Entre 2 et 11 % des travailleurs sont touchés par le syndrome d’épuisement professionnel. C’est ce que rappelle le sociologue Didier Truchot dans le dictionnaire des risques psychosociaux. Initialement réservé aux personnes exerçant des professions émotionnellement lourdes, comme les infirmiers, les médecins ou les enseignants, la notion est aujourd’hui généralisée, alarmant jusqu’aux pouvoir publics.
Un sentiment de fatigue intense
L’Organisation mondiale de la santé définit le burn out comme « un sentiment de fatigue intense, de perte de contrôle et d’incapacité à aboutir à des résultats concrets de travail ». Difficile pourtant de savoir avec précision ce qui provoque l’épuisement professionnel. Seule certitude : une charge de travail élevée est systématiquement présente dans les cas de burn out. Mais pas que… Le manque d’autonomie, l’absence de décision, la communication insuffisante, le déséquilibre entre les efforts fournis et la reconnaissance obtenue sont des facteurs déclencheurs du burn out. Bien sûr, certains éléments individuels comme le manque de confiance en soi sont à prendre en compte. Souvent dissimulés, les premiers symptômes d’épuisement professionnel sont aussi difficiles à identifier que leurs causes. Les premiers signes sont anodins – suées, perte de motivation, déséquilibre alimentaire – et peuvent se révéler bien plus graves.
Les experts le reconnaissent : du burn out à la dépression, il n’y a qu’un pas. Une préoccupation sérieuse qui ne se limite pas au monde occidental. Au Japon, par exemple, le terme Karoshi désigne la mort subite par épuisement nerveux au travail, causée par une crise cardiaque. Des scientifiques se sont penchés sur le cas du burn out. Leurs études démontrent qu’une personne subissant un stress chronique met son corps en état d’alerte constante provoquant une surproduction de cortisol. Un taux élevé de cette hormone peut entraîner la fatigue, l’épuisement, la dépression, les troubles de la concentration ainsi que des problèmes de mémoire. Les chercheurs ont même relevé le lien entre un taux élevé de cortisol et l’hypertension, les maladies cardiaques et le diabète.
L’alerte des pouvoirs publics
« Le burn-out est un défi social auquel nous devons répondre », expliquait Benoît Hamon en décembre 2014. « Aujourd’hui, cela coûte plus cher de soigner ces pathologies que de les prévenir » ajoutait d’ailleurs le député des Yvelines. Loin d’être un cas isolé, c’est toute une partie de la classe politique qui milite en faveur d’une reconnaissance du burn out comme maladie professionnelle. La Loi Rebsamen du 17 août marque la première étape vers cette reconnaissance, prévoyant que « les pathologies psychiques peuvent être reconnues comme maladies d’origine professionnelle » . Le rapport sur « l’intégration des affections psychiques dans le tableau des maladies professionnelles », qui sera remis au Parlement avant le 1er juin 2016, sera probablement la seconde étape.
Interview de Catherine Vasey, psychologue et spécialiste du burn out.
Le Grand Juriste. Certains secteurs professionnels sont-ils plus sensibles que d’autres au burn out ?
Catherine Vasey. Toutes les personnes sont à risque car le burn out est la réaction d’un stress chronique. Rester immobile à son bureau ne permet pas d’évacuer la pression accumulée. Bien sûr, les personnes exerçant des activités physiquement lourdes, sur des chantiers par exemple, connaissent aussi des risques physiques, mais qui s’extériorisent différemment.
LGJ. Quels sont les premiers signes d’un burn out ?
C. V. Lorsque nous sommes stressés, notre corps sécrète des hormones nous faisant fonctionner en surrégime. Au début, cela donne un sentiment de force qui peut s’avérer grisant. Certaines personnes donnent même l’apparence de « battants » face au stress, mais s’enfoncent en réalité dans une spirale infernale sans percevoir d’issue. Au fur et à mesure, le corps s’épuise sur le plan physique et émotionnel. On s’inquiète davantage, on est plus susceptible ou agressif. L’étape d’après, c’est le doute et la perte de confiance en soi. Il existe d’autres symptômes comme l’isolement, les troubles du sommeil, les maux de tête ou le désengagement de la vie privée. Lorsque ces situations s’inscrivent dans la durée, les hormones emmagasinées peuvent provoquer des accidents cardiovasculaires importants (un AVC par exemple) ou des troubles psychiques graves.
LGJ. Les jeunes peuvent-il en être atteints ?
C . V. Oui, mais les facteurs de risque sont différents. Historiquement, on appelait le burn out la « maladie de l’idéalisme ». Lors des premières années professionnelles, les jeunes sont confrontés au réel, qu’ils idéalisaient très souvent. Ils commencent alors à accumuler la pression. Si les juniors récupèrent plus vite des excès de stress, il faut garder en tête que c’est la manière dont on vit sa jeunesse qui construit sa vieillesse.
LGJ. Quels conseils prodiguez-vous aux jeunes professionnels qui ne consacrent aucun temps aux loisirs ?
C. V. La règle est simple : il faut trouver le moyen de se mettre en mouvement et de se défouler régulièrement. Prendre les escaliers au lieu de l’ascenseur, par exemple. Je conseille à certains de se forcer à marcher deux ou trois minutes toutes les heures. Avoir un loisir régulier est idéal, mais le simple fait de regarder un match de foot et de supporter une équipe est un moyen de décompresser. Diminuer la charge de travail n’est pas systématiquement la solution. Surtout si le travail plaît ! Il faut juste trouver le moyen d’évacuer la tension emmagasinée. Cela passe obligatoirement par une activité physique et une bonne hygiène de vie. Les jeunes doivent se fixer des limites pour trouver leur propre équilibre.
Propos recueillis par Capucine Coquand
Catherine Vasey, « Burn-out : le détecter et le prévenir », éd. Jouvence, 160 pages, 2012
Plus d’informations sur le site noburnout