« Gigante pela própria natureza, És belo, és forte, impávido colosso, E o teu futuro espelha essa grandeza, Terra adorada!, Entre outras mil, És tu, Brasil, , Ó Pátria amada, Dos filhos deste solo és mãe gentil, Pátria amada, Brasil ! ».
« Géant par ta propre nature, Tu es beau, tu es fort, colosse inébranlable, Et ton avenir reflète cette grandeur, Terre adorée, entre mille autres, c’est toi, Brésil, Ô Patrie aimée! Des fils de ce sol tu es la mère gentille, Ô Patrie bien aimée, Brésil[1] ». |
Dilma Rousseff devra s’acquitter d’une tâche difficile pendant son mandat : faire en sorte que le Brésil continue sur la pente ascendante qu’il suit depuis 15 ans. Le pays, qui a tout pour devenir une des plus grandes puissances mondiale dans les années à venir, dispose d’une croissance toujours aussi impressionnante : en témoigne les 7,5% de croissance en 2010[2]. Mais la présidence de Dilma Rousseff sera aussi celle de l’adaptation du Brésil à ce futur statut.
Car si le Brésil interpelle par sa dimension, sa démographie, son économie, ses ressources et son potentiel, le pays va devoir réformer en profondeur plusieurs pans de sa législation. Les réformes juridiques, politiques et sociales attendues vont changer la face d’un pays pour qui l’avenir semble tout tracé.
L’objectif de cet article est de synthétiser les perspectives offertes par le Brésil et de faire un état des lieux des réformes nécessaires à ce pays afin qu’il puisse continuer sa marche en avant. Car si l’émergence du Brésil comme puissance n’est plus à justifier, certaines limites endémiques au système brésilien existent et devront être résolues pour que le pays puisse revendiquer une influence constante et dominante ces prochaines années.
L’irrésistible ascension d’un pays-continent
« Ordem e progresso » (Ordre et progrès). Cette devise, inspirée des théories positivistes d’Auguste Comte, n’est pas présente sur le drapeau brésilien par hasard. Elle démontre un état d’esprit particulier qui règne au Brésil. Un état d’esprit tourné vers l’avenir, qui s’annonce plein de promesses pour ce pays-continent.
Si pendant longtemps le Brésil a été considéré comme une terre d’avenir[3] [4], l’actualité des ces dernières années tend à concrétiser cette tendance. Aujourd’hui, le pays dispose d’une démocratie saine, d’une monnaie stable, et surtout d’une économie crédible.
La présidente actuelle, Dilma Rousseff
Une économie de premier rang – opportunités du marché brésilien
Membre des “BRIC“ [5] (Brésil, Russie, Indes et Chine[6]), le Brésil a longtemps été considéré comme un pays en voie de développement parmi d’autres. Aujourd’hui, le pays se présente comme disposant d’un fort potentiel avec un environnement économique très prometteur. Beaucoup d’investisseurs et d’observateurs attendaient de voir la réaction des “BRIC“, en plein essor, à la crise financière de 2008. Le Brésil a été frappé tardivement par la crise mondiale de 2008, mais de surcroit ce pays en est sorti rapidement. Cet excellent signe de bonne santé économique est du à plusieurs facteurs.
Les chiffres de la croissance brésilienne sont le plus souvent avancés pour appuyer les légitimes perspectives d’avenir du pays : 6% en en 2008, 7,5% en 2010 (0,3% en 2009 sur fond de crise mondiale) et 7,5% de prévision pour l’année 2011.
La monnaie brésilienne désormais stable (2,23 réais pour 1 euro), la dette est contrôlée (le pays a remboursé sa dette au FMI pendant la présidence de Lula, et la dette publique est de 40% du PIB en 2008), l’inflation est, elle aussi, maitrisée (5,9% sur les 12 derniers mois au 1er février 2011. Même si cette inflation reste toujours une menace aux vues de la très forte croissance).
« 31 millions de personnes issues des classes les plus défavorisées se sont hissées dans les classes moyennes. 20 millions de Brésiliens sont sortis de la pauvreté, ce qui a permis à toutes ces personnes, auparavant marginalisées, de devenir des consommateurs. Ils ont commencé à fréquenter les centres commerciaux, à acheter des télévisions couleur, à posséder des choses qui jusqu’à présent étaient réservées aux classes moyennes ». Luis Iniacio Lula da Silva, Président du Brésil de 2004 à 2010. |
La structure de la société brésilienne et son histoire le rendent plus attractif. Dans les années à venir, des millions de citoyens vont basculer dans la classe moyenne. Et les secteurs porteurs ne manquent pas : automobile, services, matériel de transport, aéronautique, agroalimentaire, énergie, pharmacie, propriété intellectuelle.
