La directive de l’Union européenne sur l’insolvabilité adoptée par le Parlement en mars dernier offre une harmonisation minimale sur le droit des entreprises en difficulté très hétérogène en Europe.
Les objectifs principaux de cette directe sont la mise en place d’un cadre de restructuration préventif à la française au bénéfice des entreprises incluant un plan de restructuration ainsi que l’établissement d’une remise de dette totale au profit des entrepreneurs leur offrant une seconde chance.
Ce texte réforme profondément le droit des procédures collectives des Etats membres, notamment le droit tchèque, actuellement régit par la loi sur l’insolvabilité de 2006. Cette loi a apporté de nombreuses innovations, telle qu’une amélioration de la transparence grâce à la création d’un registre d’insolvabilité public, inconnu en France et vivement encouragé par la directive.
Cependant, les procédures collectives tchèques sont fondées sur l’état d’insolvabilité, il n’y a donc aucun mécanisme préventif, visant à l’élaboration d’un plan de sauvegarde pour des entreprises viables mais connaissant des difficultés insurmontables comme en France avec la sauvegarde judiciaire. Le législateur français a rendu la sauvegarde attractive pour le débiteur puisque celle-ci, à l’inverse du redressement judiciaire, lorsque le débiteur est insolvable, permet un abaissement des coûts procéduraux. Cette attractivité de la procédure incite le débiteur à soulever les difficultés économiques en amont et ainsi éviter une aggravation de sa situation financière.
En l’absence de procédures préventives, l’éligibilité au droit tchèque des procédures collectives ne vise donc que les débiteurs insolvables. L’activation de ces procédures suppose comme en droit français, la preuve de la cessation de paiement. La Cour choisit la solution la plus adéquate parmi la liquidation judiciaire (Konkurs), le redressement judiciaire (Reorganizace),la remise de dettes (Oddlužení).
La liquidation, est une méthode permettant de résoudre l’insolvabilité du débiteur lorsqu’un redressement judiciaire est impossible. En droit tchèque, à l’inverse du droit français, les professions d’administrateur judiciaire (représentant les intérêts de l’entreprise) et de mandataire judiciaire (représentant les intérêts des créanciers) se confondent dans la profession tchèque de « syndic en insolvabilité ». Comme en droit français, le projet de liquidation des actifs nécessite l’approbation des comités de créanciers, institués de manière facultative en France lorsque l’entreprise est de petite taille.
La deuxième solution plus modérée, commune avec le droit français, est le redressement judiciaire. Néanmoins, le droit tchèque diffère avec le droit français puisque s’ajoute une condition supplémentaire : la procédure n’est ouverte qu’aux petites entreprises employant un minimum de 50 salariés. Ainsi, le droit tchèque est plus strict vis-à-vis des petites entreprises qui ne pourront pas bénéficier de plan de redressement.
La troisième méthode est la remise des dettes. Cette procédure, à la différence du droit français avec le rétablissement professionnel, ne vise que les non-entrepreneurs, donc les consommateurs. L’objectif est ici de permettre à ces derniers la réintégration au cycle économique via l’octroi d’une remise fixée à un montant maximum de 30 % des créances réclamées.
Ainsi, le plan de restructuration préventif prescrit par la directive constitue un concept nouveau pour le droit tchèque. Une procédure semblable à la sauvegarde judiciaire française devra donc se créer.
La directive prévoit également que les entrepreneurs honnêtes insolvables peuvent bénéficier d’une remise de dette totale au terme d’un délai maximum de 3 ans. La législation tchèque, ne visant que les consommateurs, avec un délai maximum de 5 ans, devra donc inclure les entrepreneurs et réduire ce délai à 3 ans.
Enfin, même si la directive ne vise pas les non-entrepreneurs, elle n’exclut pas un champ d’application large. En effet, la Commission dans son Livre vert sur les produits financiers considère que des divergences entre les lois nationales en matière d’insolvabilité des consommateurs peuvent constituer un obstacle à la vente transfrontalière de prêts bancaires.
De fait, la remise de dette tchèque ne visant que les consommateurs, ne se base que sur des considérations sociales, il serait donc logique que le régime ainsi institué s’aligne avec celui de la directive, dans le cas inverse, il en résulterait une discrimination, difficilement justifiable par le législateur.
Si cette directive est approuvée prochainement par le Conseil, le droit tchèque aura deux ans pour s’adapter à la directive.
Solenn Hegron
Sources :
- Directive du Parlement européen et du Conseil relative aux cadres de restructuration préventifs, à la seconde chance et aux mesures à prendre pour augmenter l’efficience des procédures de restructuration, d’insolvabilité et d’apurement.
- Code de commerce.
- Ordonnance tchèque sur l’Insolvabilité de 2006.