Le 30 janvier 2011, le maire des Lilas (en Seine-saint-Denis) annonce que sa commune financera la construction d’une église. Alors que la loi du 9 décembre 1905 interdit toutes subventions publiques pour le financement des lieux de culte, cette décision reste bel et bien légale. Explications…
I. Une décision a priori surprenante, mais qui n’en demeure pas moins légale
A priori, cette situation peu paraître surprenante au regard de l’article 2 de la loi de 1905 : « La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte ». Cependant, si cette loi interdit les subventions publiques en vue de financer des lieux de culte, elle établit par ailleurs une distinction entre les édifices cultuels existants avant 1905 – relevant de la propriété de l’Etat – et ceux existants après 1905. De plus, en vertu de la loi du 13 avril 1908, l’Etat a la possibilité d’engager les dépenses nécessaires à l’entretien et à la réparation des édifices dont il est propriétaire.
Au cas particulier, la rénovation étant plus coûteuse que la construction, au même emplacement, d’une nouvelle église, la commune a opté pour la deuxième solution.
II. Qui dit légalité ne dit pas forcément équité
Si la construction de cette église n’est pas contestable sur le plan juridique, elle soulève tout de même des interrogations. Comme le souligne le sociologue des religions Jean Baubérot : « La plupart des églises catholiques, la moitié des temples protestants, le tiers des synagogues appartiennent aujourd’hui à l’Etat ». Quid alors du financement des lieux de culte construits après 1905 ?
L’état actuel du droit crée, dans la pratique, des situations d’inégalités. Si bien qu’aujourd’hui, des aménagements à la loi de 1905 ont été imaginés : malgré l’interdiction de principe contenu dans la loi de séparation de 1905, l’Etat subventionne indirectement les églises, mosquées, temples ou synagogues (1) en faisant usage notamment de la loi de 1901 sur les associations. Le plus souvent, des associations culturelles vont être créées en vue d’héberger des lieux de cultes et recevoir ainsi des aides des collectivités locales pour les « travaux de réparation » des édifices du culte.
Mais encore, les collectivités territoriales disposent d’un nouvel instrument – le bail emphytéotique administratif – leur permettant de protéger et valoriser leur patrimoine (article L. 1311-1 du CGCT). Elles y ont recours dans des domaines variés allant de la construction de parc de stationnement à la construction d’édifice cultuel : dans ce dernier cas, on parle plus précisément de bail emphytéotique cultuel. (2)
III. Le droit à l’édification de lieux de culte : corollaire de la liberté d’exercice du culte
Jean Baubérot analyse le droit à l’édification de lieux de culte comme un corollaire de la liberté d’exercice du culte : « L’article 1, qui stipule que l’Etat doit garantir le libre exercice des cultes, peut être interprété comme une obligation pour l’Etat de mettre à la disposition des citoyens des lieux de cultes ». Ainsi le principe d’interdiction des financements publics s’opposerait-il à l’obligation pour l’Etat de garantir le libre exercice des cultes.
C’est ce que soutient le rapport de la commission Machelon de juillet 2006 : estimant que l’article 2 de la loi de 1905 ne constitue pas un principe à valeur constitutionnelle, il propose de le modifier en consacrant formellement les aides directes des communes à la construction de lieux de culte. Au soutien de cette thèse, le rapport cite la décision du Conseil d’Etat du16 mars 2005, Ministre de l’Outre-mer : « le principe constitutionnel de laïcité (…) n’interdit pas, par lui-même, l’octroi dans l’intérêt général et dans les conditions définies par la loi de certaines subventions à des activités ou des équipements dépendant des cultes ».
Pour en savoir plus
Rue 89, édito du 23/12/2010, Marie Kostrz AJDA 2010 p. 2471, De l’usage du bail emphytéotique pour la construction d’une mosquée, Sophie Tissot-Grossrieder. |