Etats membres, et de favoriser la coopération internationale, dans le cadre des Nations Unies. Cf. http://www.au.int/fr/about/nutshell
[14] « La Cour pénale spéciale centrafricaine ou le défi d’un mécanisme hybride en Centrafrique », Elise Le Gall, 4 mai 2015, https://chroniquesinternationalescolla.wordpress.com/2015/05/04/la-cour-penale-speciale-centrafricaine-ou-le-defi-dun-mecanisme-hybride/
[15] M. Delmas-Marty, I. Fouchard, Emanuela Fronza, Laurent Neyret, Le crime contre l’humanité, Ed. Que sais-je, 2013, p. 46-47
[16] Ibid., p. 47
[17] Ibid., p.78
[18] L’article 212-1 a été modifié par la loi n°2013-711 du 5 août 2013 portant adaptation à la convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, adoptée à New York le 20 décembre 2006.
[19] « Retour sur la conférence DUOJPI sur le premier procès pour génocide en France »: https://afpcu.wordpress.com/2015/05/16/retour-conference-duojpi-sur-le-premier-proces-pour-genocide-en-france/
[20] « Procès de Pascal Simbikangwa: Retour sur un procès emblématique »: https://www.fidh.org/IMG/pdf/rwanda_proces_simbikangwa.pdf
[21] Le Tribunal militaire pour l’Extrême-Orient est né le 2 septembre 1945 et formalisa ma volonté des forces alliés telle qu’exprimée dans la Déclaration de Postdam du 26 juillet 1945. Il était chargé de poursuivre les responsables majeurs de crimes contre la paix, crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis depuis le début des invasions japonaises, le 1er janvier 1928.
[22] Antoine Garapon, Des crimes qu’on ne peut ni punir, ni pardonner, pour une justice internationale, Ed. Odile Jacob, 2002, p. 271 et s.
[23] Antoine Garapon, Des crimes qu’on ne peut ni punir, ni pardonner, pour une justice internationale, Ed. Odile Jacob, 2002, p. 282-283
[24] Antoine Garapon, Des crimes qu’on ne peut ni punir, ni pardonner, pour une justice internationale, Ed. Odile Jacob, 2002, p. 285