L’assemblée nationale dit non au mariage homosexuel

 


 

 

La question du mariage homosexuel a été débattue pour la première fois à l’Assemblée nationale le 6 juin 2011 suite à la proposition de loi visant l’ouverture du mariage aux couples de même sexe. Ce texte, défendu par le député Patrick Bloche, avait pour objet d’insérer dans le code civil un article 143 précisant que le mariage peut-être contracté par deux personnes de même sexe ou de sexes différents. Mais l’Assemblée nationale a rejeté le 14 juin 2011 cette proposition de loi (par 293 voix contre 222). A ce jour, le mariage homosexuel reste interdit en France…

 

 


 

 

Le mariage est à la fois une institution, un droit individuel d’ordre public qui ne peut se limiter ni s’aliéner[1] et, une liberté individuelle. De nombreux textes nationaux (Articles 144 et 75 du Code civil) et internationaux (Article 12 de la CEDH), présentent le mariage comme l’union d’un homme et d’une femme qui partagent l’intention de vivre ensemble et de fonder une famille.

 

L’intérêt porté par le législateur de 1804 à l’institution du mariage l’avait incité à définir avec précision les différentes conditions de formation du mariage. La doctrine répartit ces exigences en plusieurs catégories: les conditions d’ordre physique (l’âge des futurs époux, la différence de sexe, l’état de santé des époux), les conditions d’ordre psychologique (le consentement des futurs époux) et celles d’ordre familial (les autorisations pour le mariage des mineurs et des majeurs protégés).

 

Le débat sur le mariage homosexuel a soulevé la question de savoir si la différence de sexe est une condition évidente et naturelle de validité du mariage (I), faisant obstacle à l’ouverture du mariage aux couples de même sexe (II).

 

I.   La différence de sexe, une condition évidente de formation du mariage

 

1. Saisi pour la première fois de la question, le tribunal de grande instance de Bordeaux a affirmé que la différence de sexe était une exigence évidente eu égard aux dispositions du Code civil (les articles 144, 108, 75, 264 et 300 du Code civil)[2].

 

En outre, le tribunal estime que la limitation du mariage aux couples de sexe différent ne constitue pas une atteinte au droit de toute personne au respect de sa vie privée et familiale dès lors que la loi française prévoit pour les couples homosexuels d’autres formes de vie de couple, telles que le concubinage et le pacte civil de solidarité.

 

Enfin, le tribunal rappelle qu’une différence de traitement ne constitue pas une discrimination, au sens de l’article 14 de la CEDH « lorsqu’il existe une justification objective et raisonnable, qui poursuit un but légitime dans une société démocratique et qui respecte un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé ». La justification résulterait de la conception traditionnelle du mariage, considéré comme une institution sacrée ou comme un acte fondateur de la famille.

  

2. La Cour d’appel de Bordeaux [3] a confirmé le jugement du tribunal de première instance, en affirmant cette fois que la différence de sexe est une condition de l’existence du mariage. Enfin, la Cour de cassation a affirmé par un arrêt important en date du 13 mars 2007[4], qu’au regard de la loi française, « le mariage est l’union d’un homme et d’une femme et que ce principe n’est contredit par aucune des dispositions des conventions internationales », dont la Convention européenne des droits de l’homme.

  

3. Le Code civil, il est vrai, ne pose à aucun moment le principe selon lequel la différence de sexe est une condition fondamentale du mariage. Mais, au regard de ses dispositions, la nécessité de la différence de sexe ne fait aucun doute.

Pour faire évoluer cette exigence de différence de sexe, et par là-même la conception traditionnelle du mariage, de nombreuses propositions de lois ont été déposées au Parlement, dès 2005, tendant à instaurer un droit au mariage pour les personnes de même sexe. Mais la France ne semble pas être encline à admettre l’ouverture du mariage aux couples de même sexe…

 

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II.   Le refus d’ouvrir le mariage aux couples de même sexe

  

1. Au cours de l’année 2010, la Cour européenne des droits de l’homme, puis le Conseil constitutionnel ont été amené à se prononcer sur la question de l’ouverture du mariage aux couples de mêmes sexes. Dans les deux cas, la réponse a été sans détour : la différence de sexe étant une condition de formation du mariage, le droit au mariage ne peut-être reconnu aux couples de même sexe.

