« Le droit, ce sont aussi des mots » (Jean-Luc Penfornis).
L’exercice du droit nécessite un style rédactionnel parfait. Vous, étudiants en droit, vous apprêtez à traverser de longues heures, stylo en main, à rédiger des dissertations et commentaires d’arrêt c’est pourquoi votre orthographe se doit d’être irréprochable. En effet, dans quelques années ce sont des conclusions ou des rapports internes que vous devrez rédiger et votre statut de juriste ne fera qu’augmenter l’exigence de vos interlocuteurs sur vos écrits. Pas si simple, surtout que le droit a son propre langage. Découvrez vite ci-dessous les petits conseils d’une juriste-linguiste!
Les temps verbaux
à Le temps du droit est par essence le présent de l’indicatif. Il a valeur impérative.
- Ex : « La politique de défense est définie en conseil des ministres »
Les mots en langue étrangère
à Ils sont à éviter car rendent le discours moins compréhensible. Légifrance précise d’ailleurs : « Il convient de n’employer que des termes appartenant à la langue française ».
à Ils sont à écrire en italique : « Le barrister a tweeté son selfie. »
à Cela vaut pour les expressions latines aussi.
- Ex : « a fortiori», « a priori », « in fine »
Les majuscules
à Elles sont primordiales, mais attention à ne pas en abuser !
à La règle : seul le premier terme prend la majuscule.
- Ex : « La Cour suprême », « La Cour internationale de justice », « le Tribunal de grande instance »
à Les adjectifs ne prennent jamais de majuscules, sauf s’ils sont le premier terme de l’expression.
- Ex : Le « Premier ministre » mais « l’Assemblée nationale »
- Exception : « Les Nations Unies »
à Pour les institutions et les textes, ne portent une majuscule que ceux qui sont désignés précisément et nommément.
- Ex 1 : « La Cour d’appel de Douai a rendu un arrêt … » mais « Il est possible d’interjeter appel devant la cour d’appel dans un délai d’un mois. ».
Quant à la Cour de cassation, comme il n’en existe qu’une seule, elle porte toujours une majuscule.
- Ex 2 : « La constitution prévoit la séparation des pouvoirs » mais « La Constitution américaine est la plus vieille des constitutions »
à Le nom « ministre » ne porte pas de majuscule, seul le nom de son ministère en porte une.
- Ex : « le ministre de la Défense ».
à Contrairement à l’anglais, les noms des mois ne portent jamais de majuscule
à Bannir les virgules entre le sujet et le verbe ou entre le verbe et son complément, à moins qu’il ne s’agisse d’une incise entre deux virgules.
- Ex : Ne pas écrire *« L’avocate de Pablo, a décidé de ne pas former de pourvoi en cassation » mais « L’avocate de Pablo a décidé de ne pas former de pourvoi en cassation ».
- Toutefois, il est correct d’écrire « L’avocate de Pablo, peu confiante, a décidé de ne pas former de pourvoi en cassation ».
à Lorsqu’une phrase finissant par deux-points est suivie par une liste, chaque élément de cette liste commence par un tiret (–) et une minuscule et finit par un point-virgule ( ;), sauf le dernier élément, qui finit par un point (.).
- Ex : « La Cour pénale internationale peut être saisie par :
- un État partie ;
- le Conseil de sécurité des Nations Unies agissant en vertu du chapitre VII ;
- le Procureur lui-même. »
à Les noms composés commençant par « non » prennent un tiret uniquement s’il s’agit d’un substantif / nom.
- Ex : « La non-assistance à personne en danger est sévèrement punie » ; « Il est conseillé aux non-spécialistes du droit privé de suivre un cours de mise à niveau» ; « Il est conseillé aux étudiants non spécialistes en droit privé de suivre un cours de mise à niveau».
Dans les copies dactylographiées
à Contrairement à l’anglais, les sites de ponctuation dits « doubles » – les deux-points ( :), le point-virgule ( ;), le point d’interrogation ( ?) et le point d’exclamation ( !) – ainsi que les tirets (–) sont précédés en français d’une espace insécable.
