L’arrêt confirmatif du 27 octobre 2011 concernant « l’affaire baby-loup » met à nouveau en exergue le débat sur la neutralité dans le cadre professionnel nous permettant une mise en parallèle des situations dans le secteur public et dans le secteur privé.
Les principes de neutralité dans le secteur public
L’article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958 énonce que « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale… ». Le principe de laïcité est donc un des fondements de notre République et les agents publics ont ainsi l’obligation de respecter ce principe qui s’impose à tous les agents quels que soit leur grade ou fonction[1].
Il est donc impossible à tout agent public de « manifester leurs croyances religieuses ». Telle est l’une des justifications invoquées par la Cour d’Appel de Versailles pour confirmer le jugement rendu par le Conseil des prud’hommes de Mantes-la-Jolie du 13 décembre 2010. En effet, le Conseil avait retenu le fait que la crèche était financée à 80% par des fonds publics, qu’elle remplissait donc une mission de service public et que c’est parce que la crèche était un « service public » que son personnel, à l’instar de tous les agents publics, était soumis aux mêmes règles strictes d’obligation de neutralité.
La Cour souligne ainsi « que le principe de liberté et de conscience et de religion de chacun des membres du personnel ne peut faire obstacle au respect des principes de laïcité et de neutralité qui s’appliquent dans l’exercice de l’ensemble des activités développées par « Baby-Loup ».
La Cour d’appel fait ainsi une application stricte des principes constitutionnels. Enfin, du fait qu’il s’agisse d’une activité proche de l’enseignement, même si la fonction première d’une crèche est d’assurer la garde des enfants pendant le temps de travail des parents, elle a également pour fonction l’éveil des enfants et a ainsi des fonctions pédagogiques. Ne peut-on pas se demander si les juges d’appel n’aurait pas pu utiliser la loi du 15 mars 2004, concernant l’interdiction des signes religieux ostentatoires dans les écoles, pour donner encore plus de poids à leur décision.
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Les principes de neutralité dans le secteur privé
L’arrêt rendu ainsi a-t-il donc une portée restrictive ou peut-il être étendu aux entreprises privées ?
Tout d’abord, il faut souligner que l’entreprise, en tant qu’entité laïque, n’est pas soumise au principe constitutionnel de laïcité de la même manière. Un avis du Conseil d’Etat le confirme[2] notamment et souligne que « le port par des salariés de signes par lesquels ils entendent manifester leur appartenance à une religion n’est pas, par lui-même, interdit dans la mesure où il constitue l’exercice de la liberté d’expression et de manifestation, de croyance religieuse ».
Cependant, si l’on examine plusieurs décisions des juges du fond, on se rend compte que la liberté du salarié à manifester sa religion ne doit pas être un trouble au bon fonctionnement de l’entreprise. Ainsi, l’employeur exigeant l’exécution du contrat travail dans de bonnes conditions ne pourra accorder à un salarié d’invoquer une modification de son contrat pour motif religieux.
Enfin, eu égard à la loi et surtout concernant les mesures d’hygiènes et de sécurité une opposition peut survenir concernant l’expression des convictions religieuses, l’employeur peut ainsi limiter la liberté religieuse du salarié en s’opposant par exemple au port de certains signes religieux, comme cela a pu être également le cas en l’espèce.
Enfin, le défenseur des droits (anciennement la HALDE) souligne dans une délibération[3] que les entreprises privées ayant en charge une mission de service public ou d’intérêt général comme on le rencontre dans le secteur médico-social et petite enfance, et donc le cas « Baby Loup », devront respecter le principe de neutralité et celui de laïcité applicable au secteur public.
Affaire à suivre : une cassation peut être ?
Aline Gonzalez
Notes (1) CE, avis, 3 mai 2000 – AJDA 2000 p.673
(2) CE, avis, 27 novembre 1990 AJDA 1990 p.39
(3) HALDE délibération n°2011-67 du 28 mars 2011
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Pour en savoir plus
L’entreprise sans foi ni voile ? François Geny – Revue du droit du travail 2011 p.182
Entre exigences professionnelles et liberté religieuse : quel compromis pour quels enjeux ? Isabelle Dasbarats – La Semaine juridique Social n°26 – 28 juin 2011 |