Chiffres clés – République fédérative du Brésil |
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Géographie |
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Superficie |
8 515 000 km² (5ème rang mondial, 16 fois la France) |
Population |
194 millions (5ème rang mondial, en 2009) |
Capitale |
Brasilia |
Langue officielle |
Portugais (du Brésil) |
Monnaie |
Le Real (1 euro = 2,23 reais) |
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Démographie |
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Population |
194 millions (5ème rang mondial, en 2009) |
Villes principales |
São Paulo (18,4M), Rio de Janeiro (11,1M), Belo Horizonte (4,5M), Porto Alegre (3,8M), Salvador de Bahia (2,4M), Fortaleza (2,14M), Curitiba (1,6M), Manaus (1,6M) Recife (1,3M), Belem (1,1M), Goiania (1,1M). |
Croissance démographique |
1,20 % (2009) |
Espérance de vie |
73 (moyenne) ; 68,5 ans (hommes) ; 76,6 ans (femmes) |
Taux d’alphabétisation |
89% (taux officiel) |
Religions |
catholiques (73,6%) ; évangélistes (18%) |
Coefficient de Gini (degré d’inégalité de répartition des richesses) |
0,59 |
Indice de développement humain (Classement PNUD) |
0,693 (73e) |
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Economie |
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Croissance |
5,9% en 2008 ; 0,3% en 2009 ; 7,5% en 2010, 10,1% au premier trimestre 2011, 7% de prévision pour 2011 |
PIB |
1572 milliards $ (8ème rang en 2009) ; 1591 milliards $ (projection 2011) |
PIB par habitant |
8.209 $ (2009) |
Taux de chomage |
6,7% en 2010 |
Taux d’inflation |
4,3% en 2009 |
Part des principaux secteurs d’activités dans le PIB (2009) |
agriculture : 6,1 % ; industrie : 25,4% ; services : 68,4% |
Exportations de biens et services |
153 milliards de dollars en 2009 et 195,8 milliards de dollars en 2010 |
Importations de biens et services |
127,7 milliards de dollars 2009 et 179,7 milliards de dollars en 2010 |
Balance commerciale |
25,3 milliards de dollars en 2009 et 16,1 milliards de dollars en 2010) |
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Information juridique |
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Constitution |
Constitution de 1988. Régime fédéral présidentiel |
Pouvoir exécutif |
Président et le Vice-président élus pour 4 ans renouvelable une seule fois, au suffrage universelle, à la majorité absolue. Le président nomme les ministres, a l’initiative des lois et peut opposer son veto. Les 27 Etats disposent de toutes les compétences qui ne leur sont pas interdites par la Constitution, le pouvoir fédéral ayant l’exclusivité en matière de défense, de relations extérieures, de monnaie et de crédit. |
Pouvoir législatif |
Le Congrès, qui élabore et vote les lois, est composé du Sénat fédéral (81 sénateurs, 3 par Etat, élus au suffrage direct et au scrutin majoritaire pour 8 ans) et de la Chambre des Députés (513 élus au suffrage direct et au scrutin proportionnel pour 4 ans). Les lois à valeur constitutionnelle sont adoptées à la majorité des 3/5èmes (308 députés et 49 sénateurs). |
Pouvoir judiciaire |
Le contrôle direct de constitutionalité est exercé par le Tribunal fédéral suprême (STF), composé de 11 magistrats nommés par le Président de la République, après approbation par le Sénat. Des juges et des tribunaux spéciaux sont affectés à trois domaines spécifiques : la justice du travail, la justice électorale, et la justice militaire. Le Tribunal Supérieur de Justice juge les recours contre les décisions des tribunaux fédéraux et ceux des Etats. |
Il est important de souligner à nouveau que le Brésil a particulièrement bien résisté à la crise financière et économique internationale, terminant l’année 2009 avec une croissance très légèrement positive (0,3 %). Grâce à ce facteur le pays a réduit sa vulnérabilité et a augmenté la confiance des non-résidents. Le Brésil est ainsi devenu un des pays les plus attractifs pour les investissements étrangers. Selon les dernières estimations du gouvernement, l’économie brésilienne devrait croître sur rythme moyen annuel de 5,8% entre 2011 et 2014[7].