- Ex : Ne pas écrire *« Quand doit paraître le prochain numéro de Le Petit juriste?» mais « Quand doit paraître le prochain numéro de Le Petit juriste ? »
à Contrairement à l’anglais (“…”), le français emploie les guillemets à chevrons (« … »).
Syntaxe et présentation
à Éviter autant que faire se peut les phrases « à rallonge » afin d’éviter de s’embrouiller, de perdre son lecteur et de se retrouver avec une phrase qui ne veut plus dire grand-chose. Privilégier la concision, gage d’efficacité. Ne pas hésiter à couper une phrase trop longue en plusieurs phrases plus courtes. Pour cela, un maître mot : user et abuser des points !
à Organiser son texte en fonction de ses idées en sautant des lignes, en faisant des paragraphes et en utilisant les alinéas, c’est le lecteur qui sera content (et donc plus enclin à mettre une bonne note ?) !
Abréviations
à Les abréviations sont suivies d’un point si la dernière lettre de l’abréviation ne correspond pas à la dernière lettre du mot, et inversement.
- Ex : « J’ai rendez-vous avec Me Dupont demain matin » ; « L’16 du code civil dispose que chacun a droit au respect de son corps »
à « Monsieur » s’abrège par « M. » (noter le point) et non par *« Mr. », qui correspond à l’anglais « Mister ». « Madame » s’abrège par « Mme » (noter l’absence de point). Au pluriel, « Messieurs » devient « MM. » et « Mesdames » « Mmes ». Maître donne « Me ».
à Pour les sigles, les écrire en toutes lettres la première fois en indiquant entre parenthèses le sigle qui sera utilisé par la suite.
- Ex : « L’Assemblée générale des Nations Unies (AGNU) est le principal organe délibérant. »
Morgane Bona-Pellissier
Sites utiles
« Légifrance, rédaction de textes »
« Banque de dépannage linguistique : pour tous les doutes d’ordre grammatical »
http://www.oqlf.gouv.qc.ca/ressources/bdl.html
« Langue sauce piquante », blog des correcteurs du journal Le Monde
Bonjour, je suis un nouveau recruté dans une Banque dans le domaine juridique , j’aimerais bien avoir des articles où des styles de réponse au questions juridiques bancaires .
Cordiales Salutations
Bonjour,
Je suis un peu surprise par cette position concernant les majuscules pour les institutions et les textes qui, selon l’article, portent une majuscule quand ils sont désignés précisément et nommément (i.e., « Ex 1 : « La Cour d’appel de Douai a rendu un arrêt … »).
En effet, il ne semble pas que ce soit la position de l’Académie française (voir extrait ci-dessous) :
« 3. Majuscules dans les noms d’organismes et d’institutions,
Les noms des organismes (organismes d’État, organismes culturels et éducatifs, etc.), lorsqu’il en existe plusieurs de leur espèce, ne prennent pas de majuscule ; c’est le nom propre ou le nom de spécialisation qui les accompagne éventuellement qui la prend : le conseil général d’Île-de-France, la cour d’appel de Versailles, la mairie de Paris, l’académie de Toulouse, le ministère de la Culture, le lycée Fénelon, la bibliothèque Mazarine. Le musée Rodin, le musée des Arts décoratifs (mais, seulement suivi d’un adjectif non dérivé d’un nom propre : le Musée océanographique, le Musée postal).
En revanche, s’ils sont seuls de leur espèce (à l’échelle nationale ou internationale), le premier mot nécessaire à l’identification porte la majuscule, ainsi que les adjectifs le précédant éventuellement : l’Académie française, l’Institut de France, la Bibliothèque nationale, la Cour de cassation, la Haute Cour de justice, le Conseil de l’Europe, les Nations unies, la Croix-Rouge, l’École polytechnique, l’École normale supérieure… »
(http://www.academie-francaise.fr/questions-de-langue#47_strong-em-majuscules-em-strong)
Bien cordialement,