I. Une mesure simple en apparence
Toutes les sociétés commerciales (SARL, SA, SNC, etc.) doivent désormais verser une prime à leurs employés dès lors qu’elles emploient au moins 50 salariés et qu’elles versent, condition sine qua none, des dividendes dont le montant par part sociale ou par action est en hausse par rapport à la moyenne des dividendes versés les deux années précédentes.
Les sociétés commerciales de moins de 50 salariés ont, elles, la faculté de verser volontairement cette prime si la condition relative à la hausse des dividendes est remplie.
Cette prime, exonérée de cotisation à l’exception de la CSG, de la CRDS et du forfait social, dans la limite de 1 200 € par salarié et par an, reste néanmoins imposable à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des traitements et salaires.
II. Le cas des groupes : une nouvelle « usine à gaz »
Dans le cas fréquent d’appartenance à un groupe, le versement des dividendes ne s’apprécie pas au niveau de chacune des sociétés, mais de la tête de groupe. Ainsi, si l’entreprise dominante verse des dividendes à ses actionnaires ou à ses associés, toutes ses filiales ont l’obligation de verser cette prime dès lors qu’il s’agit de sociétés commerciales employant au moins 50 salariés ; et ceci alors même que ces dernières feraient face à des difficultés économiques et financières.
Inversement si l’entreprise dominante n’a pas versé de dividende en augmentation par rapport à la moyenne des deux exercices précédents, aucune de ses filiales n’aura l’obligation de verser cette prime, quant bien même ces dernières distribueraient elles-mêmes des dividendes en augmentation par rapport à la moyenne des deux exercices précédents.
C’est le cas de nombre d’entreprises du CAC 40 telles que Total qui réalisent des bénéfices mirobolants mais dont le montant des dividendes n’est pas en hausse d’une années sur l’autre et qui seront donc exonérées de l’obligation de verser cette prime.
Enfin, le versement de la prime n’est plus une obligation dès lors que l’entreprise a attribué au titre de l’année en cours un avantage pécuniaire non obligatoire, négocié et collectif tel que de l’intéressement ou de la participation.
III. Peu de contraintes sur l’obligation de négocier
Cette prime qui peut être fixée en euros ou résulter d’une formule de calcul doit faire, sous peine de sanctions prévues par le code du travail, l’objet de négociations d’entreprises conclues au plus tard dans un délai de trois mois suivant l’attribution de dividendes autorisée par l’assemblée générale.
Cependant, alors que le gouvernement table sur une prime moyenne de 700 euros par salariés (contre les 1 000 euros initialement prévus) aucun montant minimum n’est fixé par la loi (une circulaire précise seulement qu’il ne doit pas être « symbolique »). Par ailleurs, l’échec des négociations implique uniquement un engagement unilatéral du chef d’entreprise dont pourront se prévaloir les salariés devant le juge prud’homal. De même, le législateur n’a fixé aucun délai impératif de versement de la prime.
IV. A qui profite la prime ?
A cet ensemble juridique complexe s’ajoute encore la possibilité de fixer une condition d’ancienneté (ne pouvant toutefois excéder trois mois). Au final, les juristes estiment donc que les trois quart des salariés du privé ne verront de cette prime que le nom. Ces prévisions seront toutefois vite vérifiées puisque la loi fixe exceptionnellement jusqu’au 31 octobre le délai pour conclure un accord aux entreprises ayant déjà attribué un dividende en augmentation à la date de promulgation de la loi.
Cette dernière prévoit en tout état de cause l’obligation pour le Gouvernement de présenter devant le Parlement un bilan des accords et des mesures intervenus ; ce rapport pouvant par ailleurs proposer des adaptations législatives.
Paul Féral-Schuhl
Pour en savoir plus
Circulaire interministérielle du 29 juillet 2011 relative à la prime de partage des profits instituée par la loi n°2011- 894 du 28 juillet 2011 de financement rectificative de la sécurité sociale de 2011 |