Cet impôt a fait couler beaucoup d’encre dans la presse. Malheureusement, au-delà du parti-pris politique, nombreuses sont les analyses erronées, le dernier mot revenant toujours au droit. Ou plutôt, au Conseil constitutionnel. Dans sa décision n°2012-662 du 29 décembre 2012, celui-ci était amené à se prononcer sur plusieurs mesures fiscales de la Loi de finances pour 2013, dont la fameuse taxe à 75%.
L’article 12 de ladite loi avait pour objet d’insérer un article 223 sexies A dans le CGI, afin d’instituer à la charge des personnes physiques une contribution exceptionnelle sur la fraction de leurs revenus d’activité professionnelle excédant un million d’euros. Ajouté au taux marginal de 45%, à la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus de 4 % et aux prélèvements sociaux de 8 % sur les revenus d’activité, le taux de 18 % aurait abouti à une taxation globale de 75 %.
Pourquoi l’article a-t-il été censuré ? Une contribution exceptionnelle ne pouvait pas traiter différemment deux foyers fiscaux qui disposent globalement du même niveau de revenu. Le Conseil a donc censuré l’article 12, sans examiner tous les autres griefs, notamment celui tiré de son caractère confiscatoire. Ainsi, le droit a tranché une question éminemment politique et polémique, sans se prononcer sur le sujet débattu dans la presse.
La Constitution réserve à la loi la détermination des règles concernant l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement de l’impôt. Mais il y a deux principes d’égalité : devant la loi (art 6 DDHC) et devant les charges publiques (article 13). Lorsqu’il ne s’agit pas de la procédure ou de l’intelligibilité mais de la charge même de l’impôt, c’est l’article 13 qui prévaut. L’égalité suppose une comparaison entre les bénéficiaires d’une disposition et ceux qui ne le sont pas.
Après la décision du 20 juillet 1988[1], on parle de l’auto interprétation par le Conseil de l’autorité attachée à ses décisions. Pourtant, l’instauration d’une autorité juridictionnelle attachée à la décision rendue par le Conseil est absente de la volonté des rédacteurs de la Constitution. Désormais, le Conseil détermine lui-même avec précision quelle autorité il souhaitait accorder à ses décisions et sa jurisprudence ne lui est pas opposable. D’ailleurs, si l’autorité est attachée à la décision dans sa totalité, l’article 1350 du Code civil prévoit à l’inverse que « l’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet du jugement ». L’étendue de l’autorité varie en fait suivant le type de texte.
Le Conseil, lorsqu’il est saisi dans un contrôle a priori, a la faculté d’élargir son examen aux questions manifestes. C’est ainsi que, saisi du texte dans son entier, il doit en tirer toutes les conséquences opportunes. Parfois, le Conseil s’autorise souverainement à réexaminer certaines lois dont il n’a pas été effectivement saisi, c’est l’examen par ricochet. Ceci sert non pas à encadrer l’application d’une disposition mais d’examiner une disposition déjà entrée en vigueur.
C’est ainsi que les Sages ont validé la nouvelle tranche marginale à 45 % de l’impôt sur le revenu[2] mais ont relevé que cette augmentation avait pour conséquence de porter l’imposition marginale des retraites complémentaires dites « chapeau » à 75,04 % pour 2012. Jugeant ce niveau d’imposition excessif au regard de la faculté contributive des contribuables concernés et, par suite, contraire à l’égalité devant les charges publiques, il a censuré les dispositions de l’article L 137-11-1 du Code de la sécurité sociale qui prévoient l’application d’une contribution sociale de 21 % à la fraction des rentes supérieures à 24 000 €, ramenant l’imposition à 68,34 %.
Le principe d’égalité devant les charges publiques en matière fiscale fait partie des principes généraux du droit. Affirmé par le Conseil d’Etat bien avant la création du Conseil constitutionnel, il exige que le même régime juridique soit appliqué à toutes les personnes qui se trouvent dans des situations identiques, mais ne s’oppose pas à appliquer des dispositions différentes à des personnes dans des situations différentes. Ceci n’est en rien obligatoire, juridiquement.