Un poids-lourd des ressources
L’un des principaux facteurs du faible impact de la crise sur le pays fut l’envolée du cours des matières dont le pays regorge : Soja, grains, huile, viandes, volailles, sucre, café, orange, farine, or, fer, maïs, bois … autant de ressources qui montrent la force d’un pays-continent, ferme du monde.
Le Brésil se présente comme un poids lourd mondial des ressources énergétiques. Les gigantesques découvertes de pétrole ne font que confirmer ce constat. Plus encore, le pays tente d’imposer l’utilisation de l’éthanol comme carburant au niveau mondial. Cette source d’énergie non fossile (alcool extrait de la fermentation de la canne à sucre) équipe 85% des voitures neuves du pays, est moins chère que le pétrole et rejette cinq fois mois de gaz à effet de serre.
Depuis une dizaine d’année, le Brésil est autosuffisant en énergie (notamment en pétrole et en gaz). Ses ressources énergétiques sont particulièrement équilibrées puisqu’elles proviennent du pétrole à hauteur de 38%, de l’éthanol (30%) de l’hydro-électricité (15%) et de gaz naturel (10%)[8]. Plus encore, avec l’augmentation constante des découvertes de réserves énergétiques (gazière et surtout pétrolière au large de l’état de Rio en 2007) le Brésil devrait s’imposer dans quelques années comme l’un des plus gros exportateurs d’énergie du monde, tout en confortant les besoins futurs de son industrie. L’énorme potentiel pétrolier se présente comme le symbole de la puissance brésilienne.
Sur les devants de la scène mondiale
Avec l’organisation de la coupe du monde de Football en 2014[9] et des Jeux Olympiques en 2016[10], le pays s’apprête à être sur les devants de la scène mondiale. Disposant d’infrastructures sportives, la ville de Rio de Janeiro devra cependant régler les problèmes de violences salissant sa réputation.
Un des grands signes de la présence du Brésil au niveau des grands Etats de ce monde, est la récente prospérité diplomatique que connait le pays. Depuis la présidence de Lula, le Brésil affirme ses opinions, ses prises de décisions et ses relations internationales. Pour preuve le pays a ouvert 68 ambassades et consulats dans 37 pays en 10 ans. Plus encore, les positions contre les sanctions de l’ONU envers l’Iran, ou contre le plan de sauvetage des banques des Etats-Unis ou de l’Europe, les amitiés brésiliennes avec le Venezuela ou Cuba et l’entrée du pays remarquée au G20 sont les démonstrations de l’activisme diplomatique du pays.
A tel point que le Brésil revendique depuis quelques années une place au Conseil permanent des Nations unies (avec l’appui de la France, mais pas des Etats-Unis).
Enfin, le Brésil est également le pays porteur de tout un continent, l’Amérique du Sud. Pour autant, il refuse d’assumer le rôle de leader de la zone économique et tient à garder sa spécificité (notamment en étant le seul pays dont le portugais est la langue officielle en Amérique du Sud). L’ilot lusophone que constitue le Brésil accepte cependant les projets régionaux au travers de sommets annuels sur l’économie du continent et tente surtout de régler les problématiques sud-américaines sans l’intervention des pays du Nord, et notamment des Etats-Unis.
La France est très présente au Brésil, notamment dans l’automobile, le nucléaire, l’aéronautique ou la distribution… il faut faire venir plus de PME françaises au Brésil. Elles ont tout intérêt à aller dans un pays qui va être l’un des moteurs économiques du XXIème siècle[11] ». Carlos Ghosn, PDG de l’alliance Renault-Nissan. |
Le Brésil, qui ne cesse d’impressionner, se présente comme un partenaire privilégié de la France. Tout d’abord, certains secteurs (militaire, automobile, énergie) démontrent une réelle coopération entre les deux pays frontaliers (Frontière commune en Guyane). Mais plus que cela, nous partageons des valeurs avec les brésiliens qui se ressentent tant par nos racines latines que par notre droit civil, largement partagés entre les deux pays. Il y a donc fort à penser que ces relations entre les deux pays s’inscriront dans la durée.
