À l’occasion de la Coupe du Monde de rugby, Le Petit Juriste vous propose une série d’articles permettant de mieux cerner le statut professionnel des joueurs du Top14 en explorant la Convention Collective du Rugby Professionnel à travers différents thèmes.
Pour ce premier article, il sera question du contrat de travail qui lie les joueurs à leur club, point pour le moins intéressant puisque même la Cour de cassation est entrée dans la mêlée.
La Convention Collective du Rugby (1) prévoit un certain nombre de dispositions quant à la nature du contrat conclu entre le rugbyman et son club.
Tout d’abord, pour les rédacteurs de la convention collective, ce contrat est un CDD d’usage, l’Ovalie faisant partie des secteurs professionnels dans lesquels « il est d’usage de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de cet emploi » (2). A noter cependant que ce contrat ne peut pas être conclu par n’importe qui. En effet, il est prévu qu’à l’exception des clubs dans lesquels il n’existe aucun centre de formation agrée, un contrat de joueur professionnel ne pourra commencer à s’exécuter qu’à partir d’une saison durant laquelle le joueur est âgé ou fête ses 22 ans.
Dès lors que le contrat de travail est un CDD, se pose la question de sa durée. La Convention Collective du Rugby Professionnel donne la réponse en limitant à cinq saisons sportives, renouvellement tacite inclus, la durée du contrat des joueurs, durée ramenée à trois saisons lorsque le contrat est conclu par un joueur issu du centre de formation du club. L’emploi du vocable « renouvellement tacite » dans la convention s’explique par le fait qu’il est possible d’insérer dans ce contrat de travail un peu particulier une clause qui prévoit qu’au terme d’un certain nombre de saisons, le contrat est reconduit pour une ou plusieurs nouvelles saisons prévues contractuellement et ce sauf dénonciation expresse de l’une des parties. Au terme du contrat, les joueurs sont libres d’effectuer un renouvellement explicite cette fois ou de conclure un nouveau contrat avec le même club.
Le contexte de conclusion des contrats de travail des joueurs de rugby est donc complexe et c’est dans ce domaine que la Chambre sociale de la Cour de cassation a rendu un arrêt le 2 avril 2014 (3).
En l’espèce, un joueur avait conclu avec son club un CDD qui a été rompu par un avenant au contrat moins de deux saisons après. Dans cette affaire, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence, en se fondant sur l’article L.1245-1 du Code du travail, a requalifié le CDD du joueur en CDI au motif que son contrat ne lui avait pas été transmis dans les 48 heures de sa signature, comme l’impose le Code du travail lorsqu’il s’agit de CDD (4). Le club s’est alors pourvu en cassation arguant que la Convention Collective du Rugby prévoyant qu’un contrat de joueur ne pouvait dépasser cinq saisons sportives, les juges d’appel, par leur décision, avaient violé cette disposition. La Haute juridiction a balayé cet argument en affirmant qu’une « convention collective ne peut déroger, de façon défavorable pour le salarié, aux dispositions d’ordre public relatives aux conditions de recours et de forme du contrat de travail à durée déterminée ». Les règles du Code du travail relatives au CDD s’appliquent donc au monde du rugby de la même façon que dans les autres secteurs professionnels.
La Cour de cassation a même été plus loin en qualifiant la disposition imposant le recrutement des joueurs en CDD illicite, rappelant ainsi que le CDD se doit d’être exceptionnel en matière de recrutement. Or, en posant comme principe que les contrats des joueurs ne devaient pas dépasser cinq saisons, la Convention faisait du CDD la règle. Il est donc aujourd’hui en théorie possible de voir des rugbymen professionnels liés à leur club par un CDI. Cependant, en pratique, ils disposent dans l’écrasante majorité de CDD.
Le contrat de travail des joueurs de rugby présente donc des particularités et une autre est que celui-ci ne peut en aucun cas comporter de période d’essai.
Afin de prendre effet, les contrats de travail des rugbymen doivent faire l’objet d’une homologation par la Ligue Nationale de Rugby (LNR), plus précisément par sa commission juridique (5). Cette homologation est indispensable afin que le joueur puisse prendre part aux compétitions organisées par la Ligue. Il en va de même pour tous les documents complétant le contrat de travail conclu.
Cette homologation répond à plusieurs conditions notamment la présence dans ledit contrat de certaines clauses obligatoires, annexées à la Convention Collective du Rugby Professionnel. Elle pourra également être refusée dans l’hypothèse où les dispositions de la Convention Collective ou du Code du travail relatives au CDD n’auraient pas été respectées, pour des considérations financières ou pour non-respect de certaines règles relatives au recrutement des joueurs issus du centre de formation.
Une fois homologué, le contrat est transmis au club qui doit alors en communiquer un exemplaire original à son joueur. En cas de refus d’homologation, le club doit en informer le joueur et ce dans un délai de 48 heures après la notification du refus.
L’entrée en vigueur du contrat suit les conditions prévues par celui-ci. Elle doit être précédée d’un examen médical afin de vérifier que le joueur est bien en capacité de participer à des compétitions de rugby professionnelles.
La conclusion des contrats de travail des joueurs de l’élite du rugby français répond donc aux règles classiques du Code du travail en matière de contrats de travail et plus particulièrement en matière de CDD et aux dispositions particulières de la Convention Collective du Rugby Professionnel. Après ce premier temps de jeu un peu âpre, reprenez donc votre souffle avant de continuer le match par la question de la rémunération des joueurs.
Nadège Geneix
Pour en savoir plus :
(1) Titre 1 Chapitre 1 Article 1
(2) Article L.1242-2 3° du Code du travail : définition du CDD d’usage
(3) Cass. Soc. 2 avril 2014 n° 11-25.442
(4) Article L.1242-13 du Code du travail
(5) Article 13 du règlement administratif de la LNR