Le 7 janvier dernier, lors deson discours devant les juges de la Cour de cassation, le chef de l’état a annoncé la possible suppression du juge d’instruction au profit d’un « juge de l’instruction, qui contrôlera le déroulement des enquêtes mais ne les dirigera plus ».
Le juge d’instruction est un magistrat du siège chargé de diligenter des enquêtes judiciaires sur saisine du Procureur de la République notamment. Contrairement aux magistrats du parquet, le juge d’instruction est indépendant à l’égard des juridictions de jugement, du ministère public et des parties. Il échappe au contrôle du Procureur et à la surveillance du ministère de la justice. Il dispose de pouvoirs d’enquête où dans la conduite de son information il procède à tous actes d’instruction qu’il estime nécessaire à la manifestation de la vérité. De plus, il peut prononcer des décisions à caractère juridictionnel.
Or la confusion de tels pouvoirs « n’est plus acceptable. Un juge en charge de l’enquête ne peut raisonnablement veiller, en même temps, à la garantie des droits de la personne mise en examen » a déclaré M. Sarkozy. Le juge d’instruction pourrait alors céder sa place à un magistrat du parquet, hiérarchiquement soumis au ministère de la justice, chargé désormais de contrôler l’instruction.
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Cette annonce a suscité de nombreuses réactions au sein du monde judiciaire. Cette mesure, « ligne directrice » de la réforme de la justice qui devrait entrer en vigueur en 2009 a été dénoncée par les magistrats. Ils estiment que ceci est dangereux au regard des droits de la défense et de l’équilibre du procès pénal. Elle se traduirait par une remise en cause de l’indépendance des juges et enclencherai une justice « à deux vitesses » reposant sur une procédure d’avantage accusatoire qu’inquisitoire. En effet, évoluer vers le modèle anglo-saxon où les mesures d’investigations ne seraient attribuées qu’à l’accusation engendrerait une inégalité. Seuls ceux qui auront les moyens pourront faire des contre-enquêtes. Ce serait alors la fin de l’instruction à charge ou à décharge. En outre, il est vrai que le juge d’instruction n’intervient que dans environ 5% des procédures pénales. Mais ces procédures concernent souvent des affaires à caractère politico-financière. Or la suppression d’un juge indépendant au regard du pouvoir politique au profit d’un éventuel membre du parquet apparaît poser un problème d’indépendance de la justice et plus largement celui de la séparation des pouvoirs. La Cour européenne des droits de l’homme avait affirmé dans un arrêt du 13 juillet 2008 que « le procureur de la république n’est pas une autorité judiciaire (…), il lui manque en particulier l’indépendance à l’égard du pouvoir politique pour pouvoir être ainsi qualifié ». Que va alors penser la Haute cour européenne de notre réforme ?
Après l’affaire Outreau, le juge d’instruction avait été jugé trop isolé. Une réforme avait alors été initiée par M. Sarkozy prévoyant la création des pôles de l’instruction et l’instauration dès 2010 de la collégialité de l’instruction prônée par la Commission Validin. S’en suit la loi du 5 mars 2007 relative au rééquilibrage de la procédure pénale, via un décret du 16 janvier 2008. Une structure collégiale composée de plusieurs juges d’instruction vouée à s’établir dans certaines juridictions a été mise en place.
La plupart des magistrats sont favorable à une évolution de la procédure d’instruction. Un juge de l’instruction qui serait une sorte d’arbitre entre les avocats d’un côté et le procureur de l’autre pourrait être un bon système (qui existe d’ailleurs dans certain pays européens). Mais ceci devrait s’accompagner de l’indépendance du parquet. La question n’est cependant pas encore tranchée.
Diane Forestier