Le Conseil constitutionnel en "accès limité"


 

Faisant suite à la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, l’Assemblée Nationale a adopté le projet de loi organique mettant en œuvre le nouvel article 61-1 de la Constitution, instituant un contrôle de constitutionnalité a posteriori. Les justiciables devraient pouvoir recourir à la « question prioritaire de constitutionnalité » début 2010.

 


 

 

L’institution d’un contrôle de constitutionnalité a posteriori devait corriger une bizarrerie du droit constitutionnel français : après sa promulgation, une loi inconstitutionnelle était insusceptible d’être contrôlée et abrogée. Le nouveau mécanisme devait donc permettre aux justiciables prétendant qu’une loi porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution leur garantit, de demander la saisine du Conseil constitutionnel en cours d’instance. L’adoption et la promulgation d’une loi organique était nécessaire pour mettre en œuvre et rendre effectif ce mécanisme. Cette loi n’était pas sans importance au regard du peu de détails contenus dans le nouvel article 61-1 de la Constitution et surtout, en raison de l’historicité de l’introduction en droit français d’un contrôle de constitutionnalité a posteriori. La loi organique précise donc les modalités du nouveau mécanisme.

 

 

Un contrôle de constitutionnalité a posteriori étroitement encadré

 

 

La question prioritaire de constitutionnalité ne pourra être soulevée qu’au cours d’une instance, comme moyen de défense dirigé contre l’application d’une loi dont le requérant soutient qu’elle porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution lui garantit. En matière pénale, elle devra être soulevée au cours de l’instruction.

 

 

 

 

Pour éviter l’engorgement du Conseil constitutionnel, la loi organique prévoit un double filtrage : le premier est effectué par la juridiction saisie de l’affaire, qui doit vérifier trois points : l’influence de la question sur l’issue du litige, l’absence de validation antérieure par le Conseil constitutionnel et le caractère sérieux de la question. Si ces conditions sont remplies, la question peut être soumise aux Cours suprêmes qui doivent se prononcer sur le renvoi de la question au Conseil dans un délai de trois mois. Les Cours suprêmes doivent examiner si la question est nouvelle ou présente un caractère sérieux. La question peut alors être envoyée au Conseil constitutionnel qui doit statuer dans un délai de trois mois sur la question sur la constitutionnalité de la disposition législative contestée.

 

 

Assurer la primauté de la Constitution

 

 

L’institution d’un contrôle de constitutionnalité a posteriori permet de réaffirmer la primauté de la Constitution vis-à-vis des lois et des engagements internationaux. Selon le professeur Bertrand Mathieu, le nouveau mécanisme permettra de « purger l’ordre juridique des dispositions inconstitutionnelles » et d’« assurer la prééminence de la Constitution dans l’ordre juridique ». En effet, les lois inconstitutionnelles en vigueur pourront être contrôlée, et le cas échéant, abrogées. De plus, la loi impose que la constitutionnalité soit examinée en priorité par rapport à la conventionnalité : même si le juge peut écarter l’application d’une loi en se fondant sur un engagement international, il devra d’abord examiner la question de constitutionnalité. L’application de la Constitution prime.

 

 

Conserver les équilibres juridictionnels

 

 

Face aux craintes de déstabilisation de l’organisation juridictionnelle, les rédacteurs de la loi organique ont cherché à respecter la sphère de compétence de chaque juridiction. Les juridictions déterminent si une question de constitutionnalité se pose et vérifient les conditions de recevabilité. Le Conseil constitutionnel opère quant à lui un contrôle abstrait portant seulement sur la question de constitutionnalité.

 

Reste à observer dans quelle mesure les nombreuses précautions prises visant à limiter les abus et ménager les sensibilités ne neutraliseront pas un dispositif regardé par Jean-Louis Nadal, procureur général près la Cour de cassation, comme « une étape majeure pour la protection des libertés et la démocratie ».

 

 

Jean-Baptiste Chevalier

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