Prospérité rime avec démocratie
L’avènement économique brésilien s’est accompagné d’une réduction constante de la pauvreté dans le pays, d’une diminution significative des inégalités économiques et sociales et surtout d’un renforcement de la démocratie. Les autres « BRIC » ne peuvent certainement pas tirer le même bilan (en particulier la Chine et la Russie)[12] [13].
Le Brésil continue à impressionner par la bonne santé de sa démocratie. L’élection de Dilma Roussef en 2009 marque la continuité des années Lula, et la stabilité de la participation électorale (99 millions de Brésiliens ont voté pour la dernière élection présidentielle, soit 82% de participation[14]).
Si les deux mandats de Lula sont incontestablement une grande réussite économique, sociale et politique, il ne faut pas oublier que le Brésil avait commencé son virage vers le néolibéralisme sous la Présidence de Fernando Henrique Cardoso (Président de 1995 à 2003). La stabilisation économique du pays, suite au Plan Real de 1994[15] dudit Président Cardoso peut représenter le point de départ de l’émergence du Brésil comme puissance mondiale. Cependant, Lula a réussit ce dont le pays avait le plus besoin : fédérer un peuple si différent dans un continent si vaste en réussissant des réformes d’ampleur et des paris sociaux novateurs (avec notamment la Bolsa familia[16] [17]).
De Lula…
Suite à plusieurs mouvements et manifestations dans les années 80, la junte militaire au pouvoir s’affaiblit pour laisser place peu à peu aux aspirations démocratiques du peuple. De nouvelles références sociales peuvent alors faire leur apparition : l’Eglise mais surtout la formation de nouveaux partis politiques dont le « PT » (Parti des Travailleurs) dont l’une des principales figures fut Luis Inacio Lula da Silva, un homme du peuple, ouvrier-tourneur, cireur de chaussures, vendeur de cacahuètes, syndicaliste, figure politique, parlementaire puis Président de la république. On comprend que l’ascension de Lula ait accompagné celle du Brésil.
« Le Brésil était connu pour le football, le carnaval et les enfants des rues. Aujourd’hui il l’est aussi pour sa rigueur financière. J’aimerais passer à la postérité comme le premier président qui a donné de l’argent au FMI. Prêter de l’argent au FMI, est-ce que ce n’est pas du dernier chic ? » Luis Iniacio Lula da Silva, Président du Brésil de 2004 à 2010. |
L’investiture de M. Lula da Silva suscite alors un immense espoir notamment de la population pauvre qui se vérifia 8 ans après son élection, lorsque Lula quitta le pouvoir avec 85% d’opinion favorable, en étant plus populaire qu’à son élection. La réussite et la popularité de « l’homme du peuple » fit de lui « l’homme le plus influent du monde » pour le Times en avril 2010[18].
Nombreuses sont les avancées qu’a connu le Brésil durant la présidence de Lula. Sa grande réussite fut la bolsa familia (« bourse de famille ») qui sortit des millions de personnes de la pauvreté en fournissant un pouvoir d’achat aux pauvres tout en garantissant l’avenir du pays en réduisant l’absentéisme scolaire et peu à peu le travail des enfants. Sur le plan intérieur, l’amélioration de la scolarité, de la police, de la justice, l’augmentation sensible de la classe moyenne, du pouvoir d’achat et donc la réduction des inégalités sociales furent les avancées principales du Brésil ces 8 dernières années. Une des grandes fiertés de Lula fut que le Brésil a pu, pour la première fois de son histoire, financer le Fonds Monétaire International en 2009[19], tout en remboursant intégralement sa dette internationale.
Les années Lula ont permis d’assurer la disparition du « risque Brésil » auprès des investisseurs étrangers, après que l’économie et la monnaie furent stabilisées.
…à Dilma
Investie le 1er Janvier 2011 dans ses fonctions de présidente de la République fédérative du Brésil, Dilma Rousseff est devenue la première femme à occuper de si hautes fonctions à la tête du plus vaste pays d’Amérique Latine, devenu la 8ème économie mondiale[20].
Voilà encore une preuve de l’excellente santé de la démocratie brésilienne qui est capable d’élire une femme à la Présidence, après avoir choisi un homme du peuple pour diriger le pays. Cette démocratie s’enracine d’autant plus que le président Lula refusa de modifier la Constitution pour être élu une troisième fois de suite à la présidence. Femme de confiance de l’ancien président, elle s’inscrit dans la continuité des années Lula et a recueilli 56% des voix.