  

2. Selon la Cour européenne des droits de l’homme, l’absence de consensus entre les Etats membres doit conduire à leur laisser la décision d’autoriser ou non le mariage aux couples homosexuels[5]. Dès lors, la Cour européenne ne semble pas vouloir condamner les législations nationales qui exigent une différence de sexe entre les futurs époux. De plus, elle estime que l’extension par certains Etats du mariage à deux personnes de même sexe traduit une vision particulière du rôle du mariage dans la société. Cette évolution n’est point révélatrice d’un abandon général de la conception traditionnelle du mariage[6]. 

  

3. Saisi par la voie d’une question prioritaire de constitutionnalité transmise par la Cour de cassation (Civ. 1re, 16 nov. 2010, n° 10-40.042), le Conseil constitutionnel déclare que les articles 144 et 75 du Code civil sont d’une part conformes à la Constitution de 1958 et au préambule de la Constitution de 1946 en ce qu’ils limitent la liberté individuelle de contracter mariage avec une personne de même sexe et, d’autre part, conformes à l’article 66 de la constitution en ce qu’ils interdisent au juge judiciaire d’autoriser le mariage entre personnes de même sexe. Dans cette décision en date du 28 janvier 2011 (n°2010-92 QPC), il déclare conformes à la Constitution ces dispositions dont il résulte qu’« en droit français, le mariage est l’union d’un homme et d’une femme. »

 

Par ailleurs, le Conseil constitutionnel a réaffirmé le caractère constitutionnel de la liberté de mariage, comme étant une composante de la liberté individuelle, protégée par les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789[7].

 

Selon lui, l’exigence de la différence de sexe, comme condition de formation du mariage, n’affecte nullement cette liberté et encore moins le droit pour les couples de même sexe de mener une vie de famille normale, en recourant au concubinage ou au pacte civil de solidarité.

  

4. S’agissant de la remise en cause du principe d’égalité et de traitement équitable des couples, le Conseil constitutionnel rappelle que le législateur peut régler de façon différente des situations différentes, si cette différence de situation justifie une différence de traitement.

 

Le mariage étant l’union d’un homme et d’une femme, la différence de situation entre les couples de même sexe et ceux composés d’un homme et d’une femme justifie une différence de traitement.

 

En bref, pour le Conseil constitutionnel, les textes font apparaitre la différence de sexe comme une condition évidente du mariage et il n’est pas n’interdit au législateur de définir des conditions pour pouvoir se marier, notamment la différence de sexe, dès lors que ces conditions ne sont pas contraires à d’autres exigences constitutionnelles. Dès lors, l’interdiction du mariage homosexuel n’est pas inconstitutionnelle.

 

Seul le Parlement peut décider d’un éventuel changement dans la législation. Néanmoins, à ce jour, les députés ne sont pas favorables à l’ouverture du mariage aux couples de même sexe.

Ayfer YUKSEL

Institut d’Etudes Judiciaires

Université Jean Moulin Lyon 3

 

 

 

Notes :

 

[1] Paris, 30 avril 1963 : D.1963. 428, note Rouast.

 

[2] TGI Bordeaux, 27 juillet 2004, D.2004. 2392, note E. Agostini.

 

[3] Bordeaux, 19 avril 2005, D. 2005, 1687, note E. Agostini.

 

[4] Civ. 1ère, 13 mars 2007, n° 05-16.627,  Bull.civ. I, n°113, D.2007, Chron.1375, obs. H. Fulchiron.

 

[5] CEDH, 24 juin 2010, Shalk et Kopf c/Autriche, V.Dalloz actualité, 31 Août 2010, obs.C. Le Douaron.

 

[6] CEDH, 28 novembre 2006, Parry c/Royaume-Uni, RTD Civ. 2007.287, obs. J-P. Marguénaud.

 

[7] Décision n° 99-411-DC, 16 juin 1999, consid. 2 et 20

 

Pour en savoir plus

 

Recueil Dalloz 2011, p. 1040, Droit des couples, Jean-Jacques Lemouland, Daniel Vigneau,

 

Recueil Dalloz 2011, p. 209, La QPC sur le « mariage homosexuel » : une question plus nouvelle que sérieuse ?, Jérôme Roux

 

http://www.lemonde.fr/politique/article/2011/06/14/le-mariage-homosexuel-priorite-de-la-gauche-si-elle-arrive-au-pouvoir_1536145_823448.html

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