Le jeudi 26 janvier 2016 lors d’une interpellation policière à Aulnay-Sous-Bois, un homme de 21 ans a été victime d’une mutilation de sa zone rectale par une matraque télescopique. Geste accidentel comme le plaide le policier impliqué ou sévices sexuels délibérés comme le précise le jeune Théo ? Trois autres policiers sont poursuivis quant à eux pour violences volontaires. Une enquête a été ouverte.
L’intervention des forces de police est strictement encadrée. En effet, elles bénéficient de prérogatives admises par la loi. Ainsi, elles sont habilitées à exercer « la violence légitime » d’État. Toutefois, elles demeurent soumises à des sujétions. Elles ne peuvent exercer leurs prérogatives sans respecter le droit à la vie résultant de l’article 2 de la Convention européenne des droits de l’Homme et le principe d’interdiction de la torture et des traitements inhumains ou dégradants consacré en son article 3. Entre ce qui est interdit et ce qui est permis, la pondération dans l’intervention policière est tout autant sollicitée à travers les règles déontologiques.
La prohibition des maltraitances policières
La Cour européenne des droits de l’Homme (ci-dessous Cour EDH) juge de manière constante que les nécessités de l’enquête et les difficultés de la lutte contre la criminalité, notamment en matière de terrorisme ne sauraient conduire à limiter la protection due à l’intégrité physique de la personne.
Il existe une variété de maltraitances qui ont pu être considérées par la Cour EDH comme dégradantes sur le fondement de l’article 3. Tel fut le cas notamment de la privation de lunettes pratiquée contre un détenu myope l’empêchant ainsi de lire et d’écrire. Ou encore, le recours systématique aux menottes en prison contre une personne condamnée à perpétuité et menottée treize années durant à chacune de ses sorties de cellule, la promenade y compris.
A cet effet, la France a plusieurs fois été condamnée. Dans l’affaire Tomasi contre France du 27 août 1992, les maltraitances étaient rapportées par des lésions corporelles que le requérant imputait à des sévices infligés pendant une quarantaine d’heures par certains des policiers chargés des interrogatoires. Il s’agissait de gifles, coups de pied, de poing et de manchette, station debout prolongée et sans appui, les menottes dans le dos, crachats, déshabillage total devant une fenêtre ouverte, absence de nourriture, menaces avec une arme. Ainsi, il est interdit aux forces de l’ordre d’exercer des violences physique et mentale sur un gardé à vue.
L’exercice des mesures répressives ne peut pas non plus aboutir à un traumatisme testiculaire avec fracture du testicule conduisant à une éventuelle incapacité permanente partielle [1].
De tels actes sont de nature à créer des sentiments de peur, d’angoisse et d’infériorité propres à humilier, avilir et à briser éventuellement la résistance physique et mentale des victimes.
L’appel à la prudence dans les interventions policières
L’utilisation de la « violence légitime » d’État comporte des risques d’attenter aux droits garantis par la Convention EDH : violation du droit à la vie, à l’interdiction de la torture et à un traitement inhumain ou dégradant. En effet, selon la Cour EDH, le discernement des policiers est essentiel du fait de la dangerosité de certains moyens de contrainte. Dans l’arrêt Jalloh contre Allemagne du 11 juillet 2006, elle a conclu à la violation de l’article 3 du fait de l’utilisation d’une sonde nasogastrique destinée à faire régurgiter le requérant un cachet de cocaïne initialement caché dans sa bouche et avalé lors de son arrestation. Pour la Cour EDH, l’administration de force d’un émétique présente de graves risques pour la vie et l’intégrité physique et doit donc être interdite du fait du risque de décès. La notion de risque est d’autant plus importante que l’usage des armes de service par les forces de police doit répondre à des exigences de nécessité absolue et de proportionnalité.
Cette prudence est en outre justifiée par la vulnérabilité de certaines personnes. Il s’agit des enfants, des personnes âgées, des personnes privées de liberté, des personnes atteintes de troubles mentaux sans oublier les étrangers ne comprenant pas la langue française.
Déontologie et respect des droits fondamentaux : le lien intime
La police et la gendarmerie nationales se sont dotées depuis le 1er janvier 2014 d’un code de déontologie commun. Ce code encadre certaines pratiques professionnelles, comme celles utilisées lors des contrôles d’identité. Un chapitre entier est consacré aux relations entre le service public et les citoyens. A cet effet, l’article R.434-17 précise que toute personne appréhendée est placée sous la protection des policiers et est préservée de toute forme de violence et de tout traitement inhumain ou dégradant. Nul ne peut être intégralement dévêtu, hors le cas et dans les conditions prévues par l’article 63-7 du code de procédure pénale visant la recherche des preuves d’un crime ou d’un délit. Le policier ayant la garde de la personne appréhendée est attentif à son état de santé physique et psychologique et prend toutes les mesures possibles pour préserver la vie, la santé et la dignité de cette personne. Pour la première fois, le texte encadre juridiquement les palpations de sécurité conduites à l’occasion de contrôles d’identité. Par ailleurs, tenant compte de la difficulté des métiers et des risques encourus par les membres des forces de l’ordre, le code de déontologie rappelle aussi les devoirs de l’État et de la hiérarchie envers les policiers et les gendarmes qui doivent être formés, protégés et soutenus.
Sans préjudice des prescriptions constitutionnelles et législatives, le nouveau Code de déontologie donne aux policiers et aux gendarmes les repères essentiels sur leurs obligations et leur cadre d’action : discrétion, probité, discernement, impartialité.
Jean-François Kouassi
Pour en savoir plus :
Cour EDH, 20 janvier 2011 Kashavelov c. Bulgarie, req. n°891/05
Cour EDH, 11 juillet 2006, Jalloh c. Allemagne, req. n°54810/00
Pascal Mbongo, « Libertés et droits fondamentaux », Éditions Berger-Levrault, 2015