Si le Brésil se présente aujourd’hui comme un pays d’avenir et d’accueil des investissements mondiaux, il ne faut pas oublier qu’il reste un pays de fort contraste, nourri de complexités structurelles et qui se doit de mettre en œuvre des réformes importantes : réformes de l’administration, de la fiscalité, du droit social et réforme industrielle principalement.
Le Brésil est donc à l’aube d’un nouveau défi : prolonger le climat économique actuel en garantissant un « cadre des affaires » protecteur et compétitif.
Les réformes nécessaires
Le Brésil, « terre de contraste » selon Jacques Attali[21], a déjà beaucoup évolué en 10 ans. Cependant, Lula da Silva est souvent jugé comme un homme de mouvement, ayant dopé le moral de la nation, mais sans avoir apporté de réformes en profondeur. S’il a apporté au Brésil son lot de nouveautés (Bourse de famille, Plan d’accélération à la croissance, etc.), il est grand temps de réformer le pays pour éviter que le modèle n’atteigne ses limites.
Le cadre légal brésilien est déjà en pleine mutation depuis 2007 et la mise en place du « Plan d’accélération à la croissance », dont Dilma Rousseff, avait la charge pendant ces dernières années.
« La Constitution de 1988 a pris le contre-pied de celle des militaires… [Elle] décentralise au profit des Etats fédérés, introduit des droits sociaux et la liberté individuelle et revalorise le Congrès pour faire contrepoids à l’élection présidentielle au suffrage universel direct et à ses possibles dérives messianiques[22] ». Alain Rouquié, politologue, ambassadeur de France au Brésil de 2000 à 2003, Président de la maison de l’Amérique latine à Paris. |
Les taches endémiques du système
Le Brésil est un pays pleins d’antagonismes et de paradoxes. Bien que disposant de nombreuses richesses et d’une très forte croissance, il reste l’un des pays les plus inégalitaires du monde. Le Brésil a fort à faire pour changer cette image. D’énormes disparités de revenus engendrent de trop gros écarts de richesse entre les populations. Au niveau national, les Sud est plus que jamais extrêmement riche par rapport au Nord du pays. Au niveau local, des très fortes inégalités frappent les habitants des grandes métropoles (en particulier Rio de Janeiro ou São Paulo).
Autre point négatif, la violence endémique et extrême que connait le pays. L’abolition tardive de l’esclavage, la pauvreté, l’augmentation du trafic de drogues et d’armes de gros calibre et l’impunité sont les causes de la montée constante de la délinquance criminelle. La tradition de violence qui règne au Brésil entraine chaque année une croissance du chiffre des homicides. L’augmentation du nombre de favelas dans les années 80 et 90 et l’accroissement des inégalités sont les autres facteurs des forts taux d’homicide.
La pacification du Brésil sera un élément essentiel des prochaines années. Pour un pays se présente sur les devants de la scène mondiale, la logique du système de répression de la violence doit changer. Cela passe par la création de plus en plus d’unités de police pacificatrice (UPP) dans les favelas, par une diminution indispensable de la corruption dans la police et l’administration, ainsi que par l’augmentation de l’efficacité de la justice.
L’ancien président Lula
En effet, la corruption fait également partie des points noirs du Brésil, au point que les parlementaires brésiliens ont adopté en juin 2010 la première loi anti-corruption de l’histoire du Brésil. Cette loi fut baptisée ficha limpa (fiche propre). L’objectif est d’endiguer une corruption traditionnelle qui entraine népotisme, favoritisme ou clientélisme, et, de fait, ralentit les perspectives d’évolution du pays.
« Il nous manque une justice plus diligente dans laquelle les citoyens puissent avoir confiance […] il nous manque un système politique moins soumis aux vieilles pratiques du clientélisme et du népotisme […] un Etat qui soit, à tous les niveaux de gouvernement de notre fédération, à la hauteur des défis sociaux du pays […] ces défis ne sont pas minces. Au regard de ce que nous avons été capables de faire ces vingt dernières années, je crois que les relever est à notre portée » Fernando Henrique Cardoso, Président du Brésil de 1995 à 2003. |
Ajoutez à cela une administration procédurière et une complexité récurrente du système fédéral, et le Brésil pourrait rapidement ne pas offrir les garanties structurelles à son essor économique. Les lenteurs de l’administration, qui freinent grandement la compétitivité et la productivité des entreprises, sont souvent décriées.
Les contraintes administratives et fiscales sont nombreuses et peuvent entrainer à terme un frein à l’économie. Ce qu’on appelle maintenant le “coût brésil“ inquiète les pouvoirs publics depuis quelques années. Les pesanteurs bureaucratiques pèsent sur l’économie à tous les niveaux. Les chefs d’entreprise déplorent notamment un droit du travail trop rigide et une fiscalité très complexe. L’un des buts du plan d’accélération de la croissance est d’améliorer les problèmes structurels de l’administration au Brésil pour soutenir les perspectives futures.
Si l’inflation semble maitrisée depuis la présidence de Fernando Cardoso et l’instauration de la monnaie, le “réal“, certains économistes restent inquiets et pointent la fragilité chronique de l’inflation du Brésil (comme pour l’Inde). Pour preuve, la banque centrale brésilienne a relevé ses taux d’intérêt pour la première fois en 8 mois, pour porter son taux directeur à 11,25%, l’un des plus élevés au monde. Cette politique monétaire classique s’ajoute à une politique budgétaire et fiscale annoncée par Dilma Roussef (forte réduction des dépenses publiques).
Enfin, la pression fiscale est globalement assez élevée au Brésil. Mais c’est surtout la très forte complexité du système fiscal brésilien qui doit être mise en avant. Ainsi, de nombreux investisseurs se heurtent à une logique différente de celle des pays OCDE (en particulier pour la législation des prix de transfert ; rappel, le Brésil n’est pas membre de l’OCDE). Ainsi, la standardisation de la fiscalité est un des grands chantiers de la présidence de Dilma Rousseff, notamment sur les critères utilisés pour la politique de prix de transfert du pays.
Un risque de surchauffe ?
La récente remontée de l’inflation a ravivé le souvenir des années cauchemardesques du Brésil des années 90. La nouvelle présidente du pays a décidé de prendre en main le risque inflationniste en instaurant une politique budgétaire solide afin de freiner les craintes sur l’économie du pays. Au programme, d’ambitieuses coupes budgétaires (50 milliards de reais environ, soit 21 milliards d’euros) pour arriver à une baisse des dépenses de 2,7% par rapport à 2010 : les secteurs de la défense et la réduction des avantages fiscaux du milieu de l’automobile et de l’électroménager sont les plus touchés, tandis que les dépenses sociales et le secteur public sont épargnés.
Economiquement, il est certain que la relève du taux d’intérêt poussera à attirer toujours plus de capitaux étrangers. Certes, la devise restera forte, mais surement survalorisé, et pourrait conduire à un phénomène de désindustrialisation au Brésil, qui compte déjà une industrie trop peu importante.
L’inflation fait partie des signes qui inquiètent encore aujourd’hui et qui peut faire partie des indicateurs d’un risque d’emballement de l’économie brésilienne. L’arrivée de 35 millions de brésiliens au sein de la “classe moyenne“, les 45 milliards de dollars d’investissement direct étranger en 2010 (un record) et les taux directeurs de la banque centrale brésilienne sont des signes d’une abondance que le Brésil va devoir gérer à court-terme.
Face à ces craintes, le droit brésilien va devoir s’adapter.
« la voie à suivre pour être un pays développé ne se trouve pas seulement dans le domaine économique tout simplement. Elle sous-entend la promotion sociale et l’appréciation de la diversité culturelle. La culture est l’âme d’un peuple et l’essence de son identité ». Dilma Rousseff, Présidente du Brésil depuis le 1er janvier 2011. |
Plan d’accélération de la croissance
Le PAC, Programa de Aceleração do Crescimento[23] (Plan d’accélération de la Croissance) a pour objectif de soutenir la croissance brésilienne en stimulant l’investissement privé par des mesures administratives et fiscales, développant les infrastructures dans les industries réputées pour leur effet d’entraînement dans l’économie (transport, énergie, construction civile) et réduisant les inégalités régionales (les Etats les plus pauvres recevront plus de ressources)[24].
Depuis 2010, le Brésil connait un second plan, après le premier lancé en 2007. Le « PAC 2 » définit six axes prioritaires, notamment l’énergie, les transports et l’habitat populaire. Cet ambitieux plan d’investissements est essentiellement financé par des fonds publics. Les grands travaux d’infrastructures de ce programme sont, une fois encore, destinés à moderniser le pays et à soutenir des perspectives économiques déjà prometteuses.
Ce Plan d’accélération à la Croissance fait partie d’une série de grands Plans transversaux (Plan d’action en science, technologie et innovation, Politique de développement productif – PDP, etc.) ayant pour but de régler les problématiques structurelles à l’accélération et à la pérennité de la croissance, ainsi qu’à appuyer le développement des entreprises, et à générer une base de croissance économique plus sure pour le Brésil.
http://www.economist.com/ – Rex Features
Investir au Brésil – implanter une structure au Brésil
L’environnement des affaires au Brésil est en pleine mutation. Les besoins croissants d’une classe moyenne en augmentation font la satisfaction des futurs investisseurs brésiliens et étrangers.
La tradition civiliste du pays-continent rapproche nos deux systèmes. Le Brésil dispose, selon Charles-Henry Chenut (avocat au sein du cabinet Chenut Oliveira Santiago) d’ « un cadre opérationnel connu, puisque le droit ramono-germanique a baigné le système juridique » [25].
Cependant le système fédéral entraine de nombreuses différences avec la France.
Comme vu plus haut, les lourdeurs administratives, la corruption et l’obligation de faire authentifier tout document sont des obstacles considérables pour implanter une structure au Brésil. D’autant qu’il est obligatoire d’opter pour le statut de société brésilienne pour s’implanter dans le pays. Plus encore, les réglementations rigides du droit social brésilien empêchent une flexibilité nécessaire pour tout chef d’entreprise.
Plus encore, les méthodes de règlement des conflits sont encore très décriées. Bruno de Cazalet, avocat-associé de chez Gide Loyrette Nouel avance que « l’arbitrage existe mais il exige une procédure purement brésilienne » le payant n’ayant toujours pas signé la convention du Cirdi (centre international de règlement des différends relatifs à l’investissement)[26].
Selon une enquête de la Société financière internationale, il est nécessaire de compter une centaine de jours en moyenne pour créer une société au Brésil, pour remplir les 18 procédures différentes nécessaires. Le « coût Brésil » se fait également sentir avec l’établissement de l’imposition (2600 heures en moyenne par an).
Cependant la démocratie brésilienne n’a que 25 ans. Il est important d’avoir en mémoire l’état de délabrement dans lequel la dictature militaire a laissé le pays en 1986 (dette colossale…). Ainsi, le bilan économique, social et culturel du Brésil est globalement extrêmement positif. Reste que le droit brésilien (en particulier le droit financier, le droit des biens, le droit commercial et fiscal et le droit social) est amené à changer en profondeur face aux enjeux du futur.
Adrien CHALTIEL
Elève-avocat au barreau de Paris
Intern au sein du cabinet Veirano Advogados – Rio de Janeiro, Brésil
Notes
[1] “Hino Nacional Brasileiro“ – hymne national du Brésil écrit par Joaquim Osório Duque Estrada et composé par Francisco Manuel da Silva.
[2] Source www.diplomatie.gouv.fr
[3] Déjà en 1941, Stéfan Zweig
[4] Georges Clémenceau disait du Brésil « un pays en devenir et qui le restera longtemps»
[5] Terme est apparu pour la première fois dans les « Global Economics Papers » de la banque Goldman Sachs le 30 novembre 2001.
[6] L’occasion de rappeler que la Chine constitue le premier partenaire commercial du Brésil.
[7] Sources : Diplomatie.gouv, DGTrésor, Les Echos, Le monde, Banque Mondiale, The Economist, IBGE, CEPALC, OECD
[9] T. Narciso, R. Ubiraci Sennes, “Brazil as an International Energy Player”, dans L. Brainard, L. Martinez-Diaz (dir.), op. cit., 2009, pp. 17-55.
[10] http://www.footballworldcupbrazil2014.com/
[11] http://www.rio2016.org.br/
[12] Le monde, hors-série, « Brésil, un géant s’impose »
[13] IPEA, « Dimensão, evolução e projeção da pobreza por região e por estado no Brasil », Comunicado do Ipea, nº 58, Rio de Janeiro, Instituto de Pesquisa Econômica Aplicada, juillet 2010, 14 p.
[14] http://www.diploweb.com/Le-Bresil-comme-puissance-portee.html#nh20
[15] Site du tribunal supérieur électoral du Brésil – Tribunal Superior Eleitoral – statistiques des élections présidentielles de 2010.
[16] M. C. R. M. do Prado, A real historia do real. Uma radiografia da moeda Que mudou o Brasil, Rio de Janeiro, Record, 2005.
[17] Bolsa Família est un programme social brésilien, destiné à lutter contre la pauvreté et mise en place sous la présidence de Luiz Inácio Lula da Silva. Il fait partie du programme plus général « Faim Zero ». Ce programme vise les familles aux revenus mensuels inférieurs à 120 réals. Si les enfants de la famille sont scolarisés et suivent les programmes de vaccination obligatoires, la famille touche une aide mensuelle allant jusqu’à 200 réals (environ 80 euros).
[18] http://www.mds.gov.br/bolsafamilia
[19] M. Moore, “Luiz Inácio Lula da Silva”, Time Magazine, 29 avril 2010
[20] http://www.imf.org/External/spring/2009/imfc/statement/eng/bra.pdf
[21] Dilma promete honrar a confiança dos brasileiros
[22] Interview dans l’émission « conversation d’avenir » sur la chaîne public Sénat
[23] Le monde Hors Série – « Brésil un géant s’impose »
[24] http://www.brasil.gov.br/pac
[25] Site de l’ambassade de France au Brésil
[26] Source – article de Olivier Razemon, la lettre des juristes d’affaires, « au Brésil, savoir bien s’entourer »
[27] Source – article de Olivier Razemon, la lettre des juristes d’affaires, « au Brésil, savoir bien s’entourer » |
Chronologie |
1493 – Découverte et partage du Brésil partie de l’empire portugais
1500 à 1800 – extermination du peuple indien, découvertes des richesses (notamment le bois et l’or), apogée du commerce triangulaire
1822 – Indépendance du Brésil
1888 – Abolition de l’esclavage
1917 – Engagement dans la 1ère guerre mondiale au coté des alliés
1942 – Le Brésil rejoint l’axe au cours de la 2nde guerre mondiale
1960 – La capitale brésilienne est transférée de Rio de Janeiro à Brasilia
1964 – Coup d’état militaire. Début de la dictature
1965 – Dissolution de tous les partis politiques
1985 – Fin de la dictature militaire
1988 – Adoption d’une nouvelle constitution
1989 – Election du Président Fernando Collor de Mello au suffrage universel direct
1991 – Instauration du Mercosur en Amérique du Sud
1992 – Fernando Collor de Mello démissionne suite à un scandale de corruption. Il est remplacé par Itamar Franco.
1994 – Fernando Henrique Cardoso est élu président dés le premier tour des élections ; Lancement du « plan Real » pour combattre l’inflation
1998 – Réelection de Fernando Henrique Cardoso à la présidence du Brésil
2002 – Election de Luiz Inacio Lula da Silva à la présidence
2004 – plus forte croissance du PIB (5,4%) depuis douze ans
2006 – Réelection de Lula à la présidence
2007 – Découverte de gigantesque gisement de pétrole au large de Rio de Janeiro ; mise en place du PAC (Plan d’accélération de la croissance)
2010 – Election de Dilma Roussef à la présidence |
Pour en savoir plus
Le Monde hors-série « Brésil, un géant s’impose »
La lettre des juristes d’affaires – 8 novembre 2010, n° 996, « au Brésil, savoir bien s’entourer » d’Olivier Razemon
PARJAL – 20 novembre 2010, n°2916, « émergence : le Brésil un pays du présent » Olivier Razemon
Le Brésil comme puissance : portée et paradoxes, Jean DAUDELIN, Diploweb.com
La revue Problèmes d’Amérique latine sur le site des éditions Choiseul
http://www.economist.com/countries/brazil/
Dossiers internationaux Francis Lefebre – Brésil – Agnès de L’Estoile-Campi
Conférence du 27 octobre 2010 « les deuxièmes rencontres franco-brésiliennes de droit des affaires » organisées par le Barreau de Paris et Ubifrance.
http://visionbresil.wordpress.com/
Jean-Pierre Langellier, « Dilma Rousseff, l’héritière désignée de Lula au Brésil », dans Le Monde, 2 octobre 2010
http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/pays-zones-geo_833/bresil_492/presentation-du-bresil_941/index.html
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