La directive ACCIS, relative à l’assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés (ACCIS) a été présentée, une première fois à la Commission Européenne, le 16 mars 2011. A cette occasion, l’ACCIS se présentait comme un régime optionnel. En effet, l’idée de départ était que les entreprises qui estimaient pouvoir tirer profit d’un système harmonisé, au niveau de l’Union Européenne, auraient pu opter pour le régime prévu dans la directive. Pendant que les autres entreprises, estimant que ce nouveau système leur aurait été défavorable, bénéficieraient du régime national.
I En quoi consiste l’ACCIS ?
L’idée principale est de simplifier l’imposition des entreprises de l’Union Européenne, confrontées à pas moins de 28 régimes différents en matière d’impôt sur les sociétés, mais également de faciliter les opérations au sein du marché intérieur. En effet, il est parfois difficile pour une entité active dans l’Union de déterminer son bénéfice imposable. Plus récemment, l’ACCIS a également été présentée comme un instrument efficient pour lutter contre l’évasion fiscale, car elle permettrait l’élimination de nombreuses failles du système actuel d’imposition des sociétés. Ainsi, à terme, l’ACCIS pourra se révéler un élément essentiel à la transparence de la fiscalité au sein de l’Union Européenne. Enfin, la directive ACCIS affiche un objectif de réduction de la charge administrative et des coûts de mise en conformité (compliance costs).
L’ACCIS fonctionnerait à l’aide d’un système de guichet unique pour remplir les déclarations fiscales et consolider les profits et pertes enregistrés, par un groupe de sociétés, au sein de l’Union. En effet, ce versant de l’ACCIS est présenté sous le terme de « consolidation ». Actuellement, les entreprises ne peuvent pas compenser les déficits subis dans un Etat membre par les bénéfices acquis dans un autre. Dès lors, ce mécanisme fonctionnerait de la façon suivante : une entreprise mère dans un Etat membre pourrait bénéficier d’une exonération fiscale temporaire des gains enregistrées par une de ses filiales établie au sein d’un autre Etat membre. Elle emploierait ainsi les bénéfices réalisés dans un autre établissement à la soutenance des établissements en difficulté. De fait, une fois la filiale consolidée financièrement, l’Etat membre où est établie la société mère pourrait en quelque sorte récupérer les impôts exonérés pendant les exercices déficitaires. Le but étant pour l’entreprise d’avoir une fiscalité globale au sein de tous ses établissements dans un souci de consolidation financière. Ce qui permettrait aux Etats membres de ne pas supporter en permanence la charge d’une société non rentable et établie dans un autre Etat membre. Ainsi, la consolidation aurait à terme une incidence définitive et significative sur les recettes des Etats membres, ce qui en fait un sujet à controverse.
Ainsi, l’ACCIS permettrait de réduire les procédures administratives puisque les entreprises auraient la possibilité de remplir une seule déclaration fiscale consolidée à l’intention d’une administration unique pour l’ensemble de leur activité dans l’Union. Grâce à cette déclaration fiscale unique, l’assiette imposable de l’entreprise serait répartie entre les Etats membres dans lesquels elle exerce une activité.
De plus, aux détracteurs de l’ACCIS et de l’Union Européenne, qui jugeraient cette nouvelle directive trop intrusive, il convient de souligner que les Etats membres conserveraient intégralement leur souveraineté en matière de fixation du taux de l’impôt sur les sociétés.
Le but affiché de la Commission Barroso II, à l’origine du projet, est d’éliminer les obstacles au bon fonctionnement du marché unique, de lutter contre l’évasion fiscale et de stimuler la croissance ainsi que la création d’emplois au sein de l’Union Européenne.
Le projet ACCIS peut se diviser en deux aspects : une assiette commune pour l’impôt sur les sociétés avec une application d’un corpus unique de règles pour le calcul du résultat imposable à l’impôt sur les sociétés (IS) dans tous les Etats membres et une consolidation des résultats des membres du groupe, afin de neutraliser les retenues à la source prises sur certains flux entre sociétés localisées dans différents Etats européens.
Toutefois, il convient de rappeler que ces mesures, destinées à simplifier la vie intragroupe au sein de l’Union Européenne ne permettront pas de réduire les prix de transfert ou même de supprimer l’obligation pour les groupes de respecter des obligations administratives lourdes dans leurs relations avec les Etats tiers.
II Qu’en est-il actuellement de l’ACCIS ?
Le projet initialement présenté en 2011 n’ayant pas connu de suite, la Commission a présenté en juin 2015 une stratégie pour relancer l’ACCIS.
Une consultation publique s’est terminée le 8 janvier 2016 afin de déterminer les mesures clés à inclure dans la relance de la proposition de l’ACCIS. Elle visait essentiellement les entreprises, la société civile ainsi que d’autres parties prenantes.
Une nouvelle proposition est prévue en 2016 comportant, outre les modifications liées à la consultation publique, deux changements essentiels :
- L’ACCIS ne serait plus optionnel mais obligatoire pour les sociétés multinationales. En effet, l’ACCIS s’est de plus en plus révélée être une arme potentielle contre la lutte contre l’évasion fiscale et en cela, il serait effectivement plus pertinent de viser en priorité les multinationales qui bénéficient des failles actuelles;
- Une approche graduelle pour l’introduction de l’ACCIS. La consolidation est l’élément le plus sujet à débat, il est donc envisagé de reporter la mise en place de celle-ci, afin d’accélérer la mise en place des éléments ayant obtenu un consensus des Etats membres.
III A quoi ressemblerait l’ACCIS sans consolidation ?
Les sociétés pourraient bénéficier d’une simplification des activités transfrontalières sur le marché unique, cette simplification permettant de réduire leurs coûts. En effet, il n’y aurait plus de coûts de mise en conformité pour respecter les 28 ensembles de règles différents.
De plus, l’ACCIS sans consolidation permettrait de lutter contre la fraude fiscale en éliminant les incohérences et les failles existant entre les systèmes fiscaux nationaux.
Toutefois, la consolidation est l’élément qui permettrait d’établir une véritable limite à l’évasion fiscale.
IV Comment s’articule l’ACCIS ?
La dernière version de la proposition de l’ACCIS prévoit une répartition en 3 facteurs affectés d’une même pondération. Il s’agit de : la main d’œuvre, les immobilisations et le chiffre d’affaire. Ces trois facteurs ont pour but de garantir l’imposition des bénéfices dans les pays où ils sont effectivement dégagés. Néanmoins, une procédure d’exception prévoit que lorsque le résultat de la répartition n’est pas conforme à l’étendue des activités économiques, une clause de sauvegarde prévoit une méthode de remplacement.
La main d’œuvre comprend la masse salariale mais également les effectifs : ainsi, il n’y a pas plus d’avantage pour les Etats où les salaires seraient élevés que pour les Etats où ils ne le seraient pas.
Les immobilisations, quant à elles, ne comprennent que les immobilisations corporelles. En effet, les immobilisations incorporelles et les actifs financiers ne sont pas pris en compte dans le calcul en raison de leur caractère mobile et du risque accru de fraude.
Enfin, le chiffre d’affaires permet de rendre compte du poids économique de l’Etat membre de destination.
Néanmoins, il convient de noter que la notion de bénéfice telle que présentée par l’ACCIS repose sur une approche « compte de résultat » telle que le bénéfice équivaut à la différence entre produits et charges.
V Dans les relations avec les Etats tiers, quels problèmes l’ACCIS va-t-elle poser aux conventions fiscales ?
Le point problématique risque de porter sur le calcul des profits des établissements. Notamment si le calcul de ceux-ci est prévu d’une manière différente de celle exprimée dans la directive, il existera une divergence entre le montant attribué à l’établissement stable par la directive et celui ouvrant droit à exonération ou à crédit d’impôt dans l’Etat du siège en vertu de la convention.
A priori, ces problèmes d’articulations des normes n’ont pas été réglés par la directive. Toutefois, les travaux préparatoires de celle-ci semblent estimer que par analogie, en cas de conflit entre les Traités et les conventions avec les Etats tiers (article 351 du Traité de fonctionnement de l’Union Européenne), il faudrait privilégier la convention si celle-ci est entrée en vigueur antérieurement à la directive. Si cette solution est privilégiée, la conséquence pour les sociétés est qu’elles devront tenir deux comptabilités : l’une pour les besoins de l’ACCIS et l’autre pour l’Etat tiers, en vertu de la convention fiscale signée avec celui-ci.
Charlotte POILLIOT
Sources :
- EUROPA, fiscalité et union douanière è Communiqué de presse, dossiers, articles…