Comme l’affirme le Professeur Supiot , « s’il est un principe fondamental de l’État de droit, c’est bien celui de la sécurité des personnes, entendez de la sécurité physique ». La protection de la sécurité physique du salarié est donc une préoccupation essentielle. Sa portée s’étend à de nombreux domaines, dont un qui suscite un intérêt particulier : celui de l’alcootest et du dépistage.
En matière de protection de la santé et de sécurité des salariés, l’employeur est tenu, en vertu de l’article L. 4121-1 du Code du travail, à une obligation de résultat dont il doit assurer l’effectivité. Or, la consommation de certaines substances illicites sur le lieu et le temps de travail est susceptible d’exposer les salariés à des risques pour leur sécurité.
Dans cette perspective, l’employeur doit donc prendre des mesures de prévention. Il peut notamment insérer dans le règlement intérieur, ou par une note de service dans les entreprises de moins de 20 salariés, une clause lui permettant de recourir à des tests salivaires dans le but de dépister l’ingérence de produits stupéfiants par ses salariés lors de leurs activités professionnelles.
La mise en place d’un tel dispositif de contrôle doit cependant être justifiée par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché, comme le précise les dispositions de l’article L. 1121-1 du Code du travail. En effet, même sur ses lieu et temps de travail, le salarié dispose d’un droit au respect de sa vie privée. Dans cette optique les tests ne peuvent concerner que des employés occupant des postes dangereux tel que les chauffeurs d’engins, les travailleurs sur machines ou encore les utilisateurs de produits dangereux.
Mais une question reste en suspend et se pose inévitablement : Ce contrôle est-il licite ? L’employeur est-il en droit de recourir au test salivaire afin de dépister la consommation de drogues par des salariés ? Peut-il user de son pouvoir disciplinaire à l’encontre d’un salarié en cas de résultats positifs ?
C’est précisément sur cette problématique que porte l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Marseille, rendu le 21 août 20151, qui précise que ce dispositif de contrôle porte une atteinte disproportionnée aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives par rapport au but recherché, dans le cas « d’un règlement intérieur autorisant un supérieur hiérarchique à procéder à des tests salivaires dont les résultats positifs peuvent ensuite donner lieu à des sanctions disciplinaires ».
En l’espèce, le règlement intérieur d’une entreprise de construction de plus de vingt salariés prévoyait la possibilité pour l’employeur de procéder à des tests salivaires de dépistage de consommation de drogue qui pouvaient entraîner des sanctions disciplinaires pouvant aller jusqu’au licenciement en cas de résultats positifs. L’inspecteur du travail a enjoint l’employeur de retirer cette mesure de son projet de règlement intérieur. Ce dernier a attaqué cette décision et, si le tribunal administratif a fait droit à sa demande, la Cour administrative d’appel de Marseille a annulé ce premier jugement.
La Cour administrative d’appel estime tout d’abord qu’une telle clause viole le secret médical puisqu’un prélèvement d’échantillons contenant des données biologiques et cliniques relève du secret médical, ce qui exclut qu’il puisse être pratiqué et ses résultats interprétés par l’employeur. Cela aurait pour conséquence d’exclure également la possibilité d’utiliser ces résultats afin d’user de son pouvoir disciplinaire sur le salarié.
En outre, la Cour ajoute que les tests en question ne sont pas suffisamment fiables, puisqu’ils n’indiquent pas avec certitude une consommation de drogue et qu’ils peuvent aboutir à de faux résultats positifs ou négatifs.
Ainsi, la Cour administrative d’appel encadre les pouvoirs de contrôle de l’employeur et délimite les clauses d’un règlement intérieur qui peut prévoir, lorsque les fonctions exercées le justifient, un dispositif de dépistage de drogues par le biais de tests salivaires, dès lors que « ces test sont effectués uniquement par un médecin et enfin qu’en cas de résultat positif, cela ne peut donner lieu à une sanction disciplinaire ».
Cet arrêt prive donc les tests salivaires de dépistage de drogues de toute portée pratique pour les employeurs, faute de pouvoir accéder au résultat.
À ce jour, la position du Conseil d’État sur ce sujet est inconnue. Mais si cette jurisprudence venait à être confirmée, la pratique de recours à ce type de tests insérés au sein des règlements intérieurs pourrait être remis en cause, sans pour autant autoriser la consommation de drogue sur le lieu et temps de travail des salariés.
Julie Veylet
Sources :
– Édition Tissot actualité droit du travail.
– V . not. Colloque « Conduites addictives en entreprise », G. Nicolas, Les tests de dépistage : questions médicale, éthique et juridique, Gaz. Pal. 2015, n°11 à 13).
– A. Supiot, Pourquoi un droit du travail ? Dr. soc. 1990, p. 485), « s’il est un principe fondamental de l’État de droit, c’est bien celui de la sécurité des personnes, entendez de la sécurité physique.