La réforme pénale : pour que sanction ne rime plus avec prison


Un système répressif qui érige l’emprisonnement comme peine de référence peut-il réellement espérer échapper au fléau de la surpopulation carcérale ? Cette question innerve la réforme pénale préparée par le gouvernement et dont l’examen devant le Parlement a été repoussé au-delà des élections municipales. Effectivement, cette réforme part du constat alarmant du surpeuplement des prisons pour envisager de repenser la place même de l’emprisonnement dans notre système répressif.


Au 1er septembre 2013, 78 314 personnes se trouvaient sous écrous pour 56 992 places réelles. Dans certains établissements, le surpeuplement dépasse même désormais les 200 % de densité carcérale ! Bien que non encore sanctionnée, la France se doit de réformer son système d’incarcération puis que la récente décision de la Cour européenne des droits de l’Homme en date du 8 janvier 2013 Torreggiani et autres c. Italie laisse présager la possibilité d’une nouvelle condamnation sur le fondement de l’article 3 de la Convention pour traitement inhumain ou dégradant.

Le constat de la surpopulation carcérale impose d’y remédier : c’est précisément toute l’ambition de la réforme pénale qui repense la position même de la peine d’emprisonnement dans notre système répressif plutôt que de simplement proposer la création de nouvelles prisons.

En effet, aujourd’hui l’emprisonnement est souvent considéré comme la peine de référence ; pourtant, la prison n’a rien d’une évidence. Pour preuve, une analyse historique permet de constater que cette peine est d’apparition assez récente puisque elle n’a été systématisée qu’à la Révolution.

Il est donc possible de relativiser la référence à l’emprisonnement, comme par la création d’une contrainte pénale, grande nouveauté de la réforme. Cette peine de contrainte pénale pourra concerner tous les délits punis de cinq ans de prison maximum, comme le vol simple ou l’homicide non-intentionnel. Cependant le juge pourra toujours préférer, s’il l’estime nécessaire, un recours à l’emprisonnement plutôt qu’à la contrainte pénale.

Cette peine consistera pour celui qui y est condamné à respecter des interdictions et des obligations comme l’accomplissement d’un travail d’intérêt général ou l’indemnisation de la victime.

En cela, la contrainte pénale s’apparente au sursis avec mise à l’épreuve. Quelle différence faire alors entre les deux ? La contrainte pénale est une peine à part entière tandis que le sursis avec mise à l’épreuve n’est que la modalité d’une peine d’emprisonnement.

Or, en pratique, le condamné qui ne respectera pas les obligations découlant de la contrainte pénale pourra être sanctionné par un emprisonnement n’excédant pas la moitié de sa durée : la référence à l’emprisonnement demeure donc. On peut d’ailleurs craindre que cette peine nouvelle se substitue davantage aux emprisonnements avec sursis qu’aux emprisonnements fermes, ce qui ne résout en rien alors la problématique de la surpopulation carcérale.

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Dans la même optique d’endiguement du phénomène de la surpopulation carcérale, la réforme pénale propose également la suppression des peines planchers. Ce dispositif instauré en 2007 par la précédente législature venait ajouter à la peine maximale prévue pour un crime ou un délit, une peine minimale en dessous de laquelle le juge ne pouvait pas descendre lorsque le crime ou le délit était commis en état de récidive légale.

Des dispositions du droit pénal, ces peines planchers sont sans doute parmi celles qui ont subi les plus vives critiques de la part des acteurs du monde judiciaire car elles limitent singulièrement le pouvoir des juges et les possibilités d’individualisation de la sanction.

Les peines planchers n’ont pas conduit à des résultats probants en matière de lutte contre la récidive. Jugées inefficaces, elles étaient de surcroît à l’origine d’une hausse des incarcérations, ainsi que d’un allongement des quantums de peines prononcées, ce qui a largement contribué à l’aggravation de la surpopulation carcérale. C’est en définitive un symbole de la culture de l’emprisonnement que la réforme propose de supprimer.

Samira Figuigui

Eliaz Le Moulec

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