Saisi d’une Question prioritaire de Constitutionnalité par le Conseil d’Etat le 30 décembre 2010, le Conseil constitutionnel a déclaré conforme à la Constitution l’article 27 de la loi du 5 mars 2007 concernant la protection de l’enfance. Ce qui est intéressant de noter à travers cet arrêt en date du 25 mars 2011, ce sont tout d’abord les apports de la loi de 2007, mais aussi le pourquoi de la saisine du Conseil constitutionnel.
I. Les apports de la loi de 2007
Depuis ladite réforme, la responsabilité de l’aide sociale pour l’enfance a été transférée aux Conseils généraux. Les grandes orientations de cette nouvelle loi se font sur trois niveaux.
Tout d’abord, la loi du 5 mars 2007 instaure l’utilisation d’un nouveau vocabulaire adapté à la protection de l’enfance. Le terme de « maltraitance » est ainsi banni et de nouvelles notions seront utilisées en ses lieu et place. On parle désormais soit d’enfant en danger, soit d’enfant en risque de danger lorsqu’il risque d’être porté atteinte à sa santé, sa sécurité, sa moralité ou son éducation. Par ailleurs, contrairement à la législation ancienne, cette loi fait une part nouvelle à la notion de développement physique, affectif, intellectuel et social de l’enfant.
Par ailleurs, ce qu’il faut également noter, c’est la possibilité d’une prise en charge d’une plus longue durée. Alors qu’auparavant la protection administrative ne pouvait excéder deux ans, aujourd’hui elle pourra aller bien au delà.
Outre un changement de vocabulaire, le législateur a également souhaité développer la prévention en intensifiant le rôle de la Protection Maternelle Infantile (PMI) qui aura désormais la charge de mener des actions de prévention au cours du 4ème mois de grossesse pour éviter que des problèmes psychologiques ou sociaux ne s’installent au sein de la famille. Cet accompagnement pourra se poursuivre auprès de femmes après l’accouchement. Enfin, la PMI effectue un bilan de santé auprès des enfants de 3 ans et 4ans se poursuivant obligatoirement tout au long de sa scolarité.
De plus, la loi a prévu la création de la cellule départementale qui constituera désormais le lieu de recueil, de traitement et d’évaluation des informations qui seront transmises au Président du Conseil Général.
Enfin, de nombreux autres aménagements ont été introduits. Il s’agit notamment du renforcement du secret professionnel et de la création d’un observatoire départemental de la protection de l’enfance présent dans chaque département. Un projet personnalisé et individualisé est aussi mis en place avec l’enfant afin de prendre en compte les éléments de son contexte familial et socio-culturel mais surtout pour affiner les mesures de prises en charge nécessaire.
De ce fait, de nouvelles prestations sont proposées aux familles ayant besoin de se faire accompagner dans l’éducation de leur enfant, dans l’accompagnement en matière d’économie sociale et familiale ou dans l’aide à la gestion du budget.
Si la loi du 5 mars 2007 a donc permis quelques évolutions dans le domaine de la protection de l’enfance, cela n’a tout de même pas empêché le département des Côtes d’Armor de soulever une question prioritaire de constitutionnalité.
II. Le pourquoi d’une telle saisine
La loi du 5 mars 2007 et particulièrement l’article 27, comme le relève le Conseil d’Etat, « redéfinit les missions des services départementaux de protection à l’enfance ».
En effet, en dehors d’un changement de vocabulaire qui peut paraître mineur, la PMI est en charge notamment des actions de prévention des femmes enceintes à partir du 4ème mois de grossesse, ou encore elle effectue des bilans de santé auprès des enfants de 3 et 4 ans. Or, comme le souligne encore la Haute juridiction administrative, ces compétences nouvelles nombreuses « créent des obligations nouvelles à la charge des départements ».
Les griefs du département concernent justement ces nouvelles charges et même si un fonds national de financement de la protection de l’enfance au sein de la caisse nationale a été créé, il ne semble pas suffisant pour compenser toutes les charges afférentes à ces nouvelles compétences.
Mais la compétence en matière d’action sociale est-elle réellement une nouveauté pour le département ? Pas vraiment. En effet, l’action sociale constitue depuis l’acte I de la décentralisation et notamment depuis les lois du 22 juillet 1983 et du 6 janvier 1986 un champ d’intervention traditionnel de cette collectivité territoriale. Pour aller même plus loin, les dépenses engagées à ce titre représentent près de la moitié des dépenses globales des départements. Par la loi du 13 août 2004, l’acte II de la décentralisation a même renforcé le rôle du département dans ce domaine en faisant d’elle la collectivité chef de file de l’action sociale. Le département a dès lors une responsabilité essentielle dans la protection sanitaire et familiale.
C’est donc en toute logique que la loi de 2007 poursuit et même accentue la compétence du département dans ce domaine. Le Conseil constitutionnel le souligne bien en indiquant que ledit article 27 « n’a pas élargi le champ de leurs bénéficiaires, qu’il n’a pas été créé une nouvelle compétence de prestation sociale ».
Il semble qu’il ne s’agisse pas d’un vrai transfert mais plutôt de la poursuite d’une mission déjà dévolue à cette collectivité territoriale. Alors, l’argument du département indiquant que cette nouvelle compétence irait à l’encontre du principe constitutionnellement reconnu de libre administration des collectivités territoriales, qui lui doit être accompagné d’un financement véritable, est-il fondé ?
En effet, lorsqu’un nouveau transfert de compétence est effectué de l’Etat vers une collectivité territoriale, il doit être accompagné d’une dotation afin que la collectivité en question n’ait pas à subir le poids de cette nouvelle compétence. Cependant, ce n’est absolument pas le cas ici.
Mais le Conseil constitutionnel ajoute « qu’il n’a pas été procédé ni à un transfert aux départements d’une compétence qui relevait de l’Etat, ni à une création ou extension de compétences ». De ce fait, il a conclu logiquement qu’il n’a pas été porté atteinte à l’article 72-2 de la Constitution, à la libre administration des collectivités territoriales et qu’ainsi l’article 27 de la loi du 5 mars 2007 est conforme à la Constitution.
Aline Gonzalez