La responsabilité environnementale ou la suite logique du principe du pollueur-payeur

 


 

Encore jeune, le droit de l’environnement évolue rapidement. Et pour cause, en 1972, l’OCDE dégageait le principe du pollueur-payeur (PPP), ayant pour fonction de prévenir et de réparer les pollutions. Une trentaine d’années plus tard, la responsabilité environnementale s‘inscrit directement dans le sillage du PPP.

 


 

 

La responsabilité environnementale et le droit positif

 

 

Après quinze années de travaux, la directive européenne sur la responsabilité environnementale a été difficilement adoptée le 21 avril 2004. D’après le livre blanc de 2000 sur la responsabilité environnementale présenté par la commission, la directive «vise à mettre en œuvre le PPP» et «a pour objet d’établir un cadre pour la prévention et la réparation des dommages environnementaux, sur la base de la responsabilité environnementale». A la suite de pressions exercées par Bruxelles, le texte a finalement été transposé en droit interne par la loi du 1er aout 2008, elle-même rendue applicable par le décret du 23 avril 2009. Ainsi, la notion de dommage écologique pur est intégrée en droit français et la loi reconnait désormais «le préjudice environnemental» déjà envisagé par la jurisprudence dans l’affaire Erika.

 

Un régime spécial de responsabilité est créé afin de prévenir et de réparer les «dommages environnementaux» causés par des activités économiques professionnelles.

 

Ce type de dommage est particulier puisqu’il concerne non seulement les «dommages graves» causés mais aussi la menace imminente de «dommages graves». Seuls trois milieux sont concernés : les eaux, les sols et les espèces protégées et leurs habitats. La responsabilité environnementale a donc vocation à s’appliquer à l’environnement lui-même et non aux personnes ou aux biens. Par ailleurs la directive s’appliquant lorsque le dommage résulte d’une activité économique professionnelle, l’exploitant est soumis à un double régime de responsabilité : une responsabilité sans faute pour les activités énumérées par décret et une responsabilité pour faute pour toutes les autres activités.

 

L’autorité administrative compétente en la matière, à savoir le préfet, va jouer un rôle important dans la mise en œuvre de cette responsabilité. Ainsi dans un souci de prévention et de réparation, l’exploitant sera tenu de se soumettre aux mesures ordonnées, à défaut il peut être mis en demeure. Une fois le délai de mise en demeure expiré, différentes sanctions pénales et administratives peuvent être prononcées.

 

Un réel progrès dans la mise en œuvre du PPP est opéré par l’ensemble des textes. Cependant, le critère de la « gravité » du dommage reste flou. Si le décret de 2009 a tenté de clarifier la notion, son appréciation demeure une difficulté à laquelle les autorités administratives et le juge devront se confronter.

 

 

 

Usines

 

 

La responsabilité environnementale élargie par la Cour de justice de l’Union Européenne (CJUE)

 

Trois arrêts du 9 mars 2010 ont été rendus sur question préjudicielle par la CJUE. Cette dernière admet une présomption de responsabilité à l’égard des exploitants possédants des « installations sensibles » proche de la zone polluée et ce même si l’origine de cette pollution n’est pas connue. La question a été mise en exergue par une juridiction italienne qui s’interrogeait sur la légalité d’une disposition qui présumait ce lien de causalité sans même avoir besoin de mener une enquête. La CJUE pousse à l’extrême le principe du pollueur-payeur en augmentant le champ d’application de la responsabilité environnementale.

 

Cependant elle impose la présence de certaines conditions. Ainsi il peut y avoir présomption du lien de causalité entre des exploitants et une pollution constatée seulement si le critère de proximité est présent, et si il y a correspondance entre les produits polluants retrouvés et ceux utilisés par l’exploitant. En outre, la directive prévoit que l’exploitant pourra recouvrer les frais engagés auprès des personnes responsables sous certaines conditions.

 

En réalité la CJUE suit une logique d’indemnisation et vise à permettre, coute que coute, le financement de la prévention ou de la réparation des dommages environnementaux.

 

 

Antoine Dufrane

 

 

Pour en savoir plus :

 

Directive 21 avril 2004 (n°2004/35/CE)

 

Loi 1 aout 2008 (n°2008-757)

 

Décret 23 avril 2009 (n°2009-468)

 

Code de l’environnement

 

www.net-iris.fr

 

CJUE (Cour de Justice de l’Union Européenne), gr. ch., 9 mars 2010, Raffinerie Mediterranee (ERG) SpA c/ Ministero dello Sviluppo economico